Je vais commencer par souligner les raisonnements que le gouvernement a répétés à maintes reprises lorsque ce projet de loi a été présenté aux étapes de la première lecture et de la deuxième lecture, ce que les membres du gouvernement ont dit en interrogeant les témoins de ce comité et, en particulier, ce qu'a dit le procureur général, le plus haut conseiller juridique du pays. Ils ont dit que l'objectif du projet de loi C‑5 était de régler une fois pour toutes le problème de la surreprésentation des délinquants autochtones et d'autres personnes marginalisées dans nos prisons.
Mon collègue et patron, M. Naqvi, dans ses fonctions antérieures de procureur général de l'Ontario, nous rappelait de temps à autre de tenir compte de cette surreprésentation et de trouver, dans notre rôle de procureurs de l'Ontario — je ne peux parler que de l'Ontario — des outils supplémentaires qui nous permettent d'exercer adéquatement notre pouvoir discrétionnaire. Les procureurs de la Couronne détiennent un énorme pouvoir lorsqu'ils reçoivent une cause. Avec le dossier, ils reçoivent un mémoire de la Couronne qui indique le nom de l'accusé et son infraction et qui donne parfois un résumé des faits saillants. Cependant, les procureurs qui ne connaissent pas, comme moi, un nom de famille similaire à celui d'un délinquant autochtone de la collectivité ou s'ils n'ont pas assez d'années d'expérience pour connaître les récidivistes, ils ne savent pas si cet accusé fait partie de la catégorie de personnes que ce projet de loi vise à aider.
Nous prenons position. Nous effectuons une présélection en fonction de la valeur de l'infraction, mais dans le cadre du processus de poursuite pour une infraction comme celle que prévoit l'article 85... pour les membres du Comité qui ne sont pas avocats, les infractions à l'article 85 sont le plus souvent commises dans le cadre d'un vol à main armée. Ce sont des infractions extrêmement violentes qui menacent la sécurité de la collectivité. Elles sont très souvent commises par des délinquants toxicomanes qui cherchent à se procurer rapidement de l'argent pour nourrir leur dépendance. Ils ciblent très souvent les dépanneurs et les membres vulnérables de la collectivité. Nous adoptons une approche très sévère en exigeant une peine exemplaire. Cependant, ce processus s'étend souvent sur plusieurs années. Les contrevenants engagent un avocat de la défense, qui porte à mon attention ou à celle d'autres procureurs de la Couronne certains des facteurs dont nous devrions tenir compte lorsque nous exerçons notre pouvoir discrétionnaire.
Par ce long discours compliqué et redondant, je voulais souligner une chose dont personne n'a parlé à la Chambre et que j'ai essayé de soulever sans succès à maintes reprises. Ce projet de loi ne tient absolument pas compte du pouvoir discrétionnaire que les procureurs de la Couronne de l'Ontario — et, je l'espère, de partout au pays — exercent pour s'attaquer au problème de la surreprésentation. Dans le cas d'une infraction comme celle prévue au paragraphe 85(3), dont j'ai souligné la gravité — je réponds ici à ce que disait M. Garrison —, avec tout le respect que je dois à M. Garrison, je ne suis pas du tout d'accord avec lui, parce que nous devons envoyer un message aux délinquants qui commettent le même genre d'infraction. Les dispositions du Code criminel sur la détermination de la peine énoncent les principes dont un juge doit tenir compte.
En examinant les incidences du fait d'être un Canadien de couleur qui vit dans un centre urbain et la possibilité d'inciter le juge à en tenir compte, nous n'examinons pas uniquement les antécédents autochtones du contrevenant ou la décision de la Cour d'appel dans l'affaire Morris.
Le fait est qu'il y a beaucoup de jurisprudence, et je suis sûr que mes collègues du ministère de la Justice conviendront que les principes prédominants de détermination de la peine pour ce type d'infraction sont la réprobation, la dissuasion générale et spécifique et, surtout, l'exclusion de la société. Ces contrevenants n'obtiendront pas d'ordonnance de sursis. Qu'ils soient Autochtones ou Noirs, ils se retrouveront en prison. À mon avis, cela établit des normes adéquates qui annoncent que les délinquants qui s'engagent dans ce type d'activité ne vont pas « passer Go », pour reprendre la métaphore du Monopoly, ils se retrouveront obligatoirement en prison. Cependant, grâce à leur pouvoir discrétionnaire, les procureurs de la Couronne peuvent adapter la sentence pour atténuer le problème de la surreprésentation dans les prisons.
La dernière chose que je veux souligner — et mes collègues du ministère de la Justice pourront le confirmer — est le fait que cette infraction en particulier a été confirmée par la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire Meszaros après l'arrêt Nur et par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans l'affaire Al-Isawi, en 2017. Dans ces deux cas, les avocats ont soutenu que cet article et les peines minimales obligatoires ne contrevenaient pas à l'article 12 de la Charte.
Merci, monsieur le président.