propose que le projet de loi C‑319, Loi modifiant la Loi sur la sécurité de la vieillesse relativement au montant de la pleine pension, soit lu une deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Monsieur le Président, c'est pour moi un honneur de présenter aujourd'hui mon premier projet de loi, le projet de loi C‑319, dont voici le sommaire:
Le texte modifie la Loi sur la sécurité de la vieillesse afin d’augmenter de 10 % le montant de la pleine pension à laquelle ont droit tous les pensionnés de soixante-cinq ans ou plus et afin de faire passer de cinq mille dollars à six mille dollars l’exemption à l’égard du revenu d’une personne tiré d’un emploi ou d’un travail effectué à son compte pris en compte dans le calcul du montant du supplément de revenu garanti.
Depuis des années, le Bloc québécois fait de la condition des aînés l'une de ses plus grandes priorités. Les aînés ont été les plus grandes victimes de la pandémie de la COVID‑19. Ils sont de ceux ayant le plus souffert et ils continuent de subir les conséquences néfastes de la pandémie comme l'isolement, l'anxiété et les difficultés financières.
Cela dit, je ne veux pas employer un ton misérabiliste aujourd'hui. Je veux plutôt présenter les aînés comme une force grise formée des gens qui veulent continuer de contribuer à notre société. Ils ont bâti le Québec, nous leur devons le respect.
Le projet de loi C‑319 est destiné à améliorer la situation financière des aînés et est articulé autour de deux parties. Dans mon discours aujourd'hui, j'aborderai d'abord la partie de mon projet de loi qui porte sur l'aspect de la hausse de la pension de la Sécurité de la vieillesse, ou PSV, et j'aborderai ensuite la partie qui concerne la hausse du seuil admissible du Supplément de revenu garanti, ou SRG. Je terminerai mon discours en expliquant un peu plus les conséquences de l'inflation sur la santé financière des aînés.
D'abord, la première partie vise à éliminer la discrimination actuelle en fonction de l'âge. Dans le budget de 2021, le gouvernement libéral a octroyé une augmentation des prestations de la pension de la Sécurité de la vieillesse aux aînés âgés de 75 ans et plus. Cette mesure tardive et mal conçue a créé un nouveau problème, soit un clivage entre les aînés âgés de 65 à 74 ans et ceux qui sont âgés de 75 ans et plus. Les aînés ne décolèrent pas.
Le Bloc québécois s'était opposé à cette discrimination qui allait créer deux classes d'aînés. Naturellement, la précarité, le contexte économique, la perte du pouvoir d'achat, la hausse exponentielle des prix des aliments et du logement ne touchent pas uniquement les plus âgés, mais tous les prestataires de la pension de la Sécurité de la vieillesse. Cette mesure rate la cible en aidant une minorité d'aînés.
En 2021, les personnes âgées de 75 ans et plus représentaient près de 2,8 millions de personnes, contre 3,7 millions de personnes âgées de 65 à 74 ans. Ce point de vue est partagé par la FADOQ et sa présidente, Gisèle Tassé-Goodman, qui a dit ceci à propos de la mesure: « Une belle intention d'aider financièrement les aînés sur la forme, mais sur le fond, les personnes de moins de 75 ans admissibles à la Sécurité de la vieillesse n'obtiennent absolument rien. »
Jusqu'à ce jour, rien n'a été fait pour corriger cette injustice et ce projet de loi vise à mettre fin à cette mesure discriminatoire. Il n'est pas vrai que le chèque unique électoraliste de 500 $ accordé aux personnes âgées de 75 ans et plus en août 2021 allait régler quoi que ce soit. Des aînés se sont même sentis utilisés.
Dans le projet de loi C‑319, le Bloc québécois propose donc une hausse de 10 % de la Sécurité de la vieillesse dès l'âge de 65 ans pour tous les mois postérieurs à juin 2023. Par exemple, à l'heure actuelle, cette hausse augmenterait la prestation versée aux célibataires, veufs, divorcés ou séparés de 1 032 à 1 135,31 $ chaque mois. Quant à la somme accordée lorsque les deux conjoints sont pensionnés, elle serait bonifiée de 621,25 à 683,35 $ chaque mois. On ne vit pas richement avec cela. On ne part certainement pas dans le Sud, et on ne place pas ses économies dans des paradis fiscaux.
Ensuite, avec la hausse marquée et rapide de l'inflation et de la pénurie de main-d'œuvre et de travailleurs d'expérience, le Bloc québécois demeure mobilisé pour défendre les intérêts et le désir de certains aînés de demeurer actifs sur le marché du travail et de contribuer pleinement à la vitalité de leur communauté. C'est pourquoi le Bloc québécois réclame depuis longtemps une hausse du seuil du taux d'exemption des gains de revenus d'emploi pour les aînés.
Déjà, en 2021, lors des dernières élections fédérales, le Bloc québécois proposait dans sa plateforme de hausser cette exemption de 5 000 $ à 6 000 $ afin de permettre à ceux qui le désirent et qui le peuvent de continuer à travailler sans que soient réduites de façon importante leurs prestations du Supplément de revenu garanti, ou SRG, qui est tiré de la pension de la Sécurité de la vieillesse.
En tenant compte de la transformation exceptionnelle de la démographie canadienne durant ces dernières décennies, on constate qu'il y a désormais plus de personnes âgées de 65 ans et plus que d'enfants de moins de 15 ans. Il est plus que nécessaire d'assouplir et d'ajuster nos politiques publiques afin que les Québécois âgés puissent maintenir une qualité de vie digne et qui reflète leurs choix.
Le ministère de l'Emploi et du Développement social du Canada a même publié, en mai 2018, à la suite d'une vaste analyse pancanadienne, le document intitulé « Promouvoir la participation des canadiens âgés au marché du travail – Initiatives prometteuses ». On y énumère les conséquences nocives de l'âgisme dans les milieux de travail et les difficultés auxquelles font face les aînés. Il s'agit notamment d'un manque de scolarité ou de formation, de problèmes de santé ou de difficultés à concilier la vie personnelle et familiale avec les cadres rigides du travail. L'étude propose ensuite de nombreuses mesures ayant comme objectif de faciliter l'intégration et de stimuler la participation des travailleurs possédant de l'expérience.
La socialisation en milieu de travail est bénéfique pour se défaire de l'isolement. L'espérance de vie est en constante augmentation, et le nombre d'emplois étant moins exigeants que ceux d'autrefois est plus élevé.
Il est difficile de comprendre les choix du gouvernement libéral depuis son arrivée au pouvoir. Tout au plus s'est-il contenté de mesures timorées ou ponctuelles, comme nous l'avons constaté durant la pandémie. Actuellement, les montants des prestations de la sécurité de la vieillesse ne suffisent pas à faire face à la diminution du pouvoir d'achat et aux hausses spectaculaires des prix pour le logement ou les ressources intermédiaires d'hébergement.
Il y a déjà six ans, au mois de juin 2017, le Comité sénatorial permanent des finances nationales publiait un rapport sur les incidences financières et les considérations régionales liées au vieillissement de la population. Tous s'entendent que la situation économique des ménages s'est dégradée fortement avec la pandémie et que l'inflation soudaine fait mal aux Québécois et aux Canadiens. Le constat et les solutions proposées par le Comité à l'époque ne pouvaient pas être plus claires. Il recommandait:
[...] au gouvernement du Canada de mettre en œuvre, en collaboration avec ses partenaires provinciaux, territoriaux et autochtones, des mesures pour accroître la participation des groupes sous-représentés au sein de la population active et pour améliorer l'adéquation entre la demande et l'offre de main-d'œuvre afin d'atténuer les conséquences néfastes du vieillissement démographique sur l'économie et sur le marché du travail.
Comme mentionné précédemment, des sommes modestes ont été accordées à ce jour, et une aide ponctuelle a été offerte durant la pandémie en juin 2020. Nous reconnaissons ces efforts, mais nous sommes lucides pour ce qui est des effets indirects de ces aides créées à la hâte. Néanmoins, on constate la détresse croissante des petites et moyennes entreprises qui cherchent désespérément des travailleurs, la fermeture de nombreux commerces et une dévitalisation de certains milieux de vie.
Nous croyons qu'actuellement les contributions au fisc, les incitatifs fiscaux et les taux d'exemption de revenu sur la pension de la sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti n'incitent pas les gens du grand âge à retourner au travail, car ils se voient privés de centaines de dollars par mois.
De plus, il ne faut pas oublier la triste ironie des mesures libérales comme la Prestation canadienne d'urgence et la Prestation canadienne de la relance économique, qui étaient considérées comme des revenus durant la crise sanitaire. Cela a eu comme effet de soutirer des sommes importantes à une classe de la population parmi les plus fragiles et démunies. Cette aberration a finalement été corrigée par le gouvernement en février 2022 après plusieurs mois de représentations du Bloc québécois auprès de la ministre des Aînés lors du dépôt du projet de loi C‑12.
À l'époque, le service de recherche du Bloc québécois avait constaté que les bénéficiaires du Supplément de revenu garanti ayant reçu la Prestation canadienne d'urgence perdaient, pour chaque dollar de la Prestation, 50 cents du Supplément, soit un taux d'imposition de 50 %, près du double de celui des gens les plus riches de la société. Pourtant, à l'époque, personne n'avait avisé les contribuables concernés de cette conséquence dramatique sur les revenus disponibles des ménages. Lors de l'étude de cette loi, le Bloc québécois a souligné cette importante injustice et ce traitement préjudiciable et aberrant. Le réseau de la FADOQ avait pour sa part qualifié la situation de drame.
Je reviens à ce que nous suggérons. L'exemption sur les gains et différents revenus augmenterait de 5 000 à 6 500 $ par an. Cela laisserait 1 500 $ de plus dans les poches de tous les prestataires de 65 ans et plus. En comparaison avec la proposition de 2021, le projet de loi actuel suggère donc 500 $ de plus, pour un total de 6 500 $, pour compenser la dégradation de la situation économique. L'objectif de ces deux mesures combinées est d'augmenter à la fois les montants de base mensuels et le revenu de travail annuel. Ainsi, nous croyons que les aînés pourront mieux faire face à l'inflation et aux difficultés actuelles. C'est la moindre des choses pour permettre à des millions de gens ayant contribué à notre société de vivre dignement.
Troisièmement, parlons de l'impact de l'inflation. Rappelons que ce montant de la sécurité de la vieillesse est imposable. Les montants de la pension de la sécurité de la vieillesse et du Supplément de revenu garanti sont révisés en janvier, avril, juillet et octobre, apparemment pour tenir compte du coût de la vie. Ces prestations étaient indexées annuellement jusqu'en 1973. À l'époque, l'inflation était très élevée, notamment pour l'énergie et les aliments, et les autorités estimaient qu'une indexation trimestrielle protégerait mieux de fortes hausses imprévues des prix en cours d'année. À l'été 2020, cependant, même la FADOQ avait dénoncé le fait que ces hausses ne payaient même pas un café chez Tim Horton's.
Les habitudes de consommation des aînés diffèrent de celles du reste de la population. Par conséquent, ils subissent une inflation différente. Statistique Canada a étudié cette différence en 2005. On a constaté que les personnes âgées dépensent proportionnellement moins d'argent pour le transport, l'essence ou l'achat d'une nouvelle voiture, mais beaucoup plus pour le logement et l'alimentation. Pour chaque tranche de 100 $, ils y consacrent 56 $, contre 45 $ pour tous les autres ménages. On s'entend que ce n'est pas un luxe, le logement et l'épicerie.
Quel est l'impact sur l'inflation subie? De 1992 à 2004, le taux d'inflation annuel moyen a été de 1,95 % pour les ménages composés uniquement de personnes âgées, contre 1,84 % pour les autres ménages. Encore une fois, les aînés sont plus touchés.
Je vais ici rafraîchir la mémoire des libéraux. Le 19 mars 2022, la députée libérale d'Etobicoke-Nord a déposé la motion M‑45. Si le Parti libéral et le Parti vert sont cohérents avec leurs appuis — 14 députés de ces deux partis avaient appuyé conjointement cette motion —, le projet de loi C‑319 devrait être adopté.
Je lis le texte de la motion, car cela vaut la peine:
Que:
a) la Chambre reconnaisse que (i) les aînés méritent une retraite digne, sans soucis financiers, (ii) de nombreux aînés craignent l'épuisement de leurs économies en vue de la retraite, (iii) de nombreux aînés s'inquiètent de ne pas être en mesure de vivre de façon indépendante dans leur demeure;
b) de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait entreprendre une étude sur le vieillissement de la population, la longévité, les taux d'intérêt et les fonds enregistrés de revenu de retraite, et faire rapport de ses conclusions et recommandations à la Chambre dans les 12 mois suivant l'adoption de la présente motion.
Le 15 juin 2022, 301 députés ont finalement voté pour cette motion, tandis que 25 ont voté contre. Sur les 326 députés présents, seuls les 25 députés du Nouveau parti démocratique ont voté contre cette motion.
Les personnes âgées qui vivent d'un revenu fixe ont du mal à faire face à leurs dépenses, parce que leurs frais quotidiens augmentent plus vite que leurs versements de pension. La Sécurité de la vieillesse, ou SV, est ajustée en fonction de l'inflation environ tous les trois mois, tandis que le Régime de pensions du Canada, ou RPC, est rajusté en janvier de chaque année. Or, pour certaines personnes, la SV et le RPC, ce n'est pas suffisant.
Les gens ressentent le choc de la hausse de 10,3 % sur 12 mois des prix des aliments que Statistique Canada a relevée au cours de la période de 12 mois précédant septembre. Les prix des aliments ont augmenté plus rapidement que l'indice général des prix à la consommation, qui s'est accru de 6,9 % sur un an en septembre, toujours selon Statistique Canada.
Je rencontrais ce matin des gens de l'Armée du salut qui m'ont dit eux aussi avoir observé, comme bien d'autres moissons, que les demandes en aide alimentaire ont doublé et qu'une bonne partie de cette augmentation provient de demandes d'aînés. C'est quand même incroyable de savoir que cette hausse permanente de la SV, qui est la première depuis 1973, donc depuis 50 ans, n'est pas liée à l'inflation. On va espérer que cela puisse aider les aînés qui, comme on le dit et comme on le voit, sont de plus en plus nombreux dans les moissons alimentaires.
Rappelons qu'à l'été 2021, à un mois des élections, le gouvernement fédéral avait accordé ce chèque de 500 $ aux aînés admissibles à la pension pour les aider apparemment à affronter les problèmes d'abordabilité liés à la pandémie, mais cela va prendre beaucoup plus qu'une vision qui ne soit que ponctuelle. Il va vraiment falloir qu'on se penche sur le long terme.
Mis à part l'augmentation liée à l'indexation à l'inflation, la SV complète pour les 65 à 74 ans reste inchangée. C'est 666,83 $ par mois. Avec ce si faible revenu mensuel, ce n'est pas surprenant que le Canada ait la génération de retraités où l'on retrouve les plus grandes iniquités, voire les plus grandes injustices.
Le Bloc québécois demande depuis l'élection de 2019 cette augmentation de la SV pour tous les aînés à partir de 65 ans, parlant même de discrimination et d'âgisme envers les 65 à 74 ans. Ce projet de loi est donc une suite logique à notre programme.
En conclusion, je tiens à remercier de leur appui à ce projet de loi Mme Gisèle Tassé‑Goodman de la FADOQ, M. Pierre‑Claude Poulin de l'Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées et Mme Diane Dupéré de l'Association québécoise des retraités et des retraitées des secteurs public et parapublic. Eux, comme moi, ne sommes finalement que les porte-voix, à l'écoute des histoires des aînés qu'on entend au quotidien. Je ne veux pas passer sous silence tous les groupes d'aînés qui m'ont aussi envoyé des messages d'appui, et ce, de partout au Québec. Ce projet de loi C‑319, c'est le minimum pour eux qu'il faudrait faire pour réussir à leur donner un petit coup de pouce et un peu d'air frais.
Une dernière chose: j'aimerais que la Chambre réalise l'importance de ce projet de loi qui n'est pas un luxe, mais une nécessité. C'est juste le gros bon sens pour aider les aînés à vieillir dans la dignité. Si je me fie aux commentaires que je reçois jusqu'à maintenant, même d'aînés ailleurs qu'au Québec, tout ce que j'ai à dire, c'est travaillons ensemble. Il y a des motions semblables qui ont été adoptées souvent. Je pense à notre motion à nous, quand le Bloc québécois avait réclamé dans le cadre de sa journée de l'opposition une hausse de la SV. Il n'y avait que les libéraux qui avaient voté contre. Ils s'étaient retrouvé isolés. Cette fois-ci, je leur tends la main pour qu'ils règlent cette injustice qu'ils ont créée et je les invite à voter avec nous pour le projet de loi C‑319.
Encore une fois, c'est une question de dignité pour les aînés.