Madame la Présidente, je suis partagé quant au débat de ce matin, car un débat d’adoption sur un rapport unanime, qui porte sur un sujet très important, est une bonne chose, mais je me demande si l’intention réelle de ce débat n’est pas de détourner l’attention des autres affaires du Parlement plutôt que de parler des recommandations importantes de ce rapport.
Il est certain que nous avons entendu un large éventail de personnes au comité sur ce rapport. De nombreuses victimes d’actes criminels sont venues raconter, au prix de grands sacrifices de leur part, ce qui leur était arrivé et les conséquences de leur état de victime d’actes criminels. Nous avons entendu de nombreuses organisations qui fournissent des services aux victimes d’actes criminels. Je tiens à remercier tout particulièrement l’organisme Les mères contre l’alcool au volant, qui dispose d’un programme très actif de défense des victimes.
Nous avons entendu l'ombudsman des victimes, et je tiens ici à rendre hommage à la précédente ombudsman des victimes, Heidi Illingworth, et à l'ombudsman actuel, Benjamin Roebuck, pour l’important travail de recherche et de défense qu’ils accomplissent dans l'intérêt des victimes dans ce pays.
J’espère que nous pourrons, au cours de ce débat, continuer à nous concentrer sur ce que nous ont dit ces victimes et ces protecteurs des victimes, ainsi que sur les recommandations qui ont été approuvées à l’unanimité par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Une fonction importante de ce débat aujourd’hui pourrait être d’encourager le gouvernement, dans les nombreux ministères concernés, à progresser dans la mise en œuvre de ces recommandations.
Il existe d’autres mécanismes au sein de cette Chambre pour demander des comptes aux ministres du gouvernement. Je sais que les députés du Parti conservateur le savent, qu’ils les ont utilisés, et j’insiste donc à nouveau pour que nous ne tenions pas ce débat à d’autres fins, quand d’autres mécanismes existent. Quoi que l’on croie au sujet de cette question, ils existent, ils ont été utilisés et ils peuvent continuer de l’être. J’espère donc qu'on ne se concentrera pas sur une autre question, qui est importante, certes, mais tout à fait autre que les questions soulevées dans ce rapport. Encore une fois, je tiens à ce que nous continuions à nous concentrer sur la mise en œuvre des recommandations de ce rapport.
Ce rapport comporte un certain nombre de chapitres, et j’ai été quelque peu étonné de constater qu’en fin de compte, sur un sujet qui a souvent été controversé au sein du Parlement, nous avons été en mesure de parvenir à un consensus sur 13 recommandations. C’est un genre de petit miracle, surtout dans un Parlement minoritaire et sur un sujet qui a déjà été si controversé.
J’attire l’attention sur le chapitre 4, qui traite des services aux victimes d’actes criminels, et j’y reviendrai dans une minute. Ce rapport contient tout un chapitre sur le droit à l’information sur la procédure judiciaire. Il contient des recommandations sur le droit des victimes de participer à la procédure judiciaire et sur la manière dont nous aplanissons les difficultés que les victimes doivent surmonter lorsqu’elles tentent de participer à cette procédure. Un chapitre est consacré au droit à la protection des victimes lorsqu’elles participent à la procédure, et j’y reviendrai un peu plus tard.
Il y a un chapitre important sur la notion du dédommagement, sur le fait que souvent les victimes d’actes criminels ne peuvent pas être rétablies complètement sur le plan financier et le plan circonstanciel. Le dernier chapitre porte sur les mécanismes de plainte et les voies de recours, c’est-à-dire les moyens dont disposent les victimes pour faire connaître leur situation au système et à ceux qui ont le pouvoir de changer les choses lorsque le système ne fonctionne pas correctement.
En ce qui concerne les services, l’une des choses importantes que j’ai apprises est que la Charte des droits des victimes ne prévoit pas de droit d’accès aux services pour les victimes d’actes criminels. Je crois que c’est un oubli, et ce comité, à la recommandation 2, dit que nous devrions y remédier. Nous savons que ce sera un défi. Le gouvernement fédéral partage le domaine de la justice avec les provinces, et l’administration de la justice revient aux provinces.
C’est pourquoi la recommandation 3 de ce rapport parle de collaboration pour fixer des normes minimales en matière de services de soutien offerts aux victimes et de participation aux différents volets de la procédure judiciaire. J’ai été très heureux d’entendre mon collègue du Bloc québécois convenir que nous devons travailler ensemble pour établir des normes minimales. Encore une fois, cela fait partie du miracle de ce rapport, à savoir que même sur des questions fédérales-provinciales litigieuses, nous avons pu nous entendre sur la manière de mieux servir les victimes.
De quoi les victimes ont-elles vraiment besoin? Il y a toute une série de choses, mais ce que nous avons entendu le plus souvent, c’est qu’elles ont besoin de services de soutien adaptés à leurs besoins et que, très souvent, ces besoins varient.
Les victimes issues de milieux différents ont des besoins différents pour les aider à participer au processus et à se rétablir en tant que victimes d’actes criminels. Bien souvent, les services dont nous disposons ne prennent pas en compte les différences de situation, en particulier celle des personnes les plus marginalisées de notre société, et notamment des Autochtones. La mise à disposition de services culturellement pertinents et adaptés aux victimes est un point sur lequel nous échouons souvent et nous ne faisons pas du bon travail.
Lorsque nous parlons de services aux victimes d’actes criminels, nous avons tendance à ignorer les services de santé mentale. Là encore, mon collègue de Comox a été un grand défenseur des services de santé mentale. Ce rapport reconnaît que les victimes ont souvent besoin de thérapies très précises pour retrouver leur pleine participation à la société après avoir été victimes d’un acte criminel. Je recommande ce chapitre à tous les députés. C’est un chapitre très important sur les lacunes de nos approches.
J’ai été surpris d’apprendre que l’aide juridique n’est généralement pas disponible, sous quelque forme que ce soit, pour les victimes d’actes criminels. Bien qu’ayant enseigné la justice pénale pendant de nombreuses années, je n’étais pas vraiment conscient du fait que cette question se posait du point de vue des victimes. Nous fournissons une aide juridique aux accusés et, bien sûr, nous avons des procureurs qui sont payés par le public. Cependant, lorsqu’il s’agit de la participation de victimes d’actes criminels, l’aide juridique n’est généralement pas disponible pour elles. Nous dépendons d’organisations de défense des droits pour fournir ces conseils et cette aide aux victimes d’actes criminels.
Cela m’amène au chapitre sur le droit à l’information. Là encore, nous avons fait quelque chose de particulier lorsque nous avons établi les droits des victimes et que nous avons dit que les victimes avaient le droit de demander des renseignements sur le système. Ce que nous avons entendu à maintes reprises de la part des victimes et de leurs organisations de défense, c’est que bien souvent, les victimes ne savent même pas quoi demander. Le système est si peu familier pour elles, si complexe et si impitoyable. En particulier pour les personnes ayant subi un traumatisme, il est si difficile de s’y retrouver qu’elles ne savent même pas quels sont leurs droits ou comment y accéder.
Une recommandation importante de ce rapport, la recommandation no 4, demande qu'on précise que les renseignements auxquels les victimes d’actes criminels ont droit ne doivent pas être fournis sur demande, mais bien de manière automatique. D'un endroit à l'autre, les services offerts aux victimes et les droits de celles-ci ne leur sont pas aussi bien expliqués. Là encore, nous dépendons dans une large mesure de ces organismes bénévoles pour informer les victimes de leurs droits. Cependant, à moins d’être en contact avec un de ces organismes, la personne ne saura pas comment naviguer dans notre système judiciaire très complexe.
Au lieu de dire que c’est à la victime de demander les renseignements, mentionnons que c’est à quelqu’un en particulier de les fournir. Nous n’avons pas essayé de régler ce problème dans ce rapport, mais nous avons indiqué qu’il est nécessaire de désigner quelqu’un en particulier. Nous ne pouvons pas nous contenter de dire que les victimes ont droit à l’information sans préciser qui doit leur communiquer cette information. C’est la tâche des gouvernements, encore une fois, parce que les compétences en matière de justice sont réparties entre divers ordres de gouvernement. Il leur appartient donc de collaborer pour décider qui veillera à ce que les victimes obtiennent les renseignements dont elles besoin.
Nous pourrions notamment fournir un financement de base aux organismes d’aide aux victimes qui font déjà ce travail. Si nous leur fournissions un meilleur financement, elles pourraient veiller à ce que les victimes obtiennent les renseignements dont elles ont besoin pour savoir comment elles peuvent se faire entendre au sein du système judiciaire, mais aussi des renseignements sur les services mêmes qui leur sont peut-être offerts dans la collectivité.
Le chapitre 7 porte sur le droit à la protection de l’identité des victimes et le droit à la protection de leur vie privée. Là encore, c’est probablement une des parties les plus surprenantes du rapport. Nous avons entendu des témoignages très émouvants et percutants de victimes d’agression sexuelle, comme Morrell Andrews, qui a parlé de quelque chose que nous avons fait, il y a des années, dans notre système judiciaire. Nous avons mis en place des ordonnances de non-publication afin que l’identité des victimes d’agression sexuelle ne devienne pas publique.
Au fil des années, notre compréhension des agressions sexuelles a évolué, et beaucoup de victimes d’agression sexuelle étaient surprises d’apprendre qu’elles faisaient l’objet d’une ordonnance de non-publication, qu’il leur était interdit de parler de ce qui leur était arrivé. Nombre de ces victimes d’agression sexuelle estimaient également que l’ordonnance de non-publication, en protégeant leur identité, protégeait aussi celle de l’agresseur.
Ce qui ressort très clairement des témoignages que nous avons entendus, des témoignages très éloquents de personnes pour qui il était très difficile de raconter leur propre agression, c’est que les dispositions actuelles privent les victimes d’agression sexuelle de leur libre arbitre.
Donc, à la recommandation 11, le comité recommande ceci: premièrement, que les personnes faisant l’objet d’une ordonnance de non-publication soient informées et consultées avant que l’ordonnance de non-publication prenne effet; et deuxièmement, qu’elles aient le droit de se soustraire à cette ordonnance.
Beaucoup de députés savent que j’ai parlé un certain nombre de fois à la Chambre du fait que j’ai été victime d’agression sexuelle pendant mon enfance. Le voile du secret qui m’entourait alors m’a aidé, mais il a surtout aidé l’agresseur, qui avait huit autres victimes. Il aurait été très important pour moi, même si en tant que mineur, je ne pouvais probablement pas prendre cette décision, que quelqu’un décide que le public devait voir cette information. Les victimes adultes d’agression sexuelle nous ont dit très clairement qu’elles veulent retrouver leur libre arbitre. Elles veulent pouvoir parler de ce qu’elles ont vécu, elles veulent pouvoir mettre en garde d’autres personnes et elles ne veulent pas être traitées comme des enfants en ce qui concerne les agressions sexuelles.
Ce ne sont que quelques faits saillants de ce rapport.
Je dis que nous devons essayer de nous concentrer sur ces recommandations afin de pouvoir avancer, mais je tiens à parler un instant d’une mesure prise par le gouvernement par suite de ce rapport.
Le Sénat étudie actuellement le projet de loi S-12. La dernière fois que j’ai vérifié, il y a deux jours, le Comité sénatorial de la justice était sur le point de terminer son examen de ce projet de loi qui vise à donner force de loi à la recommandation 11 du rapport. Quand le Sénat en aura terminé, le projet de loi S-12 reviendra à la Chambre et nous pourrons, en l’approuvant, redonner leur libre arbitre aux victimes d’agression sexuelle et leur donner le droit d’être informées des ordonnances de non-publication avant qu’elles soient imposées afin de pouvoir s’y soustraire.
Quand je dis qu’il est important de nous concentrer sur ces recommandations pour avancer, il y a un exemple très précis des nombreuses choses qui se trouvent dans ce rapport, de sorte que, si nous nous attachons à obtenir le soutien unanime à ces recommandations, je crois que nous pourrons progresser en matière de droits des victimes et de services aux victimes.
Encore une fois, nous sommes dans un Parlement minoritaire où les débats sont souvent houleux. Cependant, au comité de la justice, sur bien des questions, nous réussissons à travailler ensemble pour parvenir à l’unanimité. Le rapport intitulé « Améliorer le soutien aux victimes d’actes criminels » est mon meilleur exemple de la façon dont le Parlement peut travailler. Le Parlement peut être très fonctionnel, et nous pouvons formuler des recommandations qui sont importantes pour la vie des Canadiens.