Madame la Présidente, les Canadiens se soucient de l'état de leur environnement. Selon les sondages, 92 % des Canadiens estiment que le gouvernement devrait reconnaître leur droit de vivre dans un environnement sain. Le Canada dispose de plusieurs textes législatifs importants sur la protection de l'environnement, mais la Loi canadienne sur la protection de l'environnement est la pièce maîtresse de cet engagement du gouvernement.
Le projet de loi S-5, dont nous débattons aujourd'hui, est la mise à jour tant attendue de cette loi. La dernière mise à jour remonte à 24 ans et beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis lors. Une partie de cette eau contenait probablement certaines des nombreuses nouvelles toxines que nous avons inventées au cours des deux dernières décennies. Voilà un aspect qui devait être mis à jour grâce à ce projet de loi. En outre, nous en avons beaucoup appris sur les effets cumulatifs de ces toxines, même à des doses infimes. Il faut littéralement se précipiter si nous voulons rester au-devant des dommages que nous causons à l'environnement ici au Canada et dans le monde entier.
Les gens préoccupés par l'environnement ont salué cet effort de mettre à jour la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, et le NPD a lui aussi salué cette initiative. Cela aurait dû être fait il y a longtemps.
J'aimerais passer un peu de temps à parler de l'historique de ce projet de loi, car je pense que cela permettra de mieux contextualiser certains des tentatives visant à corriger la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
Le projet de loi a été présenté pour la première fois au cours de la législature précédente. Il s'agissait du projet de loi C-28, qui a été déposé en avril 2021, c'est-à-dire il y a deux ans. Cependant, le gouvernement n'en a pas saisi la Chambre à ce moment-là, puis il a déclenché des élections à l'été, de sorte que cette version du projet de loi est morte au Feuilleton.
Des spécialistes du droit de l'environnement de partout au pays ont analysé le projet de loi et ils ont commencé à proposer des idées pour l'améliorer avant qu'on ne le présente de nouveau au Parlement. On espérait que le gouvernement modifierait le projet de loi en intègrant certaines de ces idées avant de le présenter à nouveau. Ainsi, ces changements ne seraient pas considérés comme dépassant la portée du projet de loi. Il a plutôt présenté la même version du projet de loi au Sénat en février 2022, soit le projet de loi C-28, qui est devenu le projet de loi S-5, dont nous débattons aujourd'hui. Le Sénat a examiné le projet de loi longuement et sérieusement en comité, il l'a amélioré de plusieurs façons et il l'a renvoyé à la Chambre à la fin de juin dernier, puis la Chambre en a fait l'étude l'automne dernier. Il a depuis franchi l'étape de la deuxième lecture et celle de l'étude en comité, et nous en sommes maintenant à l'étape du rapport.
Le projet de loi vise essentiellement à permettre aux Canadiens de vivre dans un environnement propre et sain. Une grande partie de ses dispositions détaillées se trouvent dans la réglementation sur les produits chimiques toxiques qui peuvent nuire directement à notre santé et dégrader les écosystèmes dont nous dépendons tous. Ce sont des produits que nous avons inventés et continuons d'inventer, ceux qui sont rejetés dans l'environnement, sciemment ou non.
Le projet de loi inclut une nouveauté très importante: l'ajout attendu depuis longtemps d'une déclaration selon laquelle les Canadiens ont le droit de vivre dans un environnement sain. L'an dernier, le 28 juillet 2022, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté à l'unanimité une résolution qui reconnaît le droit à un environnement sain partout dans le monde. On compte 159 pays qui ont des obligations juridiques quand vient le temps de protéger le droit à un environnement sain comme un droit de la personne. Cependant, le Canada ne dispose pas de telles obligations juridiques.
Il existe des chartes des droits environnementaux en Ontario, au Québec, au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut. Cependant, il n'existe pas de loi fédérale qui reconnaît, de manière explicite, le droit de vivre dans un environnement sain au Canada. Le projet de loi S-5 pourrait changer cette situation; c'est donc un pas dans la bonne direction. Il est toutefois important de soutenir les déclarations de droits avec une loi qui en assure l'application. Malheureusement, la précédente version de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement était considérée comme inapplicable, et la présente version ne l'est pas plus.
Le comité sénatorial qui a étudié le projet de loi S-5 l'a renvoyé à la Chambre avec le message suivant:
Le comité souhaite exprimer sa préoccupation quant au fait que le droit à un environnement sain ne peut être protégé que s’il est véritablement applicable. Ce caractère exécutoire serait obtenu en éliminant les obstacles qui existent au pouvoir de recours actuel prévu à l’article 22 de la LCPE, intitulé « Mesures de protection de l’environnement ». On craint que l’article 22 de la LCPE ne contienne trop d’obstacles procéduraux et d’exigences techniques à respecter pour être d’une utilité pratique. Comme le projet de loi S-5 ne propose pas l’élimination ou la réévaluation de ces obstacles, le comité craint que le droit à un environnement sain reste inapplicable.
Le Sénat n’a pas réglé ce problème d’applicabilité au moyen d’amendements parce que de tels amendements auraient apparemment dépassé la portée du projet de loi. Je dirais donc que le gouvernement devrait présenter une mesure législative distincte le plus tôt possible pour remédier à cette situation. Encore une fois, le gouvernement aurait pu éviter tout cela s'il avait réglé ce problème avec la Loi canadienne sur la protection de l’environnement et le projet de loi S-5 avant de présenter la nouvelle version du projet de loi.
De même, le projet de loi S-5 comportait d'autres lacunes majeures qui ne pouvaient pas faire l'objet d'amendements, notamment l'absence de normes de qualité de l'air juridiquement contraignantes et exécutoires. Il est vraiment très surprenant que la première mouture du projet de loi S-5 n'ait pas du tout tenté d'aborder la question de la qualité de l'air. On n'y prévoit pas non plus de processus d'évaluation des risques plus ouvert, inclusif et transparent pour évaluer les animaux génétiquement modifiés dans l'environnement, surtout le saumon sauvage. Le saumon est un élément essentiel de nos écosystèmes aquatiques, et il est sacré pour les Premières Nations qui comptent sur des populations de saumon en santé depuis des millénaires. Le risque d'introduire du saumon génétiquement modifié en milieu sauvage devrait déclencher toutes sortes de signaux d'alarme.
À ce moment-ci, j'aimerais mentionner mon projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C-219, Charte canadienne des droits environnementaux, qui appliquerait le droit à un environnement sain à l'intégralité du mandat fédéral, donc pas seulement en ce qui concerne les toxines et d'autres aspects régis par la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, mais bien en ce qui concerne tous les aspects de l'environnement régis par des lois fédérales. Le noyau du projet de loi C-219 est un processus redditionnel transparent qui permettrait aux Canadiens de s'assurer que leur gouvernement respecte bel et bien le droit à un environnement sain. Ce processus redditionnel est absent du projet de loi S-5 et de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Il aurait pu et aurait dû y être inclus. J'espère que le gouvernement et tous les partis appuieront mon projet de loi et s'en serviront en partie à titre de modèle pour renforcer la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
En conclusion, je tiens à préciser que le NPD appuiera le projet de loi S-5 à l'étape du rapport. Nous sommes heureux que le droit de vivre dans un environnement propre et sain soit enfin reconnu dans une loi fédérale, et nous sommes heureux que le projet de loi confirme l'engagement du gouvernement à mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Toutefois, de nombreux aspects du projet de loi laissent à désirer. J'en ai nommé quelques-uns, mais il y en a beaucoup d'autres.
J'ai été rassuré d'entendre le discours du député de West Vancouver—Sunshine Coast—Sea to Sky Country, dans lequel il a reconnu ces lacunes et a demandé un nouveau projet de loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l'environnement pour les corriger le plus rapidement possible. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi ils n'ont pas été inclus dans le projet de loi dont nous sommes saisis, qui est en préparation depuis 24 ans, mais j'accueillerais certainement favorablement un tel projet de loi.
La plupart des Canadiens seront heureux de voir le projet de loi adopté, et je sais que la plupart des partis voteront en faveur du projet de loi, même si certains le feront à contrecœur. J'espère que le Sénat l'examinera rapidement pour que nous puissions en bénéficier et commencer rapidement à rédiger un nouveau projet de loi qui renforcera encore une fois la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, une loi qui protégera réellement les Canadiens et qui garantira que nous et nos petits-enfants pourrons vivre dans un environnement propre et sain, ce qui est notre droit.