Madame la présidente, je tiens d'abord à dire que je suis encouragé d'entendre le ministre dire que le gouvernement libéral comprend maintenant l'importance de certaines choses comme les engrais, l'édition génomique et la technologie des semences ainsi que le rôle que ces éléments joueront dans la sécurité alimentaire, car je dirais que nous sommes en pleine crise d'insécurité alimentaire. Ce n'est pas quelque chose qui arrivera plus tard, mais quelque chose qui est déjà en train de se produire. J'ose espérer que le ministre comprend le rôle géopolitique essentiel que l'agriculture canadienne peut jouer non seulement au Canada, mais à l'échelle internationale.
Pour mettre les choses en perspective, mentionnons que l'Ukraine est le grenier d'une grande partie de l'Europe, de l'Asie et de l'Afrique. L'incertitude entourant le conflit en Ukraine a certainement un effet considérable sur le prix de ces denrées, et pas seulement en Europe. Ceux qui croyaient que le Canada serait épargné ont été bien naïfs.
Nous avons eu l'honneur de recevoir le ministre ukrainien de l'Économie au comité l'autre jour, et je veux mentionner ce qu'il a dit. Il a affirmé que l'Ukraine subit catastrophe après catastrophe, et que la situation là‑bas avait la plus grande incidence mondiale observée depuis la Seconde Guerre mondiale. Il a ajouté que les agriculteurs ne produisaient plus d'aliments, mais qu'ils devaient maintenant faire la queue pour en obtenir. C'est très pertinent, et cela donne une idée de la gravité de la situation.
La ministre ukrainienne de l'Agriculture a aussi comparu devant le comité. Elle a dit que les soldats russes occupaient maintenant 23 % du territoire ukrainien. Ils volent du grain, ils détruisent des infrastructures essentielles, et ils bloquent les ports de l'Ukraine. Cela nuira sérieusement à la capacité de l'Ukraine d'exporter tous les produits qu'elle a pu récolter ce printemps et pourra récolter l'année prochaine. Comme la ministre l'a dit, cela provoquera des troubles sociaux, une famine et, très probablement, des conflits partout dans le monde, surtout dans la Corne de l'Afrique. La façon dont le Canada réagira à cette tragédie et à cette crise de l'insécurité alimentaire sera déterminante.
J'ai un point de vue différent de celui de la ministre, car je pense que l'agriculture canadienne peut jouer un rôle crucial pour régler la crise de l'insécurité alimentaire. Ces dernières semaines et ces derniers mois, j'ai parlé à des agriculteurs canadiens partout au pays alors que cette crise commençait, et chacun d'entre eux m'a dit que nous avions une obligation morale d'intervenir et de faire tout notre possible pour régler cette crise de l'insécurité alimentaire. Ces agriculteurs veulent répondre présents pour aider leurs alliés et leurs amis en Ukraine. Assurément, dans l'Ouest canadien en particulier, notre secteur agricole s'est développé grâce aux immigrants ukrainiens qui ont travaillé la terre après être arrivés au Canada il y a plus de 100 ans. Nous leur devons beaucoup.
Toutefois, pour que les agriculteurs canadiens puissent le faire, qu'ils puissent atteindre ce potentiel et aider à régler cette crise, ils ont besoin d'outils. Les agriculteurs comprennent évidemment que beaucoup de variables sont hors de leur contrôle, mais ils s'attendent à pouvoir compter sur le gouvernement pour certaines choses. Ils veulent pouvoir compter sur un régime fiscal et un cadre réglementaire concurrentiels, sur des chaînes d'approvisionnement efficaces et fiables, sur des programmes de gestion des risques de l'entreprise efficaces et solides, et sur un accès aux marchés mondiaux. Il me semble malheureusement que pour tous ces points, le gouvernement est en train de laisser tomber l'agriculture, ce qui nous empêche certainement d'atteindre notre plein potentiel, d'augmenter nos récoltes — pas seulement pour répondre aux besoins nationaux, mais aussi aux besoins mondiaux — et d'améliorer notre capacité à agir en temps de crise, comme nous le voyons aujourd'hui.
La taxe fédérale sur le carbone imposée aux agriculteurs canadiens par le gouvernement en est un exemple. Aujourd'hui, les Grain Farmers of Ontario sont venus au comité pour discuter du projet de loi C‑8, que les libéraux décrivent comme le programme de remboursement du carbone pour les agriculteurs. Les libéraux ne cessent de nous dire que la taxe sur le carbone est sans incidence sur les recettes et que les Canadiens récupèrent ce qu'ils paient pour la taxe sur le carbone. Pourtant, les Grain Farmers of Ontario ont affirmé au comité aujourd'hui qu'ils récupèrent entre 13 % et 15 % de ce qu'ils paient pour la taxe sur le carbone. C'est loin d'être sans incidence sur les recettes. Je dirais d'ailleurs que le gouvernement induit les Canadiens en erreur en prétendant que ce programme est sans incidence sur les recettes. C'est loin d'être le cas. Cela empêche les agriculteurs canadiens d'innover, d'investir et de faire croître leur entreprise, sans parler de leurs rendements.
La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante confirme ces chiffres des Grain Farmers of Ontario en affirmant que ce qu'un agriculteur paie pour la taxe sur le carbone passera en moyenne de 14 000 $ à 45 000 $ à la suite de l'augmentation d'avril. Selon le ministère des Finances, un agriculteur moyen récupère à l'heure actuelle 800 $ par année. Ainsi, les agriculteurs paient 45 000 $ et récupèrent 800 $. Comme je l'ai dit, c'est loin d'être sans incidence sur les recettes.
Ce programme est dévastateur et inutile pour les agriculteurs canadiens, surtout que nous avons proposé une bien meilleure solution par la voie du projet de loi C‑234, qui exempterait de la taxe sur le carbone les combustibles agricoles, notamment le gaz naturel et le propane utilisés pour chauffer les étables et sécher le grain. Cela permettrait aux agriculteurs de réinvestir cet argent dans les choses dont ils ont besoin pour améliorer leurs activités d'exploitation.
Selon l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture, le lien entre le prix de l'énergie, exacerbé par la taxe sur le carbone, et les engrais fait peser sur le secteur agricole un risque important. L'expert renommé en commerce agricole Robert Saik a dit que, pour assurer la durabilité et la santé du secteur agricole, nous devons prendre des décisions fondées sur les connaissances scientifiques et non sur l'idéologie.
Le Programme alimentaire mondial estime que 800 millions de personnes sont aux prises avec l'insécurité alimentaire dans le monde. En raison du conflit déclenché par l'invasion illégale de l'Ukraine par la Russie, l'organisation s'attend à ce que 13 millions de personnes s'ajoutent à ce nombre. Cela nous montre à quel point la situation est grave et à quel point il est important que les agriculteurs canadiens soient concurrentiels et puissent atteindre leur plein potentiel.
Pour mettre les choses en perspective, je signale que les États‑Unis n'ont pas imposé de taxe carbone à leur secteur agricole. Les États‑Unis sont notre plus grand partenaire commercial, mais aussi notre plus grand concurrent sur la scène mondiale. En fait, les États‑Unis ne punissent pas non plus leurs agriculteurs avec un droit de douane sur les engrais. Le Canada est le seul pays du G7 à imposer un droit de douane sur les engrais.
Nous avons demandé au gouvernement libéral d'exempter de droits de douane les engrais achetés en Russie avant le 2 mars, afin de ne pas imposer ce fardeau aux agriculteurs canadiens. Soyons très clairs: ce n'est pas Vladimir Poutine qui pait ce droit de douane ni l'armée russe. Seuls les agriculteurs canadiens le paient. Nous avons vu les chiffres et ce droit de douane va coûter aux agriculteurs canadiens, surtout dans l'Est du Canada, environ 150 millions de dollars par an.
Ce sont 150 millions de dollars pris directement dans les poches des agriculteurs canadiens qui s'en vont dans les coffres du gouvernement libéral. En plus de l'impact financier, nous verrons que les agriculteurs utiliseront moins d'engrais. La conséquence sera un moins bon rendement. Il y a déjà eu une diminution de 40 % des rendements l'année dernière à cause des aléas de la météo. Si ceux-ci causent encore des diminutions de rendement ou si le rendement ne revient pas à la normale, l'impact sera considérable. Le prix des aliments augmentera non seulement au pays, mais partout dans le monde, et cela aura un impact sur notre capacité à régler les problèmes d'insécurité alimentaire partout sur la planète. Cela ne punit pas Vladimir Poutine; il n'y a que les agriculteurs canadiens qui soient punis.
La ministre de l'Agriculture ukrainienne a également affirmé que l'Ukraine avait besoin de semences, de machinerie, de carburant et d'installations de stockage temporaires pour son grain et ses marchandises. Ce dont l'Ukraine a besoin c'est que l'agriculture canadienne tourne à plein régime afin qu'elle puisse contribuer et répondre aux besoins exprimés. Or, en cette période de crise alimentaire mondiale, alors qu'il faudrait que le secteur agricole canadien en fasse plus qu'à l'habitude, les libéraux ont décidé d'alourdir la bureaucratie, la réglementation et le fardeau fiscal auxquels sont assujettis les agriculteurs canadiens.
Un autre exemple est l'étiquetage sur le devant des emballages, qui représente un fardeau bureaucratique de 2 milliards de dollars pour l'industrie. Cela aura des répercussions non seulement sur les éleveurs canadiens de bœufs, de porcs et de veaux, mais aussi sur les transformateurs, les fabricants et les consommateurs. Nous parlons de la crise de l'insécurité alimentaire et de l'impact qu'elle aurait sur les gens du monde entier, de l'Europe et de la Corne de l'Afrique. Cependant, l'insécurité alimentaire est aussi un problème ici, au Canada. Si nous ne sommes pas en mesure de prendre soin des nôtres, comment pouvons-nous nous attendre à prendre soin d'autres personnes lorsqu'elles en ont besoin?
Cela envoie également un message très effrayant à nos partenaires commerciaux. Pourquoi devraient-ils importer du bœuf et du porc canadiens lorsque nous admettons au monde entier que nous croyons que nos produits sont mauvais pour la santé?
En conclusion, en temps de crise, au lieu de traiter l'agriculture canadienne avec dédain ou comme une vache à lait de la taxe sur le carbone, les libéraux doivent considérer l'agriculture canadienne moderne et les familles agricoles comme une solution, comme un moyen de contribuer, en tant qu'outil géopolitique clé, à la lutte contre le totalitarisme et des gens comme Vladimir Poutine.