Madame la Présidente, le projet de loi C‑32 est un projet de loi plus volumineux que substantiel. Mes confrères l'ont dit avec raison tout à l'heure.
Ce projet de loi contient 25 mesures fiscales diverses et une dizaine de mesures non fiscales. Cela peut sembler beaucoup, mais, en fait, ces mesures sont de deux ordres: du dépoussiérage législatif, comme ce Parlement en adopte régulièrement pour se conformer à un jugement de cour, à un traité, à une nouvelle convention comptable ou pour corriger un effet imprévu dans une loi; et des mesures annoncées dans le budget du printemps 2022, mais qui n'avaient pas été intégrées au premier projet de loi d'exécution du budget adopté en juin dernier.
En clair, à l'image de l'énoncé économique du 3 novembre 2022, le projet de loi C‑32 ne contient aucune mesure pour s'attaquer à la nouvelle réalité économique marquée par la vie chère et une possible récession. C'est un projet de loi qui ne fait pas mal, qui ne mérite pas d'être applaudi, qui ne mérite pas de grands hommages, mais qui, en même temps, ne déçoit pas totalement, parce qu'il contient quand même quelques mesures positives.
Le Bloc québécois déplore une mise à jour économique qui mentionne 115 fois le problème de l'inflation sans offrir de soutien supplémentaire aux personnes vulnérables, comme les personnes du troisième âge et celles qui souffrent de perte d'emploi. Elle n'offre pas non plus de piste de solution pour ces personnes, alors qu'une récession est redoutée en 2023. Un Québécois inquiet de la hausse du coût de la vie ne trouvera que très peu de réconfort à la lecture de cette mise à jour économique. Il devra se contenter essentiellement de la suite de la mise en œuvre du budget du printemps dernier.
Le Bloc québécois avait demandé au gouvernement de se recentrer sur ses responsabilités fondamentales envers les personnes vulnérables: hausser les transferts en santé — j'y reviendrai tout à l'heure; soutenir adéquatement les personnes de 65 ans et plus; et réformer en toute urgence le régime d'assurance-emploi, meilleur stabilisateur en période économique difficile. Le gouvernement a rejeté ces propositions. Nous ne pouvons donc que dénoncer une occasion manquée d'aider les Québécois, et forcément les Canadiens, à faire face aux moments difficiles qu'ils vivent déjà ou qu'ils redoutent pour les mois à venir.
Dans le domaine de la santé, le bras de fer se poursuit entre le Québec et les provinces et le gouvernement fédéral. Le Bloc québécois avait demandé au gouvernement d'accéder à la demande unanime du Québec et des provinces de hausser immédiatement, durablement et sans condition les transferts en santé. Rappelons-nous qu'en 1993, le ministre Paul Martin avait décidé, pour éliminer le déficit fédéral, de réduire les transferts en santé de 50 % à 25 %. C'est un drame que les provinces ont vécu à ce moment. Depuis ce temps, aucun gouvernement n'a pensé remonter progressivement vers cet objectif de 50 %. Nous nous contenterions d'une augmentation à 35 %. Encore là, non seulement le gouvernement ne remet pas ces financements à la hauteur où ils étaient, mais il les a descendus à 22 %.
C'est inacceptable. Il faut absolument corriger cette injustice. Ce sont les malades et le personnel médical qui en souffrent. Alors que les urgentologues nous avertissent que nos hôpitaux ont atteint leur point de rupture, le fédéral n'agit pas. Il privilégie visiblement sa stratégie de prolonger la crise du financement de la santé dans l'espoir de briser le consensus des provinces pour les convaincre d'accepter des ententes diluées.
Je rappelle que les articles 92 et 93 de la Constitution canadienne indiquent très clairement que le seul rôle du Parlement fédéral est de transférer l'argent aux provinces sans condition. Quand je regarde les différents partis politiques ici à Ottawa, je me demande souvent s'ils sont fiers d'être canadiens. Moi, je suis très fier d'être québécois, et s'il y avait une constitution québécoise, la première chose que je ferais pour exprimer ma fierté, ce serait de la respecter. Au fédéral, la Constitution est extrêmement claire en ce qui concerne les transferts en santé. Alors, pourquoi choisit-on de ne pas respecter la Constitution? Sont-ils fiers d'être canadiens ou ne le sont-ils pas? Quand on l'est, je le répète, on respecte la constitution de son pays.
Parlons maintenant des deux classes d'aînés. C'est la première fois qu'on s'attaque à l'universalité des programmes en santé. Les personnes âgées de 65 à 74 ans continuent d'être privées de la hausse de la pension de la Sécurité de la vieillesse dont elles auraient plus que jamais besoin actuellement. Le revenu fixe des aînés ne leur permet pas de faire face en temps réel à une hausse du coût de la vie aussi prononcée. Les aînés demeurent les personnes les plus susceptibles d'avoir à faire des choix difficiles à l'épicerie, à la pharmacie ou au poste d'essence. Le gouvernement continue de pénaliser les moins nantis qui voudraient travailler davantage sans perdre leurs prestations. L'inflation, contrairement au gouvernement fédéral, ne discrimine pas les aînés selon leur âge. À l'heure actuelle, le taux de remplacement au Canada, soit la proportion du revenu qu'un aîné préserve lorsqu'il prend sa retraite, est l'un des plus bas de l'OCDE.
La hausse de la pension de la Sécurité de la vieillesse devrait éviter que les changements démographiques n'entraînent un ralentissement marqué de l'activité économique. Contrairement à ce que dit le gouvernement, ce n'est pas en affamant les aînés de 65 à 75 ans qu'on va les inciter à rester à l'emploi. C'est en cessant de les pénaliser lorsqu'ils travaillent.
Il y a plusieurs solutions qui pourraient aider les aînés. Je voudrais citer une lettre que m'a fait parvenir M. Robert Bernatchez, de ma circonscription. C'est une proposition que je trouve très acceptable, très simple à comprendre et très facile à mettre en application, mais pour le moment le gouvernement fait la sourde oreille.
Voici sa lettre:
Bonjour M. [le député], laissez-moi vous faire part d'une initiative qui pourrait aider les retraités de 65 à 75 ans. Ceux-ci n'ont pas accès à l'augmentation de la pension de la sécurité de la vieillesse puisque le Gouvernement fédéral a augmenté à 75 ans, l'âge pour y avoir droit.
— Considérant que les augmentations de 10 % des montants du programme de la sécurité de la vieillesse sont réservés aux personnes de 75 ans et plus et qu'elle crée une injustice pour les personnes qui n'ont pas atteint cet âge. Faut-il rappeler que nous avions un régime universel à 65 ans pour le régime de la sécurité de la vieillesse.
— Considérant qu'il n'y a actuellement aucune mesure gouvernementale permanente qui permet aux retraités de 65 à 75 ans d'augmenter leur revenu pour faire face à une inflation croissante.
— Considérant que le message envoyé par le Gouvernement fédéral et provincial aux retraités de 65 à 75 ans, se résume à dire: si vous voulez plus d'argent, aller travailler pour combler le manque criant de maind'œuvre et/ou pour augmenter vos revenus.
— Considérant que beaucoup de retraités de 65 à 75 ans ne veulent pas retourner au travail car sinon, ils l'auraient déjà fait.
— Considérant que ce sont ces mêmes personnes âgées qui ont bâti le Québec et le Canada d'aujourd'hui. Ils ont beaucoup donné et veulent maintenant recevoir de l'aide.
Nous les retraités de 65 à 75 ans demandons au Gouvernement fédéral: de modifier les normes d'accessibilité au Supplément de revenu garanti pour inclure ce qui suit.
Lorsque le taux d'inflation dépassera 3 % les mesures suivantes s'appliqueront:
Les retraités de 65 à 75 ans qui gagnent moins de 50,000 $ de revenus inscrit [à] la ligne 199 de leur déclaration d'impôt pourront retirer un montant jusqu'à concurrence de 2500 $ de leur FERR, sans aucune coupure de leur Supplément de revenu garanti. Cette mesure s'appliquera pour l'année d'imposition 2022. Un ajustement des crédits d'impôt non remboursables fédéraux sera fait en conséquences pour hausser à 2500 $ le montant de revenu de pension déductible.
[Monsieur le député], j'espère que vous défendrez cette nouvelle mesure comme vous avez défendu l'exemption des gains de travail pour les travailleurs autonomes en 2019 [...]
J'espère que le gouvernement comprendra le message.