propose que le projet de loi C‑239, Loi modifiant la Loi permettant de faire certains paiements fiscaux aux provinces et autorisant la conclusion d’accords avec les provinces pour la perception de l’impôt, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Monsieur le Président, cela me fait plaisir de parler aujourd'hui de la déclaration de revenus unique. Je vais en parler davantage plus tard, mais les Québécois le veulent depuis longtemps. Il faut en venir à comprendre pourquoi on veut une déclaration de revenus unique. C'est parce qu'on a deux déclarations de revenus à faire, celle du fédéral et celle du Québec. Pourquoi est-ce le cas?
Revenons au départ. Quand on veut comprendre de quoi souffre un individu ou qu'on veut comprendre un problème, il faut faire l'historique du problème. Or, le problème commence en 1867, quand le Canada a été créé. Bien des gens pensent que cela a été créé par des gens de l'Ontario, du Québec et des Maritimes qui, à l'unisson, criaient pour dire qu'ils voulaient un pays qui s'appellerait « Canada » et qui insistaient pour se réunir. C'est seulement dans les histoires de Minifée qu'on retrouve ce genre de chose. Cela ne s'est pas passé de cette façon pantoute.
C'est très simple. En 1854, le Canada a signé un traité de réciprocité avec les Américains. Pourquoi? C'est parce que, avant, le Canada vendait à sa mère patrie, la Grande‑Bretagne, qui, elle, s'est tournée vers l'Europe. Les Britanniques ont dit qu'ils n'achetaient plus rien du Canada, qu'ils allaient vers l'Europe et allaient faire du libre-échange. Ce qui est arrivé, c'est que les gens riches du Canada n'avaient plus d'endroit où vendre leurs produits. Ils se sont dit que ce pourrait être agréable de vendre aux États‑Unis. Ils ont donc fait cette entente de réciprocité avec les Américains en 1854.
Après cela, on a fait des échanges en s'orientant vers les États‑Unis. On a créé des trains pour aller vendre les produits canadiens vers les États‑Unis. Malheureusement, les Américains ont décidé de s'entretuer avec la guerre de Sécession. Vu que les Anglais avaient des atomes crochus avec les sudistes, ils se sont alliés avec ceux-ci. Ce sont les gens du Nord qui ont gagné. Les gens du Nord se sont demandé qui étaient les écœurants qui avaient appuyé le Sud. C'était la mère patrie, la Grande‑Bretagne. Ils se sont dit qu'ils allaient se venger sur ses bébés. Ils se sont virés vers nous pour dire qu'ils ne voulaient plus rien savoir de nous.
On s'est demandé ce qu'on ferait si on ne pouvait plus vendre aux Américains. C'est là que quelques visionnaires, les Pères de la Confédération, se sont rencontrés très rapidement. Cela n'a pas été une masse populeuse qui s'est réunie en chantant, non. Ils se sont demandé ce qu'ils devraient faire, parce qu'ils ne pouvaient plus vendre leurs produits. Voilà la création du Canada! Il n'y a pas eu de chansons, de musique ou de discours. Ce n'était que les Pères de la Confédération, réunis pour la première fois à Charlottetown, qui discutaient entre eux. Ils complotaient. Finalement, ils ont créé le Canada. Les gens se demandaient ce que c'était. Un humoriste québécois disait toujours que le Canada était voué à l'échec parce qu'il était né de plusieurs pères entre deux mères. Cela ne fait pas des enfants forts.
En 1867, les Pères de la Confédération se sont dit qu'il fallait absolument que le fédéral soit très fort pour qu'on ait un marché très uni. Il fallait que les provinces aient peu de pouvoir, parce qu'on ne voulait pas qu'il y ait une guerre de sécession comme aux États‑Unis. Alors, on allait rendre les provinces insignifiantes. On s'est dit qu'on leur donnerait quand même des droits fiscaux et quelques petites responsabilités. Les Pères de la Confédération étaient de grands visionnaires. Si on est plus visionnaire que cela, on est une taupe.
À un moment donné, ils se sont dit qu'ils donneraient de petits pouvoirs au Québec et aux provinces, c'est-à-dire le droit de gérer l'éducation et la santé, des choses soi-disant insignifiantes. À l'époque, c'était le clergé qui gérait cela. Cent ans plus tard, on s'aperçoit qu'ils étaient dans le champ gauche, et pas juste à peu près. Ils ont aussi dit qu'ils donneraient aux provinces l'impôt sur le revenu, parce qu'ils ne savaient pas ce que c'était et que cela ne servirait sûrement jamais à rien. Ce fut une erreur fondamentale.
C'est là que commence mon histoire, quand ils donnent l'impôt sur le revenu au Québec et aux provinces. La première province à dire qu'il y a quelque chose à faire avec cela, c'est la Colombie‑Britannique. Elle se met à travailler là-dessus et, à partir de 1873, elle commence à ramasser de l'argent.
Arrive la Première Guerre mondiale. Le fédéral se dit que ce serait bien d'imposer le revenu pour financer la Première Guerre mondiale. On est en 1917. Le fédéral réalise que c'est donc bien payant, tout cela. Après la guerre, il se dit que, même si cela ne devait durer que le temps de la guerre, il va garder cela pour payer la dette. Après 1929, le fédéral dit qu'il va continuer ainsi parce que la crise économique des années 1930 est assez difficile. Il étend ses tentacules. Il commence à s'installer dans un divan virtuel.
Arrive la Seconde Guerre mondiale. Le fédéral, subtil comme un deux par quatre avec des clous, se dit qu'il allait tout simplement rester là. Après la guerre, on se dit que les choses allaient bien et qu'on est aussi bien de rester ainsi à jamais.
Le fédéral a parlé d'allocations fiscales et toutes les provinces se sont entendues en 1947, sauf l'Ontario et le Québec. Le gouvernement a récidivé en 1952. Il a dit aux provinces que c'était terminé, que c'était maintenant son champ fiscal. Tout le monde s'est rallié, sauf le Québec. Le Québec est toujours à part des autres. C'est normal, nous sommes une nation et un peuple.
Le Québec a mis sur pied la commission Tremblay pour savoir quoi faire avec cela. Rapidement, un consensus au Québec a été exprimé par Duplessis. En 1954, le Québec a dit au Canada de se tasser un peu de ce champ fiscal parce qu'il voulait lui aussi y prendre part. Il y avait des changements importants à apporter dans l'administration publique et il fallait absolument aller chercher l'argent. C'est ce qui explique que nous ayons deux déclarations de revenus à produire.
Le Bloc québécois propose qu'il y ait seulement une déclaration de revenus à produire. Cela veut dire qu'au Canada, il y a encore deux politiques fiscales; le gouvernement fédéral et le Québec ont chacun une politique fiscale, mais, dorénavant, il n'y aura qu'un seul percepteur: le Québec. C'est lui qui percevra tout l'argent récolté au moyen de l'impôt sur le revenu. À la fin de l'exercice, le percepteur signe un chèque à l'autre gouvernement pour lui donner l'argent qui découle de sa politique fiscale. Celui qui n'a pas fait de perception va payer pour le service rendu.
Ce modèle existe déjà. Certains disent que cela n'a pas de bon sens, mais il faut être un peu plus visionnaire dans la vie. Cela existe déjà avec la TPS et la TVQ et personne n'est mort. Ce n'était pas l'agonie et les gens ne se promenaient pas dans les rues en disant que c'est épouvantable et qu'ils allaient mourir. Cela existe. C'est le Québec qui perçoit la TPS pour le gouvernement fédéral. Il n'y a qu'un percepteur. Le gouvernement fédéral dit au Québec d'aller chercher l'argent de telle façon et il envoie un chèque à la fin de l'année. Il envoie 145 millions de dollars à Québec pour le remercier et pour qu'il paie ses fonctionnaires. C'est cela le truc.
Le percepteur devrait être le Québec, parce que l'agence du revenu du Québec va chercher beaucoup plus d'informations; les politiques gouvernementales et les interventions de l'État québécois sont plus nombreuses et plus complexes. Le Québec a besoin d'informations parce qu'il gère les garderies, les écoles, les soins de santé et ainsi de suite. Il faut qu'il obtienne les informations pour savoir où donner ces services-là. Les données sur l'impôt lui permettent de réaliser cela. Par exemple, il utilise cela pour les prestations de pensions alimentaires pour les couples séparés. Le gouvernement du Québec peut ainsi retenir les sommes à la source et les donner au conjoint ou à la conjointe qui y a droit.
En plus, si Québec continue à faire la perception, elle ne perdra pas une compétence qui est exigée dans la perception. Elle garde sa compétence. Alors que, si Ottawa cesse d'être percepteur au Québec, mais fait la perception dans les autres provinces, il n'y a aucun problème, il va conserver cette compétence.
En outre, les Québécois veulent que ce soit le gouvernement du Québec qui gère cette perception. L'Assemblée nationale du Québec a adopté une motion à l'unanimité en ce sens le 15 mai 2018. Même le très fédéraliste Philippe Couillard était là et a voté en faveur de celle-ci. C'est moi qui avais déposé la motion, je m'en souviens, j'étais là. Je voyais Philippe Couillard, l'ultra fédéraliste, avoir un sourire. Il savait ce qu'il faisait et il trouvait cela bon. En plus, on disait dans la motion que la perception serait faite par Québec.
Pourquoi faudrait-il faire cela? Cela permet des économies de temps et d'argent. Selon l'économiste François Vaillancourt, faire une déclaration de revenus pour un Québécois prend 10 % plus de temps que s'il n'avait qu'à en produire une seule. C'est prouvé scientifiquement avec des modèles économétriques. Ce n'est pas 50 % plus de temps, c'est 10 %. Grâce à la technologie, cela se trouve à être 10 %. Cela signifie 39 millions de dollars par année pour les Québécois qui font produire leur déclaration de revenus par autrui.
Pour les entrepreneurs, cela représenterait des gains de 99 millions de dollars. En plus, on dit que les entrepreneurs doivent avoir moins de paperasse à remplir et qu'il faut les aider. S'assurer qu'ils n'ont qu'une déclaration de revenus à produire, c'est une façon de les aider. Ce serait beaucoup plus simple et cela représenterait des gains de 99 millions de dollars.
On n'a pas besoin d'un doctorat en mathématiques pour comprendre que, quand on traite la déclaration de revenus et que le fédéral a sa déclaration et que le Québec a sa déclaration, deux personnes font la même job. Peut-on se permettre de payer deux personnes pour faire la même job? Cela représenterait des gains annuels de 287 millions de dollars qui seraient séparés entre le gouvernement fédéral et Québec. Tout le monde y trouverait son compte. Il faut comprendre que ce serait payant pour tout le monde et je ne parle pas de l'économie de temps.
Quels sont les arguments contre qu'on entend? D'abord, on entend parler des emplois. Deux personnes font un même travail et nous nous demandons pourquoi ce travail ne serait pas fait par une seule personne. Il me semble que ce n'est pas fou. On nous dit que des gens vont perdre leur emploi. Oui, mais il faut faire attention. Certains seront recrutés par Québec, qui aura besoin de plus de monde parce qu'il y aura un traitement plus lourd à faire. Il y a donc des gens qui vont aller travailler à Québec et il sera très simple de leur donner les mêmes conditions de travail que celles qu'ils avaient au fédéral.
Par ailleurs, nous sommes dans la troisième décennie du XXIe siècle et on ne parle pas de taux de chômage de 13 ou de 15 % comme ceux qu'on a connus.
Monsieur le Président, vous êtes jeunes, mais je suis sûr que quelqu'un vous a raconté que dans les années 1980 il y avait beaucoup de chômage. Ce temps-là est fini. Le problème actuel, c'est la pénurie de travailleurs.
Le gouvernement n'arrête pas de dire que la situation relative aux passeports n'est pas facile à cause de la pénurie de travailleurs.
Les gens qui s'adressent à l'Agence du revenu du Canada n'ont pas de service. On nous dit que c'est à cause de la pénurie de travailleurs. Les gens qui ont besoin de l'assurance-emploi n'ont pas les services voulus. On nous dit que c'est à cause de la pénurie de travailleurs. Les gens à l'immigration envoient cela à des gens qui ne travaillent même plus là. Encore une fois, c'est à cause de la pénurie de travailleurs.
Moi, je dis qu'il y a un bassin de travailleurs et de travailleuses extrêmement compétents qui sont dans la machine gouvernementale et qui peuvent rester à l'Agence de revenu du Canada, qui va avoir besoin de plus de monde. Ils peuvent aussi travailler sur les dossiers relatifs aux évasions fiscales et ils peuvent aller travailler ailleurs dans la fonction publique. En plus, si c'est fait de façon graduelle, ils peuvent tous prendre leur retraite tout doucement et leur poste peut être aboli par attrition.
Certains vont dire que le fédéral échange de l'information avec les autres pays. Quand on recueille les déclarations de revenus, il faut parler avec d'autres pays pour ne pas faire une double comptabilisation et une double imposition. Si le Québec est percepteur, ces ententes ne seront plus valides.
On va dire aux États‑Unis que le fédéral donnait ce service auparavant, mais que c'est maintenant le Québec qui le fait et qu'il n'y a plus d'entente. Les États‑Unis vont se dire qu'ils se retrouvent avec une zone franche au Québec, que des gens vont partir de chez eux pour aller travailler au Québec et qu'ils n'auront plus d'informations. Ils vont se demander s'ils peuvent appeler le gouvernement du Québec. C'est ainsi que cela va se régler.
La dernière critique qui est faite n'est pas compliquée. On dit que le gouvernement fédéral perdrait des informations qui sont importantes pour le roulement de sa fonction publique et pour la prise de décisions éclairées. Non, parce que le gouvernement du Québec recueille plus d'informations que le gouvernement fédéral. Le gouvernement du Québec pourrait tout simplement transférer les informations qui sont demandées par le gouvernement fédéral. Le contraire ne peut pas être vrai parce que la banque d'informations du gouvernement du Québec est beaucoup plus grande. Voilà pourquoi il faut instaurer une seule déclaration de revenus. C'est aussi simple que cela.
On a demandé aux Québécois en 2019 s'ils étaient en faveur d'une déclaration de revenus gérée uniquement par le Québec comme percepteur. La réponse était « oui » pour 65 % des gens, « non » pour 22 % des gens et « ne sais pas » pour 12 % des gens.
L'Assemblée nationale est avec nous, le Québec est avec nous et le bon sens est avec nous. Il est temps de passer au XXIe siècle, de lutter intelligemment contre la pénurie de travailleurs et d'adopter ce projet de loi.