Madame la Présidente, je remercie le député du Bloc québécois de son introduction tellement amicale et de son bon discours.
C'est mon premier discours au sujet du projet de loi C‑58. Le Parti vert est en faveur de cette mesure législative, car elle est nécessaire. Je suis tellement heureuse que nous ayons l'occasion d'en débattre et j'espère que tous les députés à la Chambre voteront en faveur de ce projet de loi. C'est tellement important pour les droits des travailleurs et les relations entre l'employeur et les travailleurs.
Avant de me lancer en politique partisane, j'ai eu le grand honneur de travailler pour le mouvement syndical. À l'époque, j'étais avocate dans le seul cabinet du centre-ville d'Halifax qui représentait uniquement des syndiqués. Tous les autres cabinets du centre-ville d'Halifax représentaient les employeurs. J'ai eu le grand honneur de travailler pour le syndicat des débardeurs et le Syndicat des employés du gouvernement de la Nouvelle‑Écosse, entre autres.
Je m'y connais donc en relations de travail, et je suis consciente de l'importance de donner des leviers aux travailleurs, des outils pour établir un juste équilibre afin que l'employeur ne détienne pas tous les atouts. Nous savons que lorsqu'un syndicat a le droit de déclarer la grève, il est nécessaire qu'il puisse l'exercer, car il s'agit bel et bien d'un droit. Le problème au Canada, depuis de nombreuses années, c'est que les employeurs ont recours à ce que l'on appelle communément des « briseurs de grève » et que l'on nomme des « travailleurs de remplacement » dans le projet de loi.
C'est la même chose. En slang, on utilise l'expression scab workers. Il s'agit d'une grave menace pour les droits des travailleurs.
Comme l'a souligné mon collègue du Bloc québécois qui vient de prendre la parole, on attend ce projet de loi depuis longtemps.
Le Québec a une loi qui interdit le recours à des travailleurs de remplacement lors d'une grève légale ou d'un lockout légal. Cette loi existe au Québec depuis 46 ans.
Je félicite encore le Québec. La province de Québec a souvent été la première à mettre en place des mesures tellement importantes. Cela a été le cas en ce qui concerne les garderies, et aussi en ce qui concerne les droits des travailleurs.
Le projet de loi a été déposé en novembre, et nous en débattons enfin, en février, à l'étape de la deuxième lecture, avant un vote. Pendant que j’attendais de pouvoir prendre la parole cet après-midi, j’ai consulté le hansard pour essayer de trouver une quelconque intervention d'un député conservateur qui nous indiquerait si les députés de son parti sont ou non en faveur du projet de loi.
Nous venons de faire une nouvelle tentative avec la députée de Sarnia—Lambton. Je ne trouve rien de précis à ce sujet; j'espère donc que mes amis conservateurs voteront en faveur de ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture pour le renvoyer au comité, où il faudra l'améliorer.
Une voix: Attendez le vote.
Mme Elizabeth May: Mes collègues d'en face ont dit qu'ils voulaient me tenir en haleine. Il n'y a pas de problème. Faire durer le suspense, c'est amusant.
J'espère que tous les députés, de tous les partis, voteront en faveur de ce projet de loi. Il faut y apporter des amendements. Le Syndicat des Métallos a ouvertement fait savoir qu'il aimerait que les exemptions et les brèches que contient le projet de loi C‑58 soient supprimées et colmatées. Il y a des exemptions qui autoriseraient certaines catégories de travailleurs et de bénévoles à poursuivre leurs activités pendant les grèves et les lockouts. Il va sans dire que c'est contraire au but fondamental de ce projet de loi.
Le but fondamental de ce projet de loi est d'abolir le recours aux travailleurs de remplacement. Il n'est pas nécessaire d'avoir des petites brèches qui permettent le recours aux travailleurs de remplacement.
Nous n'avons pas besoin de brèches. Il faut les éliminer et resserrer les dispositions du projet de loi à l'étape du comité.
J'espère également que le comité éliminera le délai de 18 mois avant l'entrée en vigueur du projet de loi. Comme je l'ai mentionné, le Québec a une loi comparable depuis 46 ans. La Colombie‑Britannique en a une aussi. Des relations stables entre les syndicats et les employeurs et un régime de négociation collective respecté, c'est très important. Les deux camps ont des outils à leur disposition et ils doivent pouvoir s'en servir. Lorsque l'un des camps est privé de ses outils, l'économie s'en trouve déséquilibrée et déstabilisée. D'ailleurs, le recours à des travailleurs de remplacement par l'employeur prolonge les grèves et les lockouts. Lorsque l'on interdit le recours aux briseurs de grève, l'économie demeure plus stable et plus solide; j'exhorte d'ailleurs le gouvernement à amender le projet de loi pour renforcer cet aspect.
Cela dit, en consultant le hansard pour tenter de déterminer les intentions de vote de mes collègues conservateurs, j'ai découvert que mes collègues de South Shore—St. Margarets, de Mégantic—L'Érable, d'Essex, de Calgary Nose Hill, de Calgary Rocky Ridge, de Chilliwack—Hope, de Provencher, de Battle River—Crowfoot et de Sarnia—Lambton avaient soulevé à répétition des sujets qui n'ont rien à voir avec le projet de loi. Je m'explique.
Quand on parle de travailleurs de remplacement, on parle d'une seule chose bien précise: le recours à des briseurs de grève quand un syndicat est légalement autorisé à faire la grève ou quand il y a un lockout. Ce sont les situations visées par l'interdiction du recours aux travailleurs de remplacement dans le projet de loi C‑58. Par conséquent, il est malheureux que, dans le peu de temps qui a été accordé à ce débat — à peine trois jours et un nombre limité d'intervenants —, les députés conservateurs se contentent de parler les uns après les autres de l'usine de batteries de Stellantis, de l'argent qui lui a été versé par le fédéral et du fait qu'elle fasse affaire avec des sous-traitants sud-coréens. De nombreux intervenants ont fait référence à tort aux Sud-Coréens qui travaillent à l'usine de batteries de Stellantis aux termes d'un accord commercial mis en place par l'ancien gouvernement conservateur comme étant des travailleurs de remplacement. Il ne s'agit absolument pas de travailleurs de remplacement, puisqu'ils sont venus d'un autre pays pour travailler dans le cadre d'ententes. Bien sûr, le Parti vert préférerait que tous les travailleurs au pays soient des travailleurs canadiens qui vivent et qui travaillent ici, mais de très nombreuses ententes qui ont été conclues avec de grandes multinationales prévoient le recours à des travailleurs venant de l'étranger. Je veux que les gens qui nous regardent à la maison comprennent parfaitement bien qu'il ne s'agit pas de travailleurs de remplacement. Leur situation n'a rien à voir avec celles qui sont visées par le projet de loi.
Par conséquent, en dépit des critiques selon lesquelles les libéraux enfreignent leur propre projet de loi C‑58 en autorisant 900 travailleurs sud-coréens à travailler à l'usine de batteries de Stellantis, en affirmant qu'il s'agit essentiellement de travailleurs de remplacement, comme l'a affirmé une collègue conservatrice, je tiens à préciser que ce n'est pas du tout le cas. Ces travailleurs n'ont rien à voir avec le projet de loi C‑58. Ce ne sont pas des travailleurs de remplacement. Il s'agit en fait de travailleurs d'un autre pays qui ont été recrutés dans le cadre d'accords conclus entre des sociétés transnationales et divers ordres de gouvernement au Canada. Je ne suis pas particulièrement favorable à la venue de travailleurs étrangers, mais ne confondons pas les notions, car cela ne fait que semer la confusion au sein de la population.
La présente mesure législative ne vise qu'une seule et unique chose: défendre les droits des travailleurs syndiqués afin de soutenir le mouvement syndical canadien, qui nous a tant apporté. Nous devons remercier les syndicats pour les horaires de travail raisonnables, l'interdiction du travail des enfants et de nombreuses améliorations sociales à l'échelle du pays. Lorsqu'un syndicat déclenche une grève légale, les grévistes ne devraient jamais voir des collègues franchir les piquets de grève pour soutenir les pratiques déloyales de l'employeur.
Sur ce, j'aimerais remercier la Chambre d'avoir accordé au Parti vert la possibilité d'intervenir pour appuyer fermement le projet de loi C‑58 ainsi que son renvoi au comité pour qu'il y soit amélioré et renforcé.