Monsieur le Président, le 2 novembre dernier, grâce à mon ami François Vaqué, j’ai pu être témoin de l’avant-dernière présence publique du très honorable Martin Brian Mulroney, dont nous commémorons aujourd’hui le décès survenu le 29 février dernier.
C’était l’Université Laval qui avait créé cet événement pour rendre hommage à la carrière de M. Mulroney qui, comme on le sait, était un diplômé de l’Université Laval. D’ailleurs, il a toujours été très fier de dire qu’il était un ancien de la Faculté de droit.
Quand il a pris la parole, interrogé par la rectrice, on sentait qu’il avait toute sa tête, et ce, même si nous savions tous qu’il était dans l’extrême hiver de sa vie. Il était droit comme un chêne et, surtout, il avait la parole facile, comme lui seul savait l’avoir. Quand il a fini son exposé, évidemment la salle était conquise, il a terminé avec ces fameux mots: pas si pire pour un p'tit gars de Baie‑Comeau. Bien entendu, tout le monde, les larmes aux yeux, s’est levé et l’a applaudi.
Martin Brian Mulroney, le plus grand premier ministre de l’histoire du Canada, a toujours été fier de ses racines humbles de Baie‑Comeau. Il est né dans une ville qui était bilingue et biculturelle. Cela l’a forgé. Il était le fils d’un ouvrier, mais il était très à l’aise, tout enfant, à chanter When Irish Eyes Are Smiling devant le grand patron du Chicago Tribune. C’était ça, Brian Mulroney. Il était destiné tout jeune à avoir une carrière pancanadienne et c’est ce qu’il a accompli.
Avant de faire de la politique, M. Mulroney était un avocat, mais un avocat pas comme les autres. D’abord, il avait pris soin de sa famille. Son père étant décédé très jeune, il a pris de soin de sa famille au complet et l’a amenée à Montréal. C’est lui qui était littéralement le soutien de la famille Mulroney à Montréal.
Il est devenu un avocat négociateur et a rapidement été identifié comme étant un gagnant. Ce qu’il a réussi à faire entre autres comme jeune avocat, c’est de régler une grève terrible qui frappait le journal La Presse. Il a toujours été dans des conflits qui étaient difficiles, mais il les a toujours réglés comme le grand négociateur qu’il était. Il a été aussi à la commission Cliche où il a dénoncé les vils gredins qui, malheureusement, empestaient le monde de la construction du Québec dans les années 1970.
Il est devenu aussi président de l’Iron Ore Company, une des grandes entreprises qui était malheureusement minée par des dizaines et des dizaines de conflits de travail. Grâce au leadership de M. Mulroney, les conflits de travail se sont résolus comme étant des situations passées, passant même le temps des Fêtes et Noël avec ses ouvriers, comme l'a si bien raconté d’ailleurs notre chef dans l’éloge prononcé il y a deux jours.
Fondamentalement, Brian Mulroney était fait pour faire de la politique. Dès l’âge de 17 ans, alors qu’il était à l'Université Saint‑François‑Xavier, il pouvait recevoir des appels téléphoniques du très honorable John Diefenbaker, le premier ministre conservateur. Il avait le don de se faire ami avec bien du monde, M. Mulroney. C’était clair qu’il devait faire de la politique. Fort probablement le plus grand chef politique que toute la politique canadienne ait connu, il a commencé sa carrière politique par un échec. En 1976, le 22 février, il a perdu le leadership conservateur qu’il souhaitait, terminant troisième derrière Claude Wagner et le très honorable Charles Joseph Clark, qui est devenu une surprise pour bien des gens et qui est devenu premier ministre du Canada.
Il a un match revanche en 1983. Le 11 juin, il devient chef du Parti conservateur. Là, on voit le politicien tout à fait actif, pertinent et qui est capable de soulever les foules comme lui seul pouvait le faire. J’étais jeune militant à l’époque moi aussi. J’ai adhéré au Parti conservateur en novembre 1981. Par la suite, j’ai pu rencontrer M. Mulroney la première fois en action le 10 octobre 1982. C’était à l’hôtel Gouverneur sur le boulevard Laurier à Sainte‑Foy, à l’invitation de notre candidate dans la circonscription de Louis‑Hébert, Mme Suzanne Duplessis. Pour la première fois, j’ai vu, de mes yeux vu, ce grand homme politique qu’était Brian Mulroney. Il était très impressionnant.
Il aura été à la tête de la plus grande victoire de l’histoire politique canadienne en devenant premier ministre élu le 4 septembre 1984, avec plus de 200 députés.
Il y a tant de choses à dire sur les grandes réalisations de ce grand premier ministre. La première qui me vient à l’esprit concerne l’apartheid. C’est lui qui, à travers le monde, a mené la bataille pour mettre de côté cette horreur d’humanité qu’était l’apartheid. Ça peut paraître surprenant, mais, il y a 40 ans à peine, dans ce grand pays, des gens de couleur noire n’avaient pas les mêmes droits que les gens de couleur blanche. Heureusement, des gens comme Brian Mulroney ont pavé la voie et ont mené la bataille, ce qui a amené d’ailleurs Nelson Mandela à dire que le premier voyage qu’il voulait faire à l’étranger, c'était d'aller au pays de Brian Mulroney, d’aller au Canada. Quand M. Mandela a dit cela au premier ministre Mulroney, celui-ci a proposé de lui envoyer un avion tout de suite. Finalement, M. Mandela est venu.
Il a également été un chef de file en matière d'environnement, à la façon Mulroney. C'est lui qui avait apporté la solution à la question des pluies acides par son pragmatisme. M. Mulroney était un homme pragmatique. Lorsque le président Reagan était à la Chambre des communes pour prononcer un discours, M. Mulroney l'avait amené dans son bureau pour lui montrer un globe terrestre. Il lui avait expliqué comment fonctionnaient les pluies acides en lui montrant d'où elles partaient et où elles s'en allaient, ainsi que les problèmes qu'elles causaient. Il avait si bien expliqué au président Reagan les problèmes des pluies acides que M. Reagan avait dit aux gens qui l'accompagnaient qu'il fallait en parler et changer certaines phrases de son discours. Jamais cela ne s'était fait dans l'histoire politique. Seul M. Mulroney était capable de convaincre l'homme le plus puissant de la planète qu'il fallait agir, et il l'a fait de façon pragmatique.
Il a aussi été le grand artisan de la francophonie et des rassemblements qui ont eu lieu. Il a aussi été, bien entendu, le grand artisan de l'accord du lac Meech, qui a été un succès jusqu'à ce que des gredins le torpillent. Là s'arrêtera mon commentaire à ce sujet. La marque indélébile de la présence de M. Mulroney comme premier ministre, on la retrouve également en matière d'économie. Peu de temps après son élection, il est allé à New York pour dire:
Le Canada est de nouveau prêt à faire des affaires.
Dans ce cas précis, cela s'est avéré. Il a procédé à 23 privatisations d'entreprises d'État qui fonctionnaient cahin-caha. Il en a fait des succès. Surtout, il a créé le libre-échange. À l'époque, le Canada était fermé sur lui-même en matière d'économie. Il fallait ouvrir les frontières et le faire avec les États‑Unis. Résultat: presque 40 ans plus tard, notre pays est le chef de file mondial en matière de libre-échange. Parmi celles et ceux qui ont créé cela, je tiens à saluer la contribution exceptionnelle du député d'Abbotsford, qui a permis au Canada d'atteindre plus de 40 traités de libre-échange.
Il faut savoir que le libre-échange a également conduit à la création de la TPS. Pourquoi? Le Canada, avant le libre-échange, avait une taxe sur la production. Or quand une entreprise devait payer une taxe sur ce qu'elle produisait et qu'elle devait ensuite envoyer ses produits à l'extérieur, c'est certain que cela la handicapait. M. Mulroney a donc aboli la taxe sur la production pour instaurer une taxe à la consommation. Évidemment, tout le monde à l'époque était contre, sauf les conservateurs. C'était tellement mauvais que, 40 ans plus tard, on l'a encore et personne ne l'a abolie. C'est peut-être la preuve que c'était la chose à faire.
On l'a bien mentionné, le style de M. Mulroney et son amitié étaient extraordinaires. C'était le seul qui pouvait avoir des relations aussi fortes et pertinentes avec des chefs aux visions complètement opposées. Que ce soit François Mitterrand ou Ronald Reagan, seul M. Mulroney était capable de faire la jonction entre les deux. Par la suite, il est devenu ce qu'on appelle a great elder statesman. Il n'y a pas de mot en français pour définir cela.
C'est le genre d'homme dont nous avons besoin plus que jamais. C'était un homme qui, après avoir si bien servi le pays, était prêt à l'aider, peu importe la couleur du gouvernement. C'est ce que M. Mulroney a fait. C'était tellement impressionnant qu'il a été le seul premier ministre à le faire.
Il est le seul étranger aux États‑Unis à avoir prononcé un éloge pour deux présidents américains. Pour lui, l'élément le plus important de sa vie était sa famille. On le voit encore aujourd'hui. On le voit très bien. Son épouse Mila et ses enfants sont toujours présents auprès de lui. Il était présent auprès de ses enfants et de sa famille. Sa famille et ses enfants ont toujours été présents ensemble. Hier, Nicolas, qui est d'ailleurs né un an après l'élection, en 1985, me racontait que son père l'appelait régulièrement. Il demandait souvent des conseils à son père, qui lui en donnait. C'était la force de M. Mulroney.
En terminant, le National Post a publié un sondage. Je vais le lire, parce que c'est assez intéressant. C'est un sondage qui a été mené il y a quelques jours à peine et qui dit ceci:
« Selon 83 % des Canadiens, Brian Mulroney a fait du "bon travail” en tant que premier ministre. »
Ce sont 83 % des gens qui sont satisfaits du travail du premier ministre Brian Mulroney.
Brian, repose en paix.