propose que le projet de loi C‑293, Loi concernant la prévention et la préparation en matière de pandémie, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé au comité.
Monsieur le Président, à ce jour, plus de 45 000 Canadiens ont perdu la vie à cause de la COVID, et des millions de personnes dans le monde sont mortes à cause de la COVID. Cette maladie a bouleversé nos vies de multiples façons, de l'isolement à la fermeture des écoles. Elle a déstabilisé les entreprises et causé d'importantes perturbations économiques, des répercussions que nous ressentons encore avec l'inflation et les hausses de taux d'intérêt difficiles à supporter pour de nombreux ménages. L'impact global sur les taux de pauvreté et le bouleversement de l'éducation dans le monde entier auront des effets négatifs à long terme.
Il y a eu l'augmentation de la dette que les gouvernements du monde entier ont, à juste titre, contractée pour faire face aux nombreuses répercussions de la crise. Les dettes publiques et privées ont également des conséquences. Cinquante-sept pour cent des Canadiens qui ont vu leurs dettes augmenter attribuent cette hausse à la pandémie. Comme l'a dit un stagiaire parlementaire de mon bureau, même après l'avoir vécu directement, il est difficile de se faire une idée de ce que nous venons de vivre.
Que pouvons-nous et devons-nous faire à propos de tout cela? Quelles leçons devons-nous tirer? Je pense que nous devons être précis et clairs, et mettre en place un cadre pour nous assurer que nous ne perdons pas ces acquis. En bref, le message de ce projet de loi est que nous devons tirer les leçons de cette pandémie afin de prévenir et de préparer la prochaine. Non, nous n'en avons pas fini avec la COVID, mais nous avons aussi traversé suffisamment d'épreuves pour faire le point sur les mesures qui ont été prises par tous les ordres de gouvernement en réponse à la pandémie, et ces leçons devraient guider notre approche pour l'avenir.
Que prévoit le projet de loi pour prévenir les pandémies et s'y préparer? Il prévoit trois choses. Premièrement, il permettrait de procéder à un examen des mesures prises en réponse à la pandémie, non seulement du point de vue du gouvernement fédéral, mais aussi de tous les ordres de gouvernement. Le but est d'être exhaustif. Pour expliquer brièvement la portée de cet examen, le projet de loi précise ce qui suit:
Dans le cadre de son examen, le comité consultatif est tenu, entre autres:
a) d’évaluer la capacité de l’Agence de la santé publique du Canada et du ministère de la Santé de prendre des mesures en réponse à la pandémie causée par la maladie à coronavirus 2019 (COVID‑19) avant et durant la pandémie;
b) en collaboration avec les gouvernements provinciaux et les administrations municipales, d’évaluer la capacité d’intervention de ceux-ci en matière de santé publique et en cas de pandémie;
c) d’évaluer l’efficacité de l’exercice des pouvoirs prévus par les lois fédérales applicables avant, pendant et après la pandémie et la coordination des mesures prises au titre de ces lois;
Et surtout, car il s'agit là de l'élément le plus important à mettre en avant pour tirer des enseignements:
d) d’analyser les facteurs sanitaires, économiques et sociaux qui ont eu une incidence sur la pandémie au Canada.
Pour tirer des leçons des mesures prises par le gouvernement fédéral et tous les autres pouvoirs publics, il doit y avoir un examen.
Comment pouvons-nous utiliser ces leçons pour établir un cadre qui offrira reddition de comptes, transparence et prise de mesures à partir de maintenant? Le projet de loi exige également du ministre de la Santé qu'il établisse un plan de prévention et de préparation en matière de pandémie. Cette exigence s'inspire de la mesure législative sur la responsabilité climatique.
Sauf erreur, la première mesure législative sur la responsabilité climatique que j'ai passée en revue était celle d'un gouvernement conservateur du Royaume‑Uni qui date de 2006. Le Canada a maintenant mis en place un tel cadre. Ce projet de loi adopte une approche similaire: il prévoit un cadre assurant la transparence et la reddition de comptes qui oblige le gouvernement à présenter un plan au Parlement, à la population canadienne, et à l'actualiser de façon régulière. Le projet de loi propose que le plan soit mis à jour tous les trois ans. J'ai hésité longtemps entre trois et cinq ans. Je pense qu'une mise à jour tous les cinq ans serait aussi appropriée.
Le projet de loi oblige le ministre de la Santé à établir un plan de prévention et de préparation en matière de pandémie et à déposer un rapport. Il énonce une longue liste de facteurs. C'est la partie qui a été assez difficile en fait parce que je m'appuyais sur une grande quantité d'expertise, sur le rapport du Programme des Nations Unies pour l'environnement sur la prévention des pandémies futures, sur la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques et ses rapports d'ateliers liés au risque de pandémie et à la façon dont nous prévenons les pandémies futures, et sur le groupe indépendant, qui a publié une série de rapports sur la préparation et l'intervention en cas de pandémie à l'échelle nationale, mais aussi à l'échelle mondiale, et la façon dont nous pourrions améliorer les interventions à tous les échelons.
À partir de ces rapports d'experts, et en consultation avec certains des chercheurs à l'origine de ces rapports et aussi des experts canadiens de la santé, on a établi dans le projet de loi une série de facteurs que le ministre de la Santé doit prendre en compte pour élaborer un plan. Je suis sûr d'avoir oublié certains éléments, ce qui explique en partie pourquoi il est si important de renvoyer un projet de loi comme celui-ci à un comité. Le comité pourrait, de manière non partisane, j'espère, dire ce qui n'a pas de sens, indiquer si un élément a été oublié ou établir comment nous pourrions faire en sorte que le projet de loi soit le meilleur possible pour ce qui est des éléments qui doivent faire ou ne pas faire partie d'un plan soumis à l'examen du ministre de la Santé.
Pour commencer, de toute évidence, le ministre de la Santé doit énumérer les facteurs clés de risque de pandémie et décrire comment les activités du Canada, au pays et à l’étranger, contribuent à ce risque.
Dans cette enceinte et, bien honnêtement, dans la population, l'accent est mis sur les stratégies de préparation, et c'est également en partie l'objet de ce projet de loi. Nous ne parlons pas suffisamment de prévention. Cependant, nous savons que les coûts associés à la prévention sont infimes comparativement aux pertes humaines et économiques durant une pandémie. Par conséquent, il est nécessaire de centrer des efforts considérables sur la prévention.
Il faut aussi veiller à ce que tous les pouvoirs publics s'engagent à collaborer, et ce, parce que les mesures du gouvernement fédéral à elles seules ne suffisent pas au sein de notre fédération. Tant au chapitre de la lutte contre les changements climatiques que dans la préparation aux pandémies, et certainement dans l'atténuation des risques liés à une pandémie, nous savons maintenant que le fardeau ne repose pas uniquement sur les épaules du gouvernement fédéral. C'est incontestablement une leçon que nous avons apprise dans le cadre de notre réponse à la COVID‑19. Ainsi, le projet de loi obligerait le ministre de la Santé à veiller à ce qu'il existe une collaboration ininterrompue entre son ministère, les gouvernements provinciaux et les collectivités autochtones pour développer un plan dans le but d'harmoniser les approches et de remédier à toute querelle de champ de compétence.
J'aurais probablement pu employer un langage plus clair, mais le projet de loi offrirait aussi des programmes de formation, y compris des activités de collaboration avec les autres pouvoirs publics. Ce que j'avais à l'esprit — et je pense qu'un comité pourrait mieux définir cette idée —, c'était un exercice de simulation et des discussions en table ronde. Il ne suffit pas d'avoir un plan rédigé sur une feuille de papier. Nous devons mettre ce plan en œuvre et repérer les lacunes. Si des problèmes liés aux champs de compétence surviennent, on peut en traiter dans un exercice de simulation, plutôt qu'au moment de traverser une vraie pandémie.
Lorsque nous puisons dans la documentation, il sera crucial que le plan soit basé sur une approche Une seule santé. Pour ceux qui ne savent pas ce qu'est une approche Une seule santé, c'est une idée relativement simple, bien qu'elle puisse parfois être un peu difficile à appliquer à cause de son caractère holistique. Il s'agit de l'idée que nous ne pouvons pas séparer la santé humaine, la santé animale et la santé environnementale comme si elles étaient distinctes; il faut les considérer comme étant des idées interreliées qui constituent une seule santé.
Nous savons cela, et si nous lisons la documentation du Programme des Nations unies pour l'environnement, de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques ou de n'importe quels autres experts, y compris les experts canadiens en zoonoses, ils nous diront que les zoonoses représentent le plus important risque en ce qui a trait aux pandémies. Si l'on prend la déforestation, par exemple, le fait que les humains sont de toute évidence en contact plus étroit avec les animaux en raison de la déforestation crée un problème non seulement pour la santé de l'environnement, mais également pour la santé des humains, en raison du risque de saut d'espèce. Si nous examinons tous les facteurs — et cela fait l'objet de différents rapports —, force est de conclure qu'il faut adopter une approche Une seule santé.
Je cite le Programme des Nations unies pour l'environnement. Il dit:
Ce rapport confirme et s’inscrit dans les conclusions de l’alliance tripartite FAO‑OIE‑OMS et de nombreux autres experts qui affirment que l’approche « Un monde, une santé » est la méthode de prévention et de réponse la plus efficace aux épidémies et pandémies de zoonoses.
Par conséquent, il faut mettre l'accent sur l'approche Une seule santé.
Il faut aussi, bien sûr, une approche pangouvernementale. Il ne suffit pas que le ministre de la Santé élabore un plan. Il doit travailler avec d'autres ministres, éliminer des cloisonnements au sein du gouvernement fédéral et nous mettre dans la meilleure position possible pour prévenir de futures pandémies et y réagir. Le ministre de l'Industrie a un rôle à jouer sur le plan de notre capacité de fabriquer des vaccins et de mettre au point des traitements et des tests essentiels. Le ministre de la Sécurité publique et le ministre des Transports ont un rôle à jouer en ce qui concerne les contrôles frontaliers. La ministre des Affaires étrangères a évidemment un rôle à jouer en ce qui concerne l'équité en santé à l'échelle mondiale, un objectif que les pays riches dont nous faisons partie n'ont malheureusement pas du tout réussi à atteindre au cours de cette pandémie. Il devrait également y avoir une collaboration avec la ministre de l'Agriculture et le ministre de l'Environnement, ce qui s'inscrit dans l'idée d'une approche Une seule santé.
Donc, si l'on pense à un cadre qui existe déjà au sein du gouvernement du Canada, une approche Une seule santé relative à la résistance aux antimicrobiens, c'est un partenariat entre le ministère et le ministre de la Santé et le ministère et la ministre de l'Agriculture, car nous savons que, certainement dans d'autres pays du monde, l'utilisation accrue et l'utilisation abusive des antibiotiques peuvent créer un risque de superbactéries. Il y a des chercheurs à l'Université McMaster qui appellent cela la « pandémie silencieuse », faisant allusion au nombre de vies déjà perdues à cause de la résistance aux antimicrobiens. Comme je l'ai dit, il s'agit d'une approche pangouvernementale.
L'une des choses sur lesquelles le comité devra se concentrer lorsqu'il examinera la série de facteurs est l'importance de veiller à ce qu'il y ait des stratégies de préparation aux situations d'urgence pour les services de santé publique qui comprennent la protection des populations vulnérables et marginalisées. À cette fin, la collaboration continue avec les provinces est cruciale. Cette question relèvera tant des provinces que du fédéral. Les conditions de travail des travailleurs essentiels dans tous les secteurs sont une question qui relève tant des provinces que du fédéral.
La gestion de la disponibilité des stocks pertinents, notamment le matériel de dépistage et l'équipement de protection individuelle, relève davantage du fédéral, mais il est déjà arrivé que les provinces éprouvent des difficultés à ce chapitre.
Il y a la capacité de recherche des ressources humaines qui est nécessaire pour le dépistage et la recherche des contacts, étant donné que les ressources humaines ne peuvent pas toujours être prêtes à intervenir. Nous devons être capables de les mobiliser pour répondre à l'augmentation de la demande, et, encore une fois, les provinces et le gouvernement fédéral devront travailler main dans la main dans ce dossier.
Il y a une série d'autres facteurs, mais je ne les passerai pas tous en revue. Je tiens à mentionner les sept principaux vecteurs de maladie ciblés par le Programme des Nations unies pour l'environnement.
Le premier facteur est la demande croissante pour les protéines animales, car nous comprenons le risque de propagation et les lacunes en matière de biosécurité, notamment en raison de l'augmentation de la demande dans les pays à faible et moyen revenu. C'est un véritable problème auquel il faut trouver une solution.
Le deuxième facteur est l'intensification non durable de l'agriculture.
Le troisième facteur est l'utilisation et l'exploitation accrues de la faune. Les marchés d'animaux vivants partout dans le monde posent problème, comme l'illustre vraisemblablement le rôle qu'ils ont joué dans la crise que nous venons de connaître.
Le quatrième facteur est l'exploitation non durable des ressources naturelles, accélérée par l'urbanisation et le changement d'affectation des terres.
Le cinquième facteur, ce sont les déplacements et les transports.
Le sixième facteur est l'évolution des chaînes d'approvisionnement alimentaire. Les problèmes de traçabilité en sont l'enjeu central.
Le septième facteur est le changement climatique.
ll s'agit de deux risques majeurs qui vont de pair. Le changement climatique est un risque qui menace notre existence même, mais il contribue aussi au risque de pandémie. Cela ne veut pas dire que nous pouvons éliminer les déplacements et l'agriculture. Cependant, nous devons nous pencher sur ces secteurs pour trouver les meilleures façons de réduire et de limiter le risque de pandémie pour éviter que cela ne se reproduise. Comment nous assurer que la réglementation nécessaire est en place pour nous préparer à d'autres pandémies éventuelles?
Enfin, je crois que le dernier point que j'aimerais souligner est la nécessité de s'assurer que tous les intervenants sont tenus de rendre des comptes.
Tout d'abord, le projet de loi vise à dresser un bilan et à tirer les leçons qui s'imposent.
Ensuite, il faut y inscrire les éléments à inclure dans le plan. J'ai déjà expliqué cela en détail, et le projet de loi offre encore plus de précisions à ce sujet. J'ose espérer qu'on pourra en faire un exercice de collaboration au comité, car je veux que ce soit un exercice non partisan afin qu'on fasse les choses correctement.
Enfin, nous devons nous assurer de nommer un coordonnateur national de la prévention et de la préparation en matière de pandémie pour superviser et mettre en œuvre les plans, afin qu'il y ait une reddition des comptes adéquate et un bureau responsable de mener le tout jusqu'au bout.
Pour terminer, j'aborderai un point qui me semble pertinent. Dans le monde politique, nous avons tendance à oublier les crises. Quand une crise se présente, nous nous en occupons puis nous l'oublions. C'est ce qui s'est produit avec l'épidémie de SRAS. Il ne faudrait se retrouver, dans 20 ans, dans une situation où les débats que nous avons actuellement ont été oubliés et où les plans de prévention et de préparation en cas de pandémie établis en 2022 ou en 2023 dorment sur une tablette et n'ont pas été mis en œuvre ni mis à jour. Il s'agit vraiment d'une question de reddition de comptes: il faut voir à ce que les futurs gouvernements de tout horizon politique prennent cet enjeu au sérieux, travaillent sérieusement à la prévention et à la préparation en cas de pandémie, et voient à ce qu'on n'oublie pas les leçons apprises pendant la pandémie de COVID et à ce que la société canadienne ne vive jamais plus une expérience pareille. Je ne pourrai jamais trop insister sur le fait qu'une pandémie comme celle que nous venons de traverser a d'énormes coûts, et que la prévention et la préparation coûtent très peu en comparaison.
J'espère que tous les partis seront d'accord pour renvoyer ce projet de loi au comité, lequel pourra l'améliorer, y apporter des amendements et le mener à bien.
Je suis heureux d'avoir pu parler de ce projet de loi à la Chambre aujourd'hui.