Madame la Présidente, je suis très heureux d'avoir l'occasion d'intervenir au sujet de ce rapport du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
En fait, si je ne m'abuse, il s'agit du rapport no 2. Il y a donc de cela plusieurs mois que nous avons adopté ce rapport, au terme d'une rencontre avec le Rinpoche, qui est le dirigeant civil de l'administration tibétaine maintenant stationnée en Inde.
Quoique nos amis tibétains nous répétaient inlassablement que la Chine n'a historiquement aucun droit sur le territoire du Tibet et que les revendications à l'égard de l'indépendance du Tibet demeurent toujours aussi légitimes et pertinentes, ils sont disposés à entreprendre des négociations avec la République populaire de Chine. Ils sont disposés à trouver un terrain d'entente pour permettre au peuple tibétain, à l'intérieur de la République populaire de Chine, dans le cadre de la constitution de cette dernière, de trouver une façon de s'épanouir sans devoir continuer à subir cette politique de sinisation qui est en cours depuis les années 1950 et de façon accélérée, voire brutale.
Voilà un rapport qui a d'abord été adopté unanimement au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international et qui devrait, normalement, faire tout autant l'unanimité ici même, à la Chambre. Pourquoi nous retrouvons-nous, dans ce cas, à devoir débattre ensemble d'un sujet qui fait l'unanimité? Pourquoi devons-nous nous interroger sur l'opportunité d'entériner ce rapport du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international? C'est tout simplement parce qu'il arrive que des formations politiques se gardent des rapports dans leur petite poche arrière afin de s'en servir non pas pour débattre du fond de l'affaire, mais à des fins dilatoires, de sorte à retarder les travaux de la Chambre.
Il y a bien longtemps que nous aurions dû avoir un débat, ou du moins avoir adopté le rapport no 2 du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Or voilà que, plusieurs mois plus tard, on se retrouve, à la veille de Noël, à devoir débattre dudit rapport. Sur ce, la Chambre est maître de ses travaux. Nous aurions fort bien pu décider tout simplement, d'un commun accord, d'adopter à l'unanimité ce rapport. Nous aurions été tout à fait d'accord pour que la Chambre entérine ce rapport qui m'apparait important, qui appelle non pas à une confrontation, mais à des négociations. Comment pourrions-nous être opposés à des négociations? Par la force des choses, on doit toujours être ouvert à la négociation.
Les Tibétains, qui ont des droits légitimes avérés à leur indépendance, disent maintenant que, tant qu'à devoir subir ce que le peuple tibétain subit depuis l'invasion chinoise des années 1950, aussi bien faire preuve de réalisme et tenter de trouver un arrangement. Comment peut-on être contre la vertu et la tarte aux pommes? Nous aurions été tout à fait d'accord et ouvert à l'idée que, d'un commun accord, nous adoptions sans débat, à l'unanimité, ce rapport. Or, voilà que les libéraux et les conservateurs sont engagés dans une espèce de guérilla procédurale, et, honnêtement, je trouve cela extrêmement dommageable.
Ma collègue d'Edmonton Strathcona y faisait référence, il y a quelques instants: le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, après avoir été paralysé pendant presque deux mois en mai et en juin dernier sur la question de la santé reproductive des femmes, est de nouveau paralysé. En effet, les libéraux ne nous amènent pas à conclure et à finaliser deux rapports qui étaient presque terminés, un rapport sur les inondations au Pakistan et un rapport sur la situation en Ukraine. Je me permets de le répéter, simplement pour faire comprendre à quel point on met de côté des choses importantes pour se crêper le chignon, ce qui est totalement inadmissible. Il s'agit d'un rapport sur les inondations au Pakistan qui ont fait plusieurs centaines de victimes et d'un rapport sur la situation en Ukraine; il est inutile de parler du nombre de victimes que ce conflit fait tous les jours. Plutôt que de prendre les quelque 10, 15 ou 20 minutes qu'il nous manquait pour finaliser ces deux rapports, les libéraux, qui savaient pertinemment que les conservateurs allaient réagir, ont décidé de passer outre la fin de l'étude des rapports et d'axer de nouveau nos travaux sur le dossier de la santé reproductive des femmes.
Que l'on me comprenne bien, je trouve que c'est un débat extrêmement important et capital. Des femmes partout dans le monde se retrouvent dans des situations de pauvreté extrême, quand elles ne décèdent pas, pour avoir tenté d'obtenir un avortement, je dirais, avec les moyens du bord. Pour le gouvernement libéral qui dit avoir une politique étrangère féministe, il y a donc une obligation d'aborder ouvertement, de front et sans compromis, la question de la santé reproductive des femmes à travers le monde. Nous en sommes. Nous voulons et nous souhaitons aborder cette étude le plus rapidement possible.
D'ailleurs, j'ai eu des discussions avec mon collègue de Sherwood Park—Fort Saskatchewan à ce sujet. Je pense qu'il y a une ouverture de la part des conservateurs à éventuellement mettre un terme à cette espèce de guérilla de procédure et à enfin mettre cela derrière nous. Cela permettra aux conservateurs, par la même occasion, de nous expliquer leur point de vue sur la santé reproductive des femmes. Ils donnent l'impression en ce moment que ce n'est pas une question importante et qu'on ne devrait pas en débattre et en discuter. Les mots « contraception » et « avortement » font frémir certains conservateurs au point qu'on ne devrait pas discuter de l'ensemble de la problématique. Or, c'est une question fondamentale et je crois savoir que nos amis conservateurs seraient disposés à ce qu'on le fasse.
Je qualifierais d'affront ce qui a été fait par nos collègues libéraux lorsqu'ils ont dit qu'on n'allait pas finaliser le rapport sur les inondations au Pakistan, qu'on ne finaliserait pas le rapport sur la situation en Ukraine, mais qu'on passerait directement à l'étude sur la santé reproductive des femmes. Évidemment, cela a eu pour effet de provoquer nos amis conservateurs et a donné lieu à une nouvelle obstruction de leur part au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, ce que je trouve éminemment étonnant et scandaleux. S'il y a un comité à la Chambre des communes qui devrait être le moins partisan possible, c'est bien le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
J'ai eu l'occasion de le répéter à plusieurs reprises au Comité et cela me donne l'occasion de le dire ici même à la Chambre: comme on le sait, j'ai eu une vie antérieure comme député fédéral et j'ai longtemps siégé au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international dans cette vie antérieure, comme je le fais présentement. Cette idée selon laquelle le Comité devait être l'un des moins partisans du Parlement et de la Chambre des communes s'est vérifiée pendant presque toute la durée de ma vie antérieure comme député fédéral, c'est-à-dire pendant à peu près une douzaine d'années.
Depuis que je suis revenu en 2019, le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international donne lieu à des affrontements extrêmement disgracieux entre les libéraux et les conservateurs. Quand ce ne sont pas les conservateurs qui font de l'obstruction aux travaux du Comité, ce sont les libéraux qui font de l'obstruction aux travaux du Comité. C'est le monde à l'envers. C'est soit que le gouvernement fait de l'auto-obstruction, soit qu'il subit l'obstruction des conservateurs.
En 12 ans d'expérience comme parlementaire, je n'avais jamais vécu de situation où le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international — tel qu'il s'appelait à l'époque, alors qu'il se nomme maintenant Comité permanent des affaires étrangères et du développement international — aurait été paralysé non pas pendant une séance ou deux, mais pendant des semaines complètes, et ce, en raison des jeux partisans entre nos amis libéraux et nos amis conservateurs.
Pendant ce temps, on ne règle pas la question du rapport sur les inondations au Pakistan; on ne règle pas la question éminemment importante, alors que des gens meurent tous les jours en Ukraine, du rapport sur la situation dans ce pays; on n'aborde pas non plus cette question tout aussi importante de la santé reproductive des femmes.
Aujourd'hui, on se retrouve à devoir débattre d'une motion qui aurait normalement dû faire l'unanimité, qui aurait dû être adoptée à l'unanimité sans le moindre débat. On en débat pendant deux heures parce que les conservateurs ont décidé que, à la suite des provocations des libéraux, ils allaient entreprendre cette petite guérilla de procédure qui a cours au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Rappelons que nos amis conservateurs ont déposé 300 motions jusqu'à présent. Il y a du matériel pour tenir jusqu'en 2075.
Va-t-on se sortir de ce cercle vicieux? Cela n'a aucun bon sens. Est-ce qu'on ne pourrait pas tout simplement s'asseoir, se parler comme des adultes responsables et faire en sorte de faire avancer le rapport sur les inondations au Pakistan, de finaliser le rapport sur la situation en Ukraine et d'entreprendre, ma foi, le plus rapidement possible, l'étude sur la santé reproductive des femmes?
Pour le moment, rien de tout cela ne se fait, parce que les libéraux ont décidé de provoquer les conservateurs et parce que les conservateurs, pas plus fins, ont décidé de se laisser provoquer et de donner suite à ce qui se passe. On se retrouve de nouveau en mode obstruction au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, ce que je trouve encore une fois étonnant, mais fondamentalement inacceptable, intolérable. On ne peut pas accepter que ce comité, qui, normalement, devrait être l'un des plus consensuels de la Chambre des communes, soit complètement paralysé par des guéguerres de procédure entre les libéraux et les conservateurs. Cela n'a aucun sens.
Je terminerai en exposant les raisons pour lesquelles je considère que ce comité est — ou devrait à tout le moins être — l'un des moins partisans à la Chambre des communes.
La première raison est fort simple. Sur la question des valeurs, à l'échelle internationale, à part quelques petites différences marginales, il y a bien peu de choses qui distinguent les libéraux, les conservateurs, le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique en matière d'affaires étrangères. Certains seront peut-être surpris de m'entendre dire une chose pareille, mais, sur le plan des valeurs, il y a plutôt une communion d'esprit. À part quelques épisodes, comme à l'époque du gouvernement de Stephen Harper, je dirais que la politique étrangère du Canada a été relativement constante depuis la Seconde Guerre mondiale, et ce, peu importe le changement de gouvernement entre libéraux et conservateurs. Sur le plan des valeurs, à part le court intermède du gouvernement conservateur de Stephen Harper, je dirais qu'il y a peu de distinction entre les différentes formations politiques, ce qui devrait normalement se refléter dans la qualité et l'harmonie des travaux au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. C'est la première raison pour laquelle je pense que ce comité est normalement le moins partisan. Compte tenu de la situation, je dirai que c'est la raison pour laquelle il devrait être le moins partisan.
L'autre raison — on sera surpris d'entendre un tel commentaire de la part de la bouche d'un méchant séparatiste —, c'est que, vu de l'étranger, le Canada a tout avantage à présenter un front uni plutôt que de se présenter en rangs dispersés. Mes collègues seront curieux d'apprendre que, pour les souverainistes, il n'y a aucun avantage à ce que le Canada paraisse mal sur la scène internationale. Ce n'est pas parce que nous voulons réaliser l'indépendance du Québec que nous souhaitons que le Canada se porte mal et, conséquemment, qu'il se présente mal sur la scène internationale.
Je pourrais présenter une longue liste de raisons, mais, pour ces deux raisons fondamentales, je pense que ce comité devrait être l'un des moins partisans de la Chambre des communes. Je le maintiens et je le réaffirme haut et fort. Je demande à mes collègues du Parti libéral et du Parti conservateur de mettre fin à ces guéguerres de procédure qui empêchent le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de faire convenablement son travail.
Je suis catastrophé et médusé par le sentiment du devoir non accompli. Quand, dans quelques heures, nous partirons pour la période des Fêtes sans avoir achevé le rapport sur les inondations au Pakistan, sans avoir achevé le rapport sur la situation en Ukraine et sans avoir amorcé la discussion et l'étude sur la santé reproductive des femmes, j'aurai honte.