propose que le projet de loi C‑11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Monsieur le Président, imaginons une journée sans les bienfaits de l'art et de la culture: pas de musique, pas de cinémas, pas de télévision, pas de livres. La vie serait vraiment ennuyeuse. C'est pourquoi je suis très heureux de parler du projet de loi C‑11, Loi sur la diffusion continue en ligne. Ces mesures législatives mettraient à jour la politique canadienne de radiodiffusion afin d'inclure les services de diffusion en continu en ligne et de veiller à ce que les entreprises de ce secteur contribuent aux ressources culturelles canadiennes de manière équitable.
C'est la première de trois mesures législatives qui font partie de mon mandat de ministre du Patrimoine canadien. Elles portent plus particulièrement sur la diffusion continue en ligne, les nouvelles en ligne et la cybersécurité. Ensemble, ces mesures législatives feront en sorte qu'Internet soit un environnement plus juste, plus inclusif, plus sécuritaire et plus concurrentiel pour les Canadiens.
Quand Internet est arrivé, on s’est tous dit que c’était génial et agréable, qu’on allait le laisser se développer tout seul, qu’on n’interviendrait pas du tout, que cela allait créer de nouvelles opportunités et que cela allait renforcer la démocratie et connecter les gens.
C’est vrai. Internet a connecté tellement de monde, a eu tellement d’effets bénéfiques et continue d’en avoir aussi. En fait, Internet est un véritable vecteur de changement, mais qui a aussi permis plus de polarisation et de désinformation. En matière de culture, par exemple, Internet a complètement transformé la façon dont nous produisons et consommons nos produits culturels.
De plus, malheureusement, n'importe qui, surtout les jeunes, est facilement exposé à du contenu en ligne totalement inacceptable, faisant par exemple la promotion de la haine en ligne, de l’exploitation des enfants et de l’intimidation. Nous avons tous un rôle à jouer collectivement, y compris les plateformes qui dominent Internet et occupent un énorme espace dans nos vies quotidiennes.
Nous devons nous attaquer à ces problèmes maintenant. À défaut de le faire, ils continueront de nuire aux Canadiens, d'éroder notre souveraineté culturelle et d'affaiblir notre société numérique. L'objectif est de faire en sorte qu'Internet offre une meilleure expérience à l'ensemble des Canadiens.
Comment allons-nous procéder? Le projet de loi dont nous sommes saisis, soit la Loi sur la diffusion continue en ligne, constitue la première étape. Dans un premier temps, nous devons nous assurer que les services de diffusion en continu contribuent à la force et à la vitalité du secteur culturel canadien. Rappelons que la vitalité culturelle canadienne n'est pas le fruit du hasard. Nous, Canadiens, avons décidé de nous démarquer et d'être différents de nos voisins du Sud. Nous avons opté pour la souveraineté culturelle.
Nous nous rappelons ce choix tous les jours et particulièrement hier à l'occasion du Jour du drapeau national du Canada. Lorsque nous avons choisi l'unifolié comme drapeau, nous avons choisi un symbole de notre identité nationale qui nous distingue de la superpuissance culturelle au sud du Canada. Après 57 ans, la feuille d'érable constitue le symbole canadien le plus connu au monde. Pour tous les Canadiens, c'est le symbole d'un Canada, d'un pays, que nous avons tous contribué à bâtir ensemble.
Notre culture, c'est nous tous. Je le dis souvent, c'est notre passé, notre présent, notre avenir. C'est comment nous nous parlons et comment nous contons nos histoires.
Depuis plus de 50 ans, la Loi sur la radiodiffusion nous aide à faire connaître nos histoires. Voilà comment nous avons bâti une culture canadienne dynamique. Voilà comment nous avons forgé l'identité canadienne et comment nous avons fait connaître la voix des Canadiens dans le monde. Le gouvernement souhaite faire fond sur cette affirmation culturelle pour l'avenir. Il faut reconnaître que les temps ont changé.
La dernière fois que notre système a été mis à jour, le monde était complètement différent. C'était en 1991. On allait louer des films chez Blockbuster. Je suis certain que vous y alliez aussi, monsieur le Président. On allait tous chez Blockbuster chercher des cassettes VHS, qu'on rapportait en retard et pour lesquelles on payait des frais. On avait aussi des Walkman. C'est la façon dont on écoutait la musique.
Tellement de choses ont changé au cours de ces 30 dernières années. La diffusion de contenu en ligne a changé notre façon de créer, de découvrir et de consommer du contenu, et le système en vigueur aujourd'hui doit refléter tout cela.
Depuis des décennies, les radiodiffuseurs canadiens investissent dans le système pour créer le contenu qu'on aime tant. C'est donc une simple question d'équité que de demander aux diffuseurs en ligne de contribuer. Nous ne leur demandons pas d'en faire plus, seulement de fournir leur part, ce qui est juste.
Les entreprises comme Netflix, Amazon et Disney, entre autres, investissent déjà dans l'économie canadienne. C'est génial et nous en profitons tous. Le contenu est vraiment amusant. C'est de l'argent, ce sont des investissements importants dans notre pays. Nous sommes très contents qu'ils continuent à investir chez nous, à réaliser leurs projets au Canada.
Toutefois, il faut être honnête. Il y a aussi une raison pour laquelle ils investissent au Canada. Ils le font parce qu'il y a des talents incroyables chez nous, que ce soit nos directeurs, nos acteurs ou nos techniciens. À tous points de vue, il y a des talents extraordinaires. C'est donc une bonne affaire de venir investir chez nous, au Canada.
Dans le fond, ce que fait le projet de loi C‑11, c'est qu'il met à jour des règles pour que l'ensemble des plateformes de diffusion contribuent à notre culture. C'est tout. Voilà ce qu'est le projet de loi.
La Loi sur la diffusion continue en ligne aura pour effet de soumettre les diffuseurs en ligne à des règles et à des exigences semblables à celles qui régissent les diffuseurs traditionnels. En effet, contrairement aux diffuseurs traditionnels, les plateformes profitent de notre culture mais ne sont pas tenues d'y contribuer. L'argent qui était autrefois dirigé vers les diffuseurs traditionnels se dirige vers les plateformes un peu plus chaque jour, une situation qui met en péril nos créateurs, notre industrie et notre culture. Il faut agir.
Notre système doit aussi ouvrir la voie à de nouveaux artistes canadiens et à la relève. Le Canada regorge de personnes de talent. Pendant plusieurs décennies, le système actuel nous a permis de découvrir des artistes fantastiques que nous aimons tous. Beaucoup d'entre eux font résonner leur art dans le monde entier et sont connus partout. Il y a énormément de talent ici. Je pense par exemple à Anne... la maison aux pignons verts, au groupe The Tragically Hip, à C.R.A.Z.Y., à Drake, à Charlotte Cardin, à Lara Fabian, à Shawn Mendes, à District 31 et à Schitt's Creek.
Je pourrais nommer tant d'autres succès de la télévision, du cinéma ou du milieu de la musique.
Nous tenons à faire le nécessaire pour que nos enfants et les générations futures puissent, comme nous, grandir en regardant les histoires de notre pays et en écoutant ses chansons.
La culture, c'est une forme d'expression extrêmement puissante et fondamentale. Elle nous permet de vivre ensemble des moments, des sentiments et des rêves. Elle nous permet de bâtir une identité commune. Elle a une portée et une influence plus grandes que jamais.
On doit pouvoir sereconnaître dans sa culture. Par exemple, nous, les francophones, comptons là-dessus pour notre langue, qui en dépend. Si nous voulons que nos enfants parlent notre langue, nous avons besoin d'une culture forte. Pour cela, il faut un système qui est à la fois juste et équitable.
Les peuples autochtones comptent aussi là-dessus. La diversité et l'inclusion sont des valeurs canadiennes; elles doivent occuper une place centrale dans notre politique culturelle. C'est l'un des grands piliers de la Loi sur la diffusion continue en ligne. Les Canadiens racisés, les femmes, les personnes LGBTQ2+ et les personnes handicapées méritent d'avoir un espace où raconter leurs histoires à d'autres Canadiens et au monde entier.
Ce projet de loi vise à prendre cet espace et à voir à ce que les plateformes de diffusion continue en ligne contribuent à la culture canadienne, à notre culture.
En ce moment, nos diffuseurs canadiens sont soumis à un ensemble de règles, alors que les plateformes de diffusion en continu sont soumises à un autre ensemble de règles. Ce devrait être équitable pour tous et c'est exactement ce que nous allons faire avec le projet de loi sur la diffusion continue en ligne. Si l'on profite du système, il faut contribuer au système.
Il est vrai que, lors de la dernière législature, il y a eu d’importants débats au sujet du rôle des médias sociaux dans le soutien des artistes canadiens et de la culture canadienne. C’est pour cela que nous avons écouté les préoccupations concernant les médias sociaux et nous avons corrigé le problème.
Pour donner suite à ce débat, le projet de loi C-11 énonce clairement que l’organisme de réglementation n’aurait aucun pouvoir sur l’usage des réseaux sociaux par les Canadiens chaque jour. Soyons clairs. Notre projet de loi et nos politiques ne visent pas à encadrer les utilisateurs ou les créateurs sur Internet, ni les créateurs essentiellement numériques, ni les influenceurs, ni les utilisateurs. Les nouvelles responsabilités prévues par cette loi ne s’appliqueraient qu’aux entreprises de diffusion en continu en ligne. C’est notre objectif et nous l’atteindrons.
Comment? Notre nouvelle démarche pour les médias sociaux prend en compte les préoccupations liées à la liberté d’expression. En même temps, elle reconnaît que la diffusion de musique se fait en grande partie sur Internet. C’est pour cette raison que le projet de loi comprend des mises à jour très importantes qui concernent particulièrement certains types de contenu commercial. En effet, une étude menée par l’Observateur des technologies médias en 2020 a constaté que deux tiers des Canadiens adultes utilisent YouTube pour écouter de la musique, soit une plus grande part d’auditeurs que les services spécialisés en diffusion de musique comme Apple Music et Spotify.
Les modifications touchant les médias sociaux que l'on trouve dans la Loi sur la diffusion continue en ligne ne s'appliqueront pas au contenu téléversé par les utilisateurs ni à ces derniers. Elles s'appliqueront uniquement au contenu commercial qui répond aux critères bien précis qui sont énoncés dans le texte. Cela répond aux demandes du milieu musical, selon lequel les plateformes qui diffusent de la musique commerciale doivent contribuer au système. Il s'agit d'une façon créative d'y parvenir. Nous balisons le cadre à l'intérieur duquel les autorités réglementaires devront travailler. Car il y en a, des balises, et il s'agit d'un compromis, d'un geste de bonne foi de la part du gouvernement.
J'ai rencontré de nombreux créateurs de contenu destiné aux médias sociaux, dont des youtubeurs et des créateurs essentiellement numériques, et j'ai écouté ce qu'ils avaient à dire. J'ai beaucoup aimé notre discussion. Ce sont des gens formidables. Ils travaillent de partout dans le monde, ils sont créatifs et ils m'épatent. J'ai bien compris ce qu'ils voulaient me dire et je continuerai de les écouter. Ces créateurs font voir et entendre du contenu extraordinaire aux publics d'ici, bien évidemment, mais aussi d'ailleurs, comme je le disais. Ce ne sont toutefois pas eux que le projet de loi cherche à encadrer. Ils n'auront rien de nouveau à faire et rien ne changera pour eux.
Je vais le répéter une dernière fois au cas où je n'aurais pas été assez clair: une fois que ce projet de loi aura franchi toutes les étapes du processus parlementaire et qu'il aura reçu la sanction royale, nous transmettrons une directive aux autorités réglementaires afin qu'elles sachent hors de tout doute que ce texte législatif ne s'applique pas aux usagers, mais seulement aux plateformes de diffusion en continu. Les plateformes oui, les usagers, non.
Je tiens absolument à ce que l'on me comprenne bien: cette loi ne déterminera jamais ce que les Canadiens peuvent ou non regarder en ligne. Ils pourront toujours choisir ce qu'ils veulent écouter et regarder. Les usagers ne sont pas des radiodiffuseurs. Le contenu en ligne ne sera pas réglementé, pas plus que celui créé par un créateur en particulier. C'est simple, mais je le répète encore une fois, au cas où: les plateformes oui, les usagers non.
L'objectif de mettre à jour notre système n'a pas changé. Il faut le mettre à jour. L'année 1991, c'était il y a longtemps.
En tant que pays, nous avons fait le choix, il y a plusieurs décennies, de protéger notre identité culturelle pour que nos artistes et nos créateurs aient leur place sur nos ondes et rayonnent chez nous, et partout sur la planète. C'est pourquoi, comme condition à l'obtention d'une licence, les radiodiffuseurs ont dû investir dans la création de contenu canadien et le mettre en valeur.
Notre objectif, ici, nous l'avons dit plus d'une fois, est que tous contribuent à la culture canadienne, qu'ils mettent en valeur la musique, les émissions et les films de chez nous. L'objectif n'a pas changé, c'est le milieu, le marché et les choses qui ont changé. Il est temps qu'on s'adapte à cela. On n'est plus en 1991.
Depuis sa dernière réforme majeure, en 1991, le système a bien servi les Canadiens et les Canadiennes, en créant un espace distinct pour notre culture. Grâce à ce système, des générations de Canadiens ont grandi en écoutant de la musique canadienne à la radio, en regardant des films canadiens à la télé, des générations d'artistes ont pu diffuser leur art et toucher la vie de tant de Canadiens. Maintenant que l'Internet a ouvert de nouvelles connexions culturelles, nous voulons que le succès culturel du Canada se poursuive, s'amplifie et s'accélère. On n'en a jamais eu autant besoin. Je dirais que c'est maintenant ou jamais.
On l'a dit, on l'a vu et on l'a vécu: la COVID‑19 a accéléré notre transition en ligne, pour tout un chacun d'entre nous, j'en suis certain. La distanciation physique a poussé les Canadiens vers des plateformes et les services de diffusion en ligne. Les Canadiens communiquent avec leurs amis et leur famille en ligne et des millions de personnes font du télétravail. Les étudiants, dont ma fille, suivent leur cours en ligne et, en ces temps difficiles, beaucoup d'entre nous s'évadent grâce à la musique, aux séries et aux films en ligne.
À cause de la pandémie, les artistes et les créateurs canadiens doivent faire face à de nombreuses difficultés qui diminuent grandement leurs sources de revenus depuis près de deux ans. Un système déséquilibré où les obligations ne sont pas les mêmes pour tous ne fait qu'aggraver la situation pour les artistes, les créateurs et la culture au Canada. Avec la diminution des ressources, des débouchés et des productions, il sera de plus en plus difficile d'accéder à de la musique et à des émissions canadiennes, et nous ne voulons pas cela. Nous voulons le contraire. Sans intervention, les tendances actuelles sur le marché devraient mener, d'ici 2023, à un recul dans la production de contenu télévisuel canadien de près de 1 milliard de dollars comparativement à 2018, et ce n'est qu'une estimation des pertes économiques. En réalité, c'est notre identité culturelle qui est en jeu.
Un espace distinct permet de nous parler, de nous comprendre, de bâtir l'identité canadienne qui est la nôtre, et cela nous aide à trouver ensemble des solutions aux enjeux nationaux. Au fur et à mesure que notre espace s'érode, que nos liens s'effacent, que nos histoires, nos valeurs et nos perspectives s'estompent, il y a un problème, et ne pas agir n'est pas une option.
Nous avons agi et nous allons continuer d'agir pour protéger notre culture, nos emplois, nos créateurs et la voix des Canadiens.
La loi sur la diffusion continue en ligne va contribuer directement à la vitalité de la culture canadienne. Nous voulons simplement que les diffuseurs en ligne fassent leur juste part, pas plus, pas moins, dans le financement, la création, la production, la distribution de contenus d'ici. La loi va permettre d'assurer l'avenir de la radiodiffusion canadienne en plus de promouvoir et de protéger notre souveraineté culturelle.
Ce projet de loi est le résultat de plusieurs années de travail et de consultations auprès des Canadiens, de l'industrie, des intervenants et des parlementaires, et je tiens à les remercier de leur excellent travail et de nous avoir fait part de leurs observations judicieuses. Alors que nous commençons le débat sur ce projet de loi très important, n'oublions que, au bout du compte, il faut moderniser notre système en fonction du contexte numérique actuel.
Les choses ont changé, et les plateformes de diffusion en continu sont les nouveaux grands joueurs. Avec ce projet de loi, nous pourrions veiller à ce que tout le monde contribue à notre culture selon des modalités similaires et équitables. Les objectifs de notre politique sur la culture et la radiodiffusion n'ont pas changé. Nous voulons un secteur culturel équitable qui offre de bons emplois pour la classe moyenne. Il faut pouvoir façonner la culture de façon à ce que tout le monde puisse s'y reconnaître. Il faut que nous puissions être fiers de notre identité canadienne.