Monsieur le Président, je prends la parole pour revenir sur le rappel au Règlement qui a été soulevé ce matin par le leader à la Chambre du NPD au sujet de l’application de l’article 69.1 du Règlement au projet de loi C‑27.
De façon générale, nous avons examiné les arguments du député et sommes d’accord. Cela dit, je voudrais présenter quelques citations de plus à la présidence à des fins d’examen. Je ne répéterai pas les arguments parce que vous les avez déjà devant vous, monsieur le Président, mais nous sommes d’accord pour dire que les mesures proposées dans la partie 3 du projet de loi C‑27 sont fort différentes des parties 1 et 2 et n’ont aucun lien avec celles-ci, de sorte qu’elles justifient la tenue d'un vote distinct à l’étape de la deuxième lecture.
Comme l’a dit mon collègue du NPD, l’objet des parties 1 et 2 du projet de loi concerne la protection de la vie privée, les pouvoirs du commissaire à la protection de la vie privée et la création d’un tribunal gouvernemental. Quant à la partie 3, elle créerait une toute nouvelle loi sur l’intelligence artificielle. Les mécanismes relevant des pouvoirs du ministre et du ministère ne sont absolument pas liés à ceux des parties 1 et 2. Ce dernier point est important compte tenu d’un autre aspect de la décision du 1er mars 2018 du Président Regan, que mon collègue a cité. Permettez-moi de citer votre prédécesseur, monsieur le Président. M. Regan a dit:
Puisque chacune des deux premières parties du projet de loi prévoit l'édiction d'une loi nouvelle, je comprends pourquoi la députée de Berthier—Maskinongé souhaiterait qu'elles soient mises aux voix séparément. Cependant, d'après mon interprétation du projet de loi, les régimes prévus dans la Loi sur l'évaluation d'impact (soit la partie I) et dans la Loi sur la Régie canadienne de l'énergie (soit la partie 2) sont étroitement liés, comme en témoigne le nombre de renvois entre ces deux parties. Par exemple, la Loi sur l'évaluation d'impact prévoit un processus d'évaluation de l'impact de certains projets, mais elle comporte des dispositions visant des projets dont les activités tombent sous le régime de la Loi sur la Régie canadienne de l'énergie. En outre, certaines obligations prévues à la Loi sur la Régie canadienne de l'énergie sont visées par des dispositions de la Loi sur l'évaluation d'impact. Puisque chacune de ces parties renferme un grand nombre de renvois visant des entités et des processus établis dans l'autre partie, j'estime qu'une mise aux voix communes de ces deux parties est conforme au Règlement.
Le vice-président Bruce Stanton avait rendu une décision concernant une situation similaire le 18 juin 2018, à la page 21 162 des Débats. Contrairement à ce qui avait été constaté dans la situation dont je viens de parler au sujet du projet de loi interdisant tout nouveau pipeline, le projet de loi C‑69, dans le cas du projet de loi C‑27, il n'y a pas un nombre important de renvois entre les parties. Autrement dit, le président Regan était arrivé à la conclusion que les deux parties devaient être mises aux voix ensemble en raison du nombre de renvois et de liens entre de nombreuses parties et du fait qu'une partie faisait référence à des éléments qui se trouvaient dans l'autre partie.
Ce n’est pas ce qui se produit aujourd’hui en ce qui concerne la partie 3 du projet de loi C‑27. En fait, la partie 3 de ce projet de loi ne renvoie pas, d’une manière explicite, à la Loi sur le Tribunal de la protection des renseignements personnels et des données, que la partie 2 édicterait. En outre, il semble n’y avoir qu’un seul petit renvoi solitaire à la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs, que la partie 1 édicterait. Cela servirait uniquement à proposer une définition de « renseignements personnels » commune pour ces deux lois. Cela n’est, de toute évidence, pas suffisant pour exiger tout regroupement quand vient le temps de passer au vote.
La partie 3 est complètement distincte. Il s’agit d’une section indépendante. On n’observe aucunement le niveau de renvoi et d’entrelacement qui, selon d’anciens présidents, a justifié le fait de ne pas tenir un vote distinct. Il est donc évident que, dans cette situation, le projet de loi C‑27 devrait être traité d’une manière qui permettrait un vote distinct sur la partie 3 si vous, monsieur le Président, acceptez les arguments présentés.
L'article 69.1 du Règlement est une innovation relativement récente. Ce n'est qu'au cours des dernières années que la Chambre des communes a conféré à la présidence le pouvoir de séparer divers éléments d'un projet de loi pour les soumettre à des votes séparés. Voici le libellé de cet article:
(1) Lorsqu’un projet de loi émanant du gouvernement vise à modifier, à abroger ou à édicter plus d’une loi dans les cas où le projet de loi n’a aucun fil directeur ou porte sur des sujets qui n’ont rien en commun les uns avec les autres, le Président peut diviser les questions, aux fins du vote, sur toute motion tendant à la deuxième lecture et au renvoi à un comité et à la troisième lecture et l’adoption du projet de loi. Le Président peut combiner des articles du projet de loi thématiquement et mettre aux voix les questions susmentionnées sur chacun de ces groupes d’articles séparément, pourvu qu’un seul débat soit tenu pour chaque étape.
Intéressons-nous au contexte dans lequel cet article du Règlement a été élaboré avant d’être adopté par la Chambre. Les députés voulaient s'accorder un degré de souplesse et de latitude accru pour que leurs votes comptent pour différents aspects d’un projet de loi. Il est important de réfléchir aux raisons expliquant pourquoi la Chambre a décidé d’adopter cette mesure. Au cours de plusieurs législatures, différents gouvernements ont, à divers moments, présenté de plus en plus de matériel à inclure dans les projets de loi. Cette initiative, à l’époque, avait pour but de donner aux députés l’option de voter pour certains aspects du projet de loi et contre d’autres aspects de celui-ci, en plus de permettre aux électeurs et aux Canadiens de voir les parties du projet de loi qu’ils ont appuyées et à quels aspects ils se sont opposés.
Je parle de ce contexte parce que je ne crois pas que, à ce moment, le motif et l’élan permettant d'inclure cette mesure dans le Règlement devaient être extrêmement restrictifs. L’article du Règlement devait, en fait, être plus permissif, afin d’accorder une latitude et une souplesse accrues. Il s’agit d’une innovation relativement récente qui n’a été utilisée qu’à un petit nombre de reprises. En termes parlementaires, il s’agit vraiment d’un très petit nombre de fois. Je crois qu’on ne respecterait pas l’esprit et l’intention qui ont guidé les députés lors de l’adoption de cette mesure si l’on commençait dès le départ à l’utiliser d’une manière très restrictive, parce que les choses ici ont tendance à prendre une seule direction et que les pouvoirs ou la souplesse accordés par le président au fil du temps gagnent en rigidité, alors que des règles et des précédents s'y greffent.
Si le Président devait adopter une interprétation très restrictive de cet article du Règlement, je crois que cela annulerait le but de cette innovation, telle qu’elle a été proposée. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire d'interpréter cet article d’une manière permissive pour être d’accord avec mon collègue du NPD et pour soutenir les arguments que je présente aujourd’hui. Les parties sont, de toute évidence, distinctes. La partie 3 du projet de loi C‑27 est entièrement indépendante. Elle n’a pas à être accompagnée d’autres parties. Elle n’est pas associée ni liée à d’autres parties précédentes de la loi et ces dernières n’y renvoient pas.
Si je mentionne l'interprétation restrictive, c'est pour donner un argument de plus à la présidence pour tenir compte de l'esprit, de l'intention et du but de cette innovation, c'est-à-dire permettre aux députés de distinguer clairement les dispositions législatives auxquelles ils sont favorables de celles auxquelles ils ne le sont pas. Monsieur le Président, je vous exhorte à garder cela à l'esprit lorsque vous soupèserez les arguments qui vous ont été présentés. J'espère que vous trancherez en notre faveur et que vous donnerez la possibilité aux députés de voter séparément sur la partie 3.