Madame la Présidente, je suis toujours heureux de prendre part aux débats de la Chambre des communes au nom des résidants de ma circonscription, Chilliwack—Hope.
Comme j'ai remarqué que d'autres députés ont bénéficié d'une certaine marge de manœuvre à cet égard, j'aimerais prendre le temps de rendre hommage à Jim Carr. Lorsque Jim était ministre des Ressources naturelles, j'ai eu l'honneur d'assumer les fonctions de porte-parole de mon parti en matière de ressources naturelles. Je m'opposais catégoriquement à presque toutes les mesures que Jim avait à proposer, mais on ne pouvait faire autrement que d'avoir de l'estime pour l'homme qu'il était. Nous avons eu l'occasion de voyager ensemble, comme le font souvent les porte-parole et les ministres. D'ailleurs, pendant cette période, je pense que j'ai passé plus de temps avec lui qu'avec bon nombre des membres de ma famille. Nous sommes allés notamment au Mexique, à Rome et en Chine. Dans ces circonstances, j'ai pu voir Jim exceller.
J'ai même pu le voir danser lors de l'inauguration d'un terrain de jeu mexicain. Une société minière canadienne avait construit un terrain de jeu pour les enfants de la collectivité à proximité de son exploitation. Jim n'avait pas été invité à danser, mais il a tout de même décidé de se joindre aux festivités. C'est un souvenir que je chérirai toujours. C'était un homme bon qui aimait sa famille, et il nous manquera, non seulement chez nous, au Manitoba, mais aussi ici, à la Chambre. Je tiens à lui rendre hommage et je pense à sa famille et à ses collègues, qui ont tous été atterrés par la nouvelle.
Je vais maintenant passer au projet de loi C‑18, Loi sur les nouvelles en ligne. Toute la journée, nous avons entendu les réserves que les conservateurs ont à l'égard du projet de loi. Nous pensons qu'il n'atteindrait pas la cible. Il ne ferait pas ce qu'il est censé faire, et c'est un peu fort d'entendre les députés libéraux et leurs partenaires de coalition du NPD dire que les géants du Web s'empareraient des revenus publicitaires. Si nous examinons les divulgations publiques des dépenses de leurs députés, nous constaterons qu'ils versent volontairement des dizaines de milliers de dollars à Facebook pour des publicités. Par conséquent, je m'excuse si je pense qu'il est un peu fort d'entendre que ces géants du Web bondiront pour s'emparer des revenus publicitaires, alors que les députés versent des dizaines de milliers de dollars dans les coffres de Facebook ou de Meta.
Ne jouons pas les vertueux à ce sujet, car les députés, lorsqu'ils souhaitent communiquer avec leurs concitoyens, comme le font de nombreux libéraux et néo‑démocrates, n'ont aucun scrupule à donner de l'argent aux géants du Web pour utiliser leurs plateformes.
Les députés ne se contentent pas d'appuyer leurs journaux locaux. Ils ne se contentent pas d'appuyer les médias locaux en ligne. Ils versent volontiers des fonds de leur budget de député à Facebook et à d'autres. Par conséquent, qu'on nous épargne les discours moralisateurs sur le mal que représente Facebook, alors que les députés libéraux et néo‑démocrates lui versent volontiers des dizaines de milliers de dollars par an provenant de leur budget.
Chacune des deux collectivités qu'englobe Chilliwack—Hope n'est plus desservie que par un seul journal hebdomadaire, le Hope Standard et le Chilliwack Progress, respectivement. Lorsque j'ai été élu pour la première fois, Chilliwack comptait deux journaux locaux, le Chilliwack Times et le Chilliwack Progress, qui publiaient chacun deux numéros par semaine. Nous sommes passés de deux médias d'information qui publiaient chacun deux numéros par semaine, soit un total de quatre numéros par semaine, à un seul numéro par semaine.
Cependant, si l'on demande au rédacteur en chef du Chilliwack Progress à quoi ressemble sa situation financière, il est plutôt optimiste. Il parle de ses diverses sources de revenus et, lorsqu'on remet en question la longévité et les chances de survie du Chilliwack Progress, il assure ses lecteurs et les habitants de Chilliwack que le journal jouit d'une grande stabilité financière et qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter.
La fermeture de certains journaux a donné lieu à de l'innovation. Les journalistes qui avaient travaillé, par exemple, pour le Chilliwack Times ont décidé de rassembler quelques autres journalistes et ils ont créé le Fraser Valley Current.
Ces journalistes ont créé un site de nouvelles en ligne qui se sert de Twitter et de Facebook pour diffuser son produit aux gens de la région. Le site a fait de l'excellent travail pendant les inondations et les glissements de terrain dans la région en novembre de l'année dernière. Les reporters de ce média étaient sur le terrain et faisaient des analyses détaillées et diverses choses que, bien honnêtement, les hebdomadaires ne sont tout simplement pas en mesure de faire. Ce média est né de l'innovation. Les journalistes n'ont pas attendu d'incitatifs du gouvernement pour agir; ils n'en ont pas eu besoin. Ils se sont lancés sur le marché et ils ont beaucoup de succès.
Il y a aussi le site Fraser Valley News, un site géré, à ce que je sache, par un seul journaliste qui a travaillé pendant de nombreuses années dans des salles de nouvelles de diverses stations de radio partout au pays, comme c'est souvent le cas des journalistes qui travaillent à la radio. Ils vont de village en village pour parler des activités communautaires que les grands médias ignorent. Don Lehn a été le dernier à être mis à pied par la station de radio locale lorsque celle-ci a décidé de sabrer son service des nouvelles et il a décidé de créer Fraser Valley News, qui est encore actif à ce jour. Encore une fois, son modèle d'affaires repose sur les revenus publicitaires en ligne, etc. Il n'a pas eu besoin du projet de loi C‑18 pour avoir du succès.
Nous avons Fraser Valley Today, un autre organe de presse en ligne qui a vu le jour lorsque les journaux ont laissé un vide en quittant la localité. Quand la station de radio locale a fermé ses salles de presse, il y a eu un vide, et ce vide a été comblé par des journalistes qui voulaient offrir un service à notre collectivité.
Cette innovation, le modèle d'entreprise unique qu'ils ont recherché, a fonctionné pour eux. Jen Gerson s'est fait l'écho de mes craintes, au comité, lorsqu'elle a déclaré ceci à propos du projet de loi:
[...] il est fondé sur un mensonge. Le projet de loi adhère à une très vieille plainte formulée par des éditeurs de journaux, qui affirment que les sites Web d'information par agrégation et les réseaux des médias sociaux font un bénéfice indu en « publiant » notre contenu, mais nous savons que ce n'est pas vrai. À dire vrai, la proposition de valeur est carrément à l'opposé. Ce sont nous, les éditeurs, qui en profitons quand un utilisateur publie un lien vers notre contenu sur Facebook, Twitter et les autres plateformes du genre. Cette distribution gratuite augmente le trafic sur nos sites Web, et nous pouvons ensuite essayer de monétiser cela grâce aux abonnements et à la publicité.
Elle a ensuite ajouté:
Je soupçonne que ce que nous avons ici, c'est une forme de recherche de rente, où des sociétés médiatiques en difficulté utilisent jusqu'à la dernière goutte le peu de capital social et financier qu'il leur reste pour faire pression et obtenir des subventions et des règlements comme le projet de loi C‑18.
Je crains que le projet de loi C‑18 se retourne contre nous et qu'il aggrave les problèmes que nous essayons justement de régler.
Peter Menzies, un ancien commissaire du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, a déclaré:
Le projet de loi C‑18 ne fera que perpétuer un marché déjà faussé par les subventions et il punira l'esprit d'indépendance.
Il a poursuivi en disant:
Si le Parlement appuie la liberté de presse, il n'approuvera pas le projet de loi C‑18.
Il a également dit:
[...] le projet de loi C‑18 est tout aussi susceptible de tuer le journalisme au Canada que de le sauver. La perspective même de son adoption pervertit la couverture médiatique et sape la confiance des citoyens, dont l'industrie dépend plus que tout. Le projet de loi C‑18 ancrera de façon permanente la dépendance de l'industrie non pas à la loyauté des citoyens, des lecteurs et des téléspectateurs, mais aux bonnes grâces des politiciens et à la prospérité des entreprises de technologie étrangères qui jouissent d'un quasi-monopole.
Voilà ce que pensent certaines des personnes qui évoluent directement dans l'industrie. Jen Gerson a déjà travaillé dans des organes de presse de modèle traditionnel avant de faire la transition vers un modèle en ligne accessible sur abonnement. Elle reconnaît que cette indépendance et ce modèle d'affaires sont ce qui fonctionne pour elle et que les organes de presse qui disent avoir besoin de subventions créent en fait des distorsions dans le marché et vont lui livrer concurrence, à elle et à son organe de presse, qui a étudié le marché pour trouver des solutions novatrices.
Des journalistes locaux ont du mal à s'adapter, mais je crois que nous devons les encourager à utiliser les outils à leur disposition et, bien franchement, à examiner les exemples de réussite dans le marché, ces organes de presse qui innovent et qui s'adaptent aux changements dans la manière dont nous consommons l'actualité.