propose que le projet de loi C‑237, Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et la Loi canadienne sur la santé, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Madame la Présidente, c'est avec beaucoup de fierté que je prends la parole aujourd'hui sur mon projet de loi C‑237, Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et la Loi canadienne sur la santé.
Le projet de loi s'attaque à ce qui constitue le cœur des tensions et des chicanes entre le gouvernement fédéral et les provinces, en particulier le Québec, soit le pouvoir de dépenser. Surtout, le fédéral s'est donné le pouvoir de dire au Québec quoi faire dans ses propres champs de compétences, sous prétexte qu'il lui transfère de l'argent.
Le Canada est censé être une fédération. Dans une fédération, les deux ordres de gouvernement sont aussi souverains l'un que l'autre, mais pas dans les mêmes domaines.
La Constitution accorde des pouvoirs au Parlement fédéral, à l'article 91, et elle accorde des pouvoirs au Québec et aux provinces canadiennes, à l'article 92. Or les dépenses fédérales qui empiètent dans les compétences des provinces remettent en cause le partage des pouvoirs et l'autonomie du Québec. C'est ça, le pouvoir de dépenser. C'est le pouvoir de dire à l'autre ce qu'il doit faire dans des domaines qui relèvent de sa compétence exclusive. Le respect du Québec et de son autonomie, ce n'est pas un jeu partisan au Québec, et cela ne date pas d'hier.
C'est surtout lors de la création de l'État providence, comme on l'appelait, c'est-à-dire lorsque le gouvernement a commencé à développer les différents programmes sociaux, que les tensions ont commencé.
Lors de la Révolution tranquille, dans les années 1960, les Québécois ont clairement choisi leur camp. C'est vers le gouvernement du Québec qu'ils se sont tournés pour développer le filet social, et ils s'attendaient à ce que le Québec puisse le faire en toute liberté, sans avoir à obéir aux ordres d'Ottawa. Le slogan électoral du premier ministre du Québec Jean Lesage était « Maîtres chez nous », et c'est à cela qu'il faisait référence. C'est aussi à cela que les grandes négociations constitutionnelles, que ce soit à Victoria en 1970, au lac Meech en 1987 ou à Charlottetown en 1992, faisaient référence. D'ailleurs, c'est à la base de mon implication politique.
Quand le Canada anglais s'est doté d'une nouvelle Constitution sans le Québec, j'ai décidé de plonger dans l'arène. Quand je me suis présenté en 1984, c'était pour ça, c'était pour que nous soyons maîtres chez nous; 38 ans plus tard, c'est la raison pour laquelle je présente le projet de loi C‑237.
Le projet de loi modifie de deux façons la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces.
D'une part, il offre à toutes les provinces qui le désirent la possibilité de refuser de participer à un programme fédéral qui relève de la compétence législative des provinces. C'est alors que le gouvernement peut verser à la province un transfert correspondant à ce qu'elle aurait reçu pour sa participation loi n'eût été son retrait.
D'autre part, le projet de loi C‑237 ajoute que le gouvernement ne verse la contribution que si la province a un programme dont les objectifs sont comparables à ceux d'un programme fédéral. C'est un mécanisme qui existe et qui est semblable à celui qui existe dans la Loi fédérale sur l'aide financière aux étudiants.
Si une province a son propre programme et se retire du programme fédéral, elle reçoit un transfert équivalent à ce qu'elle aurait reçu si elle ne s'était pas retirée. Le transfert est sans condition et versé au fonds consolidé de la province, mais seulement si elle a un programme comparable. Il peut être comparable, mais il n'est pas obligé d'être semblable. On n'a pas à respecter des normes, des critères et des ingérences dans nos affaires. Dans ce type de relations, nous sommes passablement maîtres chez nous. Ce n'est pas ce qui existe présentement sous le gouvernement ni ce qui existait sous les gouvernements qui l'ont précédé.
Le projet de loi C‑237 propose une deuxième modification à la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, laquelle ne vise que le Québec. Cette modification exempterait le Québec de l'application des normes et des conditions qu’Ottawa fixe dans la Loi canadienne sur la santé.
Le gouvernement fédéral a annoncé son intention de fixer des conditions applicables aux CHSLD. Il parle d’une série de stratégies dites nationales, que l'on comprend vouloir dire « décidées par le fédéral », notamment en matière de santé mentale, de santé des aînés, de santé reproductive, d’assurance-médicaments et d’assurance dentaire.
Or, le fédéral ne développe aucun service, il ne le pourrait pas. Le fédéral ne livre pas de services, il n'y connaît rien. Il va transférer la responsabilité aux provinces pour qu’elles fassent le travail à sa place. Il va les embaucher comme des sous-traitants et il va utiliser son pouvoir de dépenser pour leur dire quoi faire.
Il y a un demi-siècle, Pierre Elliott Trudeau disait que « l’État n’a rien à faire dans les chambres à coucher de la nation ». Aujourd’hui, son fils dit qu’il a sa place dans toutes les pièces de la maison, ce qui est inacceptable pour nous. Notre maison, c’est le Québec et nous ne voulons pas que ce soit le Canada qui décide de la décoration et des meubles.
Comme je le disais, ce n’est pas une question partisane au Québec. Je voudrais citer Benoît Pelletier, ministre des Affaires intergouvernementales dans le gouvernement de Jean Charest, ce même Jean Charest qui est rouge à Québec et bleu à Ottawa. Il est difficile d’être plus transparent que cela.
Benoît Pelletier a déclaré: « J’ai beaucoup de mal à concilier l’idée d’un pouvoir fédéral de dépenser qui ne soit nullement soumis au partage des compétences avec les valeurs à l’origine de la fédération canadienne. »
La commission Séguin sur le déséquilibre fiscal disait la même chose: « Le “pouvoir fédéral de dépenser” répond à une logique unique: il s’agit pour le gouvernement fédéral d’intervenir dans des champs de compétence des provinces sans avoir à obtenir pour cela l’adoption d’un amendement de la Constitution. »
Encore aujourd’hui, le gouvernement de François Legault, qui a été élu sur une plateforme autonomiste, réclame ce respect des champs de compétence. Entre l’autonomisme de François Legault et le « Maîtres chez nous » de Jean Lesage, on constate une constante: on ne veut pas que le fédéral nous dise quoi faire dans les domaines qui relèvent de notre compétence exclusive.
Ce n’est pas qu’une question constitutionnelle, c’est une question de compétence tout court. Le fédéral ne gère pas le système de santé et il n'y connaît rien.
En mars dernier, le chef du Bloc a donné une conférence de presse pour demander que le budget fédéral comporte une augmentation des transferts en santé, et ce, sans fixer de conditions. Il était accompagné de tout le milieu de la santé québécois: syndicats, fédérations de médecins, différents professionnels de la santé, tout le monde. Ces gens, qui tiennent le système de santé à bout de bras, demandent tous la même chose: plus de transferts, pas de condition.
Ces gens-là font fonctionner le système de santé, conjointement avec le gouvernement du Québec. La dernière chose dont ils ont besoin, c’est que le fédéral arrive pour leur dire quoi faire. Ce consensus va bien au-delà des partis politiques au Québec puisqu'il inclut le milieu de la santé au grand complet. De plus, je rappelle que tous les premiers ministres des provinces demandent la même chose, à l'unanimité. C’est ce consensus qu’on retrouve dans le projet de loi C‑237.
Il y a quelques semaines, le Président a rendu une décision sur mon projet de loi, estimant qu’il nécessitait une recommandation royale. En d’autres mots, la Chambre ne pourra le soumettre à un vote à l'étape de la troisième lecture que si le gouvernement y consent. Avec la deuxième lecture, l’étude en comité et l’étape du rapport, cela donne plusieurs mois pour convaincre ce gouvernement, dont je rappelle qu'il est minoritaire.
Le Bloc québécois veut bien sûr que le Québec soit un pays, mais, en attendant, il veut que nous soyons le plus possible maîtres chez nous.
Le Parti conservateur fait campagne sur le respect des compétences des provinces. Le NPD a la Déclaration de Sherbrooke, qui appuie le droit de retrait pour le Québec. À nous trois, nous pouvons faire avancer le projet de loi C‑237. C'est l'appel que je lance aujourd'hui à ces trois partis.
Mon peuple a bâti une société assez originale sur notre coin de continent. Notre différence, elle s'entend bien sûr dans notre langue et se voit dans notre culture, mais c'est bien plus que cela. Le Québec a le plus fort taux de participation des femmes au marché du travail, la politique familiale la plus avant-gardiste sur le continent, la meilleure répartition de la richesse, avec des taux de pauvreté plus faibles, et près de 80 % de la population appartient à la classe moyenne, contre moins de 75 % dans le reste du Canada. Comment avons-nous pu faire cela? Nous l'avons fait en étant libres de le faire, tout simplement.
Avec le pouvoir de dépenser, le fédéral veut remplacer notre liberté par la liberté conditionnelle. On ne peut pas reconnaître I'existence d'une nation tout en voulant la maintenir sous tutelle. Tous ici, nous rejetons un tel paternalisme quand il concerne les nations autochtones, dont nous reconnaissons le droit à l'autodétermination. Je m'attends au même respect pour ma nation, la nation québécoise.
C'est pourquoi j'invite tous les députés à appuyer mon projet de loi C‑237, pour que nous soyons un peu plus maîtres chez nous.