Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le Comité.
Je vais d'abord faire une observation préliminaire et je vous transmettrai ensuite quatre recommandations.
Tout d'abord, je suis renversé d'entendre des porte-parole de Meta et de Google dire que l'information n'a aucune valeur pour eux. J'aimerais rappeler qu'un chercheur français, M. Tristan Mattelart, a bien documenté les efforts de Facebook, à ses débuts, pour inviter les médias d'information à ouvrir leur page Facebook. Meta — Facebook, à l'époque — était à la recherche de contenu de qualité pour enrichir l'expérience de ses abonnés.
Le président-directeur général, ou PDG, de Meta, M. Mark Zuckerberg, a souvent déclaré que la mission de son entreprise consistait à construire des communautés. En 2017, il précisait qu'il y avait cinq critères pour y arriver et que l'un de ces critères était de construire des communautés informées.
De son côté, Google s'est rendu compte dès 2001 à quel point l'information pouvait avoir de la valeur. Au moment des attentats du 11 septembre, Google s'est rendu compte que les gens lançaient des recherches sur les mots « World Trade Center » et « attentat » et qu'ils ne trouvaient rien, parce que les robots d'indexation de Google ne balayaient les sites Web qu'une fois par mois. Les ingénieurs de l'entreprise se sont dit qu'ils allaient indexer les sites de nouvelles plus souvent afin de répondre aux besoins des utilisateurs. L'information a enrichi les résultats de recherche de Google et a enrichi l'entreprise pendant plus de 20 ans.
Je vais maintenant vous transmettre quatre recommandations à propos de la Loi sur les nouvelles en ligne, soit l'ancien projet de loi C‑18. On se rend compte maintenant que ce n'était peut-être pas la meilleure approche. Pour vous éviter d'être victimes de tactiques d'intimidation pratiquées par des plateformes en ligne, je vous invite, vous, les législateurs, à avoir confiance dans votre rôle de parlementaire.
Ma première recommandation s'appuie sur la Charte canadienne des droits et libertés. L'article 3 de la Charte garantit les droits démocratiques des Canadiens. Sur le site Web du ministère de la Justice, on peut lire: « Une mesure qui prive les électeurs des renseignements suffisants pour leur permettre de voter d'une manière éclairée peut porter atteinte au droit de vote garanti par l'article 3. »
Pour moi, le blocage des nouvelles par Meta, c'est une mesure comme celle-là. Le droit du public à l'information n'est pas expressément garanti par les chartes, mais je pense que tout le monde ici va s'entendre pour dire que c'est un droit fondamental. Étant donné que 45 % des Canadiens s'informent par le truchement des médias sociaux aujourd'hui, je pense que vous auriez un bon argument pour obliger les plateformes en ligne à fournir de l'information aux Canadiens ou, à tout le moins, leur interdire de retrancher de l'information d'intérêt public pour les Canadiens. Je pense que l'article 51 de la Loi sur les nouvelles en ligne va dans ce sens. Il faudrait simplement lui donner un caractère rétroactif.
Je passe à ma deuxième recommandation. Les géants du Web Google et Meta ont tous les deux dit qu'ils étaient prêts à verser de l'argent dans un fonds destiné à soutenir le journalisme au Canada. C'est une excellente nouvelle, sauf que c'est à vous, les législateurs, de définir ces montants. Cela pourrait équivaloir à un pourcentage du chiffre d'affaires canadien de ces plateformes en ligne, qui ont permis aux Canadiens d'accéder à de l'information pendant les 15 dernières années. Vous vous demandez peut-être comment on peut calculer ces sommes si on n'a pas d'information financière relativement aux activités de ces plateformes au Canada. Cela m'amène à la troisième recommandation.
Vous connaissez l'enquête que mène actuellement l'Australie sur les plateformes en ligne pour la période de 2020 à 2025. Hier, d'ailleurs, un septième rapport d'étape a été rendu public. À la lecture de ce rapport, on se rend compte que l'Australie oblige les multinationales qui sont cotées en bourse à lui fournir de l'information. Je ne parle pas juste de celles du Web, mais de toutes les multinationales qui ont une filiale en Australie. Elles sont obligées de fournir à l'Australie des états financiers détaillés sur leur filiale. Pourquoi ne pas faire la même chose au Canada? Donnons-nous — donnez-vous — les moyens d'avoir cette information.
Ma dernière recommandation vise à ce que nous nous donnions, collectivement, plus de moyens. Dans le but de protéger les citoyens, les gouvernements se sont donné le droit d'aller voir comment certaines entreprises manipulent les aliments, par exemple. On se donne le droit d'aller inspecter les aéronefs et de fouiller les bagages des voyageurs. Il y a plein de bonnes raisons pour faire ce genre d'activité.
Les plateformes en ligne, en dépit de tous les bienfaits qu'elles nous procurent, peuvent également avoir des effets néfastes. Puisqu'elles ont fait la démonstration, au cours des 12 dernières années, de leur incapacité à atténuer elles-mêmes ces effets néfastes, j'estime que le temps est venu pour le Canada de se donner le droit d'aller voir l'information que ces entreprises possèdent au sujet des citoyens canadiens. Je ne parle pas seulement de Meta et de Google, mais aussi d'Uber, de Netflix, de Spotify et d'OpenAI.
À mon avis, le Canada, devrait se donner le droit d'accéder aux bases de données de ces entreprises et d'en examiner les algorithmes, dans le respect de la vie privée des utilisateurs, évidemment. Je sais que, les algorithmes, c'est comme le secret de la Caramilk. À mon sens, le bien-être des Canadiens est supérieur aux intérêts commerciaux de ces entreprises.
Ce droit devrait également être assorti d'obligations pour ces plateformes de fournir, toujours dans le respect de la vie privée des utilisateurs, des interfaces de programmation d'applications, ou API, pour permettre aux chercheurs et aux chercheuses, comme moi, M. Geist et d'autres au Canada, d'étudier, de connaître, de savoir ce qui se passe sur ces plateformes, qui ont une place de plus en plus importante dans la vie des Canadiens.
Thank you for inviting me to appear before the committee.
I'm going to make a preliminary observation and then suggest four recommendations.
First of all, I'm stunned to hear Meta and Google spokespersons say that information has no value for them. I would note that a French researcher, Tristan Mattelart, clearly documented Facebook's efforts, when it was starting out, to encourage the media to create their own Facebook pages. At the time, Meta/Facebook was looking for high-quality content to enhance its subscribers' experience.
Meta's CEO, Mark Zuckerberg, has regularly stated that his company's mission is to build better communities. In 2017, he specified that the communities Facebook wanted to build had to meet five criteria, one of which was to build informed communities.
Meanwhile, Google realized as early as 2001 just how valuable information could be. At the time of the September 11 attacks, Google realized that users were searching for keywords such as “World Trade Center” and “attack”, and that they couldn't find anything about the events because Google's indexing robots only visited each website once a month. So the company's engineers thought they'd better start indexing news websites much more often to meet the needs of their users. Information enriched Google's search results and has also enriched the company for over 20 years.
Now I'm going to make four recommendations regarding the Online News Act, the former Bill C‑18. We now realize that it perhaps wasn't the best approach. I would encourage you legislators to trust in your role as parliamentarians to avoid falling victim to the intimidation tactics that the online platforms use.
My first recommendation is based on the Canadian Charter of Rights and Freedoms. Section 3 of the charter guarantees the democratic rights of Canadians. As stated on the justice department's website, “A measure that denies electors sufficient information to enable them to make an informed choice in voting may compromise the right to vote guaranteed by section 3.”
The blocking of news by Meta is, in my opinion, such a measure. The public's right to information is not expressly guaranteed by charters, but I think everyone here would agree that it's a fundamental right. Insofar as 45% of Canadians today get their information from social networks, I believe the legislator would have an argument for obliging online platforms to provide information to Canadians, or at the very least prohibiting them from blocking information of public interest to Canadians. I think that section 51 of the Online News Act is a step in this direction. It simply needs to be made retroactive.
Moving on to my second recommendation, web giants Google and Meta have both said they are ready to contribute to a fund to support journalism in Canada. That's great. Except that it will now be up to the legislator to define the amount. It could amount to a percentage of the Canadian sales of online platforms that have provided Canadians with access to information over the past 15 years. You may be wondering how we can calculate these sums if we have no financial information regarding activities on these platforms in Canada. That brings me to my third recommendation.
You're no doubt familiar with Australia's ongoing inquiry into online platforms, which is scheduled to run from 2020 to 2025. The seventh progress report from that survey was just released yesterday. When you read it, you realize that Australia requires listed multinationals to provide information to it. I'm not just talking about those on the web, but rather about all multinationals that have subsidiaries in Australia. They are required to provide Australia with detailed financial statements on their subsidiaries. Why doesn't Canada have the same tools? Give us the means to acquire that information.
My last recommendation is that we collectively give ourselves more resources. In order to protect citizens, governments have given themselves the right to see how certain companies handle food, for example. They have given themselves the right to inspect aircraft and search travellers' luggage. There are a lot of good reasons to conduct this kind of activity.
Online platforms, for all their benefits, can also have harmful effects. Insofar as they have demonstrated, over the past 12 years, their inability to mitigate these harmful effects themselves, I believe the time has come for Canada to give itself the right to inspect what information these companies possess about Canadian citizens. I'm not just talking about Meta and Google, but also about Uber, Netflix, Spotify and OpenAI.
In my opinion, while of course respecting users' privacy, Canada should give itself the right to access these companies' databases and examine their algorithms. I know that the algorithms are like the Caramilk secret, but the well-being of Canadians supersedes the commercial interests of these companies.
This right should also be accompanied by obligations for these platforms to provide, again while respecting user privacy, programming interfaces, APIs, to enable researchers like me, Mr. Geist and others in Canada, to study what's happening on these platforms, which are playing an increasing role in the lives of Canadians.