Bonjour à tous.
J'ai l'honneur de me joindre à vous depuis le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabe.
Je m'appelle Marie‑Josée Houle.
En tant que première titulaire du poste de défenseure fédérale du logement, je suis ici pour mener des actions à l'échelle nationale afin que les lois, les politiques et les programmes respectent le droit des personnes à un logement adéquat.
Depuis que le Canada a intégré le droit au logement dans la Loi sur la stratégie nationale sur le logement promulguée en 2019, il a l'obligation de faire respecter ce droit pour tous. Je représente donc aujourd'hui mon bureau, un mécanisme de reddition de comptes en matière de droits de la personne.
Aujourd'hui, j'aimerais aborder trois éléments. Premièrement, je vais parler des effets néfastes de la financiarisation du logement, une situation à laquelle le gouvernement doit remédier. Deuxièmement, je vais parler de la protection des locataires, qui doit être une priorité. Troisièmement, je vais parler du fait que le gouvernement doit investir dans l'offre de logements hors marché.
Tout d'abord, la financiarisation du logement entraîne des effets néfastes pour la population canadienne. La financiarisation est une pratique consistant à traiter le logement comme un actif, et non plus comme un droit fondamental. Ainsi, la financiarisation met en péril l'offre de logements abordables partout au pays. Selon nos recherches, entre 20 % et 30 % du marché locatif au Canada est financiarisé, les groupes les plus marginalisés étant les plus touchés.
Le phénomène de la financiarisation du logement a commencé dans les années 1990, lorsque le gouvernement fédéral a autorisé la création d'instruments financiers comme les fiducies de placement immobilier et les fonds de pension. Le fait que ce genre d'immeubles appartiennent à des intérêts privés n'est pas nouveau; ce qui change la donne, c'est qu'un grand nombre d'immeubles se sont retrouvés entre les mains de grands investisseurs institutionnels qui cherchent avant tout à obtenir les meilleurs rendements possible pour leurs actionnaires. Ces grands propriétaires se réservent le droit d'expulser des locataires, de leur refuser certains services, et d'augmenter les loyers de manière considérable.
La financiarisation contribue à l'inabordabilité du logement et au non-respect des droits de la personne. Le gouvernement fédéral doit freiner ce phénomène néfaste par la mise en place de plusieurs mesures; des réformes fiscales ayant pour objectif de diminuer la rentabilité du logement privé, notamment les FPT; la réglementation des fonds de pension pour défendre les droits dela personne; et l'interdiction pour les institutions financières d'acquérir un immeuble dont le modèle d'affaires est basé sur l'augmentation excessive des loyers ou sur les évictions.
Voilà qui m'amène à mon deuxième point, à savoir la protection des locataires et la stabilisation du coût des loyers. La financiarisation, la spéculation et l'inflation sont les trois phénomènes qui font grimper les coûts du logement. Les locataires, les personnes issues des groupes les plus marginalisés et les travailleurs qui sont à un chèque de paie de l'itinérance sont les premières victimes de ces trois phénomènes.
Le gouvernement fédéral doit collaborer avec ses homologues provinciaux pour mettre en place des mesures visant à stabiliser le prix des loyers, et à assurer l'application de normes nationales en matière d'accès à la justice pour les locataires menacés d'expulsion ou d'une augmentation déraisonnable de leur loyer.
Enfin, les gouvernements fédéral et provinciaux doivent prioriser l'investissement dans le logement social. Selon nos recherches, le Canada accuse un déficit de 4,4 millions de logements abordables pour ceux qui en ont le plus besoin. Accroître le parc de logements privés n'est pas une solution à ce problème. Le Canada perd des logements abordables plus rapidement et en plus grande quantité qu'il en construit, et la financiarisation contribue beaucoup à cette situation.
Le marché ne permet pas à lui seul de remplir la demande en logements sociaux. Dans le même ordre d'idée, les fonds publics ne devraient pas servir à encourager le secteur privé sans mesures de protection en matière d'abordabilité.
Comme je l'ai dit, la voie à suivre pour le gouvernement fédéral est d'investir dans le logement social. C'est la meilleure façon d'utiliser les fonds publics, et cela permet de construire des logements abordables à long terme pour tout un éventail de personnes. Au bout du compte, les personnes appartenant à des groupes défavorisés pourront consacrer davantage d'argent à des choses essentielles, comme les services de garde d'enfant, l'épicerie et les médicaments.
Investir dans le logement social, c'est également créer de la richesse pour toute la population, car il ne s'agit pas d'une mesure inflationniste. Lorsque les gens ne sont pas forcés à payer un loyer excessif, il leur reste de l'argent pour des dépenses discrétionnaires, ce qui contribue à soutenir la stabilité économique.
Le Canada est en mesure de consolider et d'accroître l'offre de logements sociaux. Pour ce faire, il est temps pour la Stratégie nationale sur le logement, qui totalise des investissements de 82 milliards de dollars, de prendre un virage vers le logement social. Par ailleurs, le gouvernement fédéral doit créer un fonds d'acquisition spécial pour aider les fournisseurs de logements autochtones à assurer l'achat, la rénovation et l'exploitation de bâtiments existants. Le gouvernement doit assujettir le financement des infrastructures à des cibles de logements sociaux pour des populations précises.
Parmi les autres mesures, citons le renforcement des critères liés à l'abordabilité pour les programmes de la Stratégie nationale sur le logement, l'assurance de la SCHL et d'autres programmes fédéraux.
Nous savons que tous les ordres de gouvernement ont un rôle à jouer, mais c'est le gouvernement fédéral qui doit prendre les devants.
Je vous remercie.
Cela me fera plaisir de répondre à vos questions.