Je vous remercie de votre invitation.
Je vais faire mes remarques initiales en anglais, mais c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions dans les deux langues officielles.
J'ai écrit en long et en large, et bon nombre d'entre vous le savent, relativement à l'Agence des services frontaliers du Canada et à la GRC, sur la reddition de comptes et la gouvernance dans les services du renseignement. Je siège à des commissions de services de police et je donne des conférences sur la gouvernance de la police. C'est dire que le sujet est cher à mon cœur.
Je crois qu'on en est à une troisième tentative d'adoption de ce projet de loi. Il est important de l'adopter, non seulement pour la reddition de comptes, mais, également, en raison d'une sensibilisation croissante au parti pris des institutions et de l'importance de se doter d'organismes indépendants d'examen et de procédures transparentes de suivi. Le projet de loi offre également l'occasion de corriger des défauts connus de conception de la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC.
La Commission d'examen et de traitement des plaintes du public reflète des modifications comparables dans certaines provinces. En Ontario, le rapport du juge Tulloch sur l'examen indépendant de la police était le premier de ce genre au Canada à porter sur le système de surveillance de la police et à aborder les modalités de traitement des plaintes et des mesures de discipline visant des agents de police. Son rapport est assorti de 129 recommandations visant à améliorer la confiance du public dans le système. De plus, le juge Murray Sinclair déposait un rapport exhaustif sur la police de Thunder Bay. Je recommande la lecture de ces deux rapports à votre comité, puisqu'ils concernent directement son travail sur ce projet de loi. Le juge Tulloch et le sénateur Sinclair ont dévoilé et exposé le parti pris inhérent des systèmes et des organisations.
Récemment, l'Ontario créait un inspectorat général de la police ainsi que l'Agence des plaintes contre les forces de l'ordre. Cette agence visait à atténuer le parti pris et, ce faisant, à augmenter la confiance du public dans les enquêtes.
La démocratie repose sur la primauté du droit. En accord avec la croissance et l'évolution des attentes et de l'examen de l'application de la loi par le public, la Commission d'examen et de traitement des plaintes du public deviendra un mécanisme important de soutien de la légitimité publique en assurant le respect de la loi et le bon comportement des deux corps de police les plus importants du Canada, qui regroupent ensemble 26 000 membres en uniforme chargés d'enquêter sur beaucoup de menaces les plus importantes contre la sécurité publique et la sécurité nationale du Canada. Le respect de la loi et une bonne conduite sont des conditions sine qua non, mais un examen indépendant devrait également porter sur la proportionnalité, la nécessité, le caractère raisonnable et l'efficacité.
Plus précisément, je recommande ce qui suit en ce qui concerne le paragraphe 28(8):
D'abord, que le projet de loi fixe à six mois le délai accordé à la GRC ou à l'Agence des services frontaliers du Canada pour communiquer des observations écrites sur les conclusions d'une enquête ayant porté sur une plainte ou une question d'intérêt public, sauf si on risque ainsi de faire échouer un procès réel ou d'autres actions en justice. Passé ce délai, la Commission devrait avoir le pouvoir explicite, de par la loi, de publier ses conclusions. Il s'agit d'éviter qu'un organisme ne reporte sans nécessité cette publication, comme la GRC en a actuellement l'habitude. Des rapports publics ont en effet révélé que la publication de certains rapports de la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC avait traîné en longueur pendant jusqu'à quatre ans.
Ensuite, comme je l'expliquais dans mon livre, les concepts qui guident l'examen doivent être explicités dans la loi, notamment, mais sans s'y limiter, le respect de la loi, la bonne conduite, la proportionnalité, la nécessité, le caractère raisonnable et l'efficacité. L'objet de l'examen indépendant ne se limite pas à assurer le respect de la loi. Considérons‑le plutôt comme un examen par les pairs dont la finalité est d'améliorer les façons de faire de l'organisme plutôt que de se réduire à un pur instrument de discipline. Les plaintes et l'examen visent ainsi à devenir un processus d'amélioration continue et de transparence de ces efforts comme élément fondamental de la démocratie.
Ensuite encore, le public doit être convaincu que les conclusions et les recommandations trouvent vraiment une application ou sont mises en œuvre. Les organismes devraient donc être tenus de faire rapport chaque année sur les plans et l'avancement de la mise en œuvre des conclusions et recommandations de la Commission.
De plus, le projet de loi ne prévoit aucune mesure explicite pour neutraliser le risque de conflit entre le mandat de cette commission et ceux du Comité externe d'examen de la GRC, de l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement et du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Pour les enquêtes d'intérêt public seulement, la Commission devrait être tenue au même exercice de neutralisation par rapport à ces autres mécanismes. Les examens sont chronophages et consument beaucoup de ressources des organismes. En conséquence, la GRC et l'Agence des services frontaliers du Canada ne devraient pas engager de ressources pour répondre aux mêmes demandes formulées par différents organismes.
Enfin, la GRC et l'Agence devraient être indemnisées pour les ressources qu'elles doivent consacrer aux examens et à la résolution des plaintes adressées à la Commission. Sinon, l'examen impose une charge supplémentaire qui représente pour elles un coût net de fonctionnement.
Je vous remercie.
J'aurais d'autres propositions à faire, mais je ne disposais que de cinq minutes.