Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole avec le député de Drummond.
Le gouvernement s’engage à instaurer un programme de politiques numériques et culturelles pour servir les intérêts des Canadiens, que ce soit pour aujourd'hui ou pour demain. Ce programme visera à soutenir nos milieux culturels et artistiques, y compris nos nombreux travailleurs talentueux du secteur de la création. Il est urgent de mettre en place un tel programme.
Aujourd’hui, j’ai l’honneur de m’exprimer sur les principaux éléments de la Loi sur la diffusion continue en ligne. J’aimerais d’abord aborder le rôle important des producteurs indépendants canadiens. Ensuite, j’aimerais parler de l’importance de veiller à ce que les Canadiens puissent trouver des histoires et de la musique d’ici et y avoir accès.
Reporter le projet de loi C‑11 serait néfaste pour notre industrie de la production. En effet, les milieux de la création se retrouveraient dans une situation incertaine et difficile, sans soutien ou financement prévisible pour le contenu canadien. Au bout du compte, la Loi sur la diffusion continue en ligne vise à promouvoir un environnement où la musique et les histoires canadiennes peuvent se multiplier et être découvertes. Il faut agir maintenant, car beaucoup de choses sont en jeu.
Malheureusement, comme la dernière fois, les conservateurs prouvent qu’ils ne cherchent pas à rendre notre système de radiodiffusion plus équitable en égalisant les chances entre les géants du Web et les radiodiffuseurs canadiens. Ils ont décidé d’utiliser tous les outils à leur disposition pour retarder et bloquer l’étude du projet de loi C‑11. C’est décevant, mais pas surprenant. Ce ce côté-ci de la Chambre, nous sommes déterminés à aider les merveilleux créateurs de notre pays pour qu’ils puissent raconter des histoires qui mettent à l’avant-scène la diversité de notre vécu et qui bâtissent des ponts entre toutes les couches de notre société.
Transformer une idée en un produit culturel n'est pas une tâche simple. D'un bout à l'autre du pays, nos créateurs ont un talent indéniable et une éthique de travail inégalée. Les producteurs indépendants du Canada en sont un exemple.
Un producteur indépendant canadien est une personne ou une entité canadienne, généralement une société, qui crée un projet média audiovisuel qui n'est pas détenu ou contrôlé par le diffuseur ou le distributeur. En d'autres termes, les producteurs indépendants réalisent des films, des émissions de télévision et des documentaires qui ne sont pas soumis au contrôle créatif d'une chaîne de télévision, d'un réseau, d'un service de diffusion en continu ou d'un câblodistributeur. Ils sont essentiels à la prise de risque créative, aux récits authentiques et à la représentation diversifiée dans notre secteur audiovisuel.
Au cinéma et à la télévision, les productions indépendantes couvrent un large éventail de formats et de genres, des films d'art et d'essai aux émissions d'animation pour enfants populaires et tout ce qui se trouve entre les deux. Les programmes indépendants populaires comprennent des comédies comme Letterkenny, des créations originales telles M'entends-tu? et des émissions de science-fiction comme Orphan Black. Il y a aussi de nombreux films indépendants acclamés par la critique, tels que Cairo Time, de Ruba Nadda, et Rebelle, de Kim Nguyen. Ce ne sont là que quelques exemples de l'éventail de créations de qualité de nos producteurs indépendants.
Pour mener à bien un projet, les producteurs indépendants font beaucoup de choses. Ils investissent dans le développement, font des présentations, obtiennent du financement, embauchent des équipes techniques et de création, repèrent les lieux de tournage et négocient des ententes complexes sur le plan commercial, fiscal et syndical afin de réaliser leurs projets. Il n'est pas étonnant que les producteurs indépendants canadiens travaillent souvent en étroite collaboration avec des musiciens canadiens pour la musique et les bandes sonores.
Il existe plus de 600 sociétés de production indépendantes au Canada. La plupart sont de petite taille et survivent d'un projet à un autre. En 2019‑2020, le cinéma et la télévision indépendants canadiens représentaient 2,9 milliards de dollars en volume de production et plus de 81 000 emplois. Beaucoup de ces sociétés de production indépendantes sont sous-capitalisées et ont souvent du mal à obtenir du financement pour leurs projets. Au Canada, une fois qu'un projet fini est en main et que tous les droits de ses éléments créatifs ont été acquittés, les producteurs gagnent alors de l'argent. Cependant, il s'agit d'une activité risquée qui comporte beaucoup de coûts initiaux.
Bien que l'on puisse parfois reconnaître des lieux de Toronto en arrière-plan dans des épisodes de Suits, ou même au premier plan dans le film de Pixar Alerte rouge, il s'agit de productions américaines. Celles-ci ont recours à des talents canadiens pour les emplois salariés engagés dans la production, comme les assistants électriciens, les machinistes et les chefs électriciens dont les noms paraissent au générique. Elles font appel à des studios spécialisés dans les effets visuels, la postproduction et la production virtuelle, comme les studios Stoic à Vancouver, Deluxe à Toronto et MELS à Montréal. Leur contribution est sans contredit précieuse.
Il est important de soutenir les producteurs canadiens, et plus particulièrement les producteurs canadiens indépendants, pour que les investissements dans l'industrie culturelle contribuent à produire du contenu local. Par exemple, l'intrigue de Heartland une série canadienne qui est en ondes depuis longtemps, se déroule en Alberta. La réalisation de cette série, qui est produite par Seven24 Films et Dynamo Films, des entreprises basées à Calgary, génère d'importantes retombées économiques dans la région. Pour une seule saison, les producteurs dépensent plus de 28 millions de dollars, chaque dollar d'incitatif fiscal fédéral contribue au PIB à hauteur de plus de 11 $, et plus de 1 400 fournisseurs sont embauchés partout en Alberta.
Par ailleurs, les producteurs canadiens indépendants racontent des histoires inédites et offrent du contenu diversifié. Par exemple, Indian Horse, adaptation cinématographique d'un roman de Richard Wagamese, raconte l'histoire d'un hockeyeur ojibwé talentueux qui réussit à survivre au racisme et aux pensionnats autochtones de son époque. Les producteurs indépendants de ce film se sont engagés à collaborer avec les communautés autochtones locales, à leur offrir des emplois et à travailler avec les aînés pour assurer le respect des protocoles culturels.
La diversité est l'une des plus grandes forces du Canada. Sans producteurs indépendants qui prennent des risques, nous n'aurions jamais vu de films comme Water, tourné en langue hindie, et Edge of the Knife, tourné en haïda, une langue en voie de disparition. Au chapitre des émissions familiales et pour enfants, les producteurs canadiens indépendants sont des innovateurs. Les frères Kratt repoussent les limites de la production multiplateforme, tandis que WildBrain est devenu un grand producteur mondial.
Nos histoires et le talent de nos créateurs sont au cœur de la Loi sur la diffusion continue en ligne. Le projet de loi énumère plusieurs facteurs importants que le CRTC devrait prendre en considération lorsqu'il définira les programmes canadiens, y compris la collaboration avec les producteurs canadiens, la propriété canadienne et l'exploitation d'éléments de propriété intellectuelle détenus par des Canadiens. Cela donnerait au Conseil la latitude nécessaire pour exiger que tous les types d'entreprises de radiodiffusion, y compris les services de diffusion continue en ligne, contribuent financièrement à l'élaboration de programmes canadiens et à la mise en valeur des talents nationaux. C'est ce dont a besoin notre secteur névralgique des productions indépendantes pour continuer de prospérer.
La solidité de ce secteur garantit que les histoires de notre pays sont racontées à des Canadiens par des Canadiens. Toutefois, il n'est pas suffisant d'encourager seulement nos productions nationales. Il importe que les Canadiens puissent trouver des histoires et de la musique canadiennes, et y avoir accès. Lorsque nous nous voyons davantage reflétés dans les médias populaires, cela crée un sentiment de fierté et d'unité. C'est exactement ce dont nous avons besoin en cette période difficile.
Le flot de programmes de diffusion en continu permet un accès à un contenu illimité, mais il peut être difficile de trouver ou même de reconnaître les programmes canadiens. C'est en partie à cause du fait que les plateformes en ligne ne sont pas obligées de mettre en valeur les programmes canadiens comme le sont les radiodiffuseurs traditionnels.
Nos productions indépendantes, et surtout la musique canadienne, méritent d'être découvertes et appuyées. Toutefois, dans le contexte actuel, il est difficile pour les producteurs indépendants de demeurer visibles sur le marché.
Vu que les grands artistes comme Kanye, Adele et Ed Sheeran sortent de nouvelles œuvres musicales presque toutes les semaines, le nouveau contenu dépasse tout simplement notre capacité a le consommer. Nous nous enorgueillissons que les artistes canadiens comme Drake, The Weeknd et Shawn Mendes dominent les listes de diffusion en continu, mais nous savons qu'une production et une musique de qualité à elles seules ne suffisent pas pour se faire remarquer. Si c'était le cas, des artistes comme K‑os, Hawksley Workman, Ada Lea et le quartet Corridor connaîtraient le succès mondial qu'ils méritent.
La publicité de bouche-à-oreille ne suffit plus. Nos goûts musicaux sont de plus en plus dictés par des algorithmes. Ce que nous demandons a déjà fait ses preuves par le passé. Il y a 41 ans, le gouvernement fédéral est intervenu en imposant des exigences relatives au contenu canadien pour empêcher les chanteurs et les musiciens d'ici de se perdre dans une mer de succès radiophoniques provenant des États‑Unis. Nous adaptons cette politique afin de protéger la musique canadienne pour l'avenir.
Si elles n'occupent pas une place de premier plan, les histoires et les chansons canadiennes ne seront pas découvertes ni entendues, et les artistes, pas rémunérés. La découvrabilité, c'est important. C'est ce qui nous donne l'occasion de découvrir des artistes canadiens de la relève comme Morgan Toney, un jeune violoniste micmac de la Nouvelle‑Écosse.
Je termine là-dessus parce que je sais que mon temps de parole est limité. J'espère pouvoir parler de ce que je n'ai pas pu aborder en répondant à une ou deux questions.