Uqaqtittiji, je reconnais que nous sommes sur un territoire algonquin anishinabe non cédé, alors que je représente la circonscription de Nunavut. J'interviens au sujet du projet de loi C‑321, qui modifie le Code criminel concernant les voies de fait contre une personne qui fournit des services de santé ou un premier répondant.
Je remercie le député de Cariboo-Prince George d'avoir déposé ce projet de loi d'initiative parlementaire. Depuis mon élection à la Chambre, en 2021, j'ai constaté que la santé mentale est un sujet qui lui tient énormément à cœur.
Le contenu du projet de loi C‑321 suscite un débat sur la situation des travailleurs de la santé et des premiers intervenants. La modification, si elle est adoptée, obligerait les tribunaux à considérer leur occupation comme une circonstance aggravante, ce qui pourrait avoir une incidence sur la détermination de la peine du délinquant.
Qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie plusieurs choses. Tout d'abord, cela signifie qu'il y a déjà eu un procès et que le juge examine maintenant la durée d'une peine en fonction d'une infraction. Dans ses considérations, le juge doit prendre en compte à la fois les facteurs aggravants et les facteurs atténuants. Il existe des principes de détermination de la peine, notamment les circonstances propres à l'individu, divers éléments de preuves et la similitude avec d'autres causes qui ont été entendues. La plupart de ces éléments sont pris en compte pour déterminer la durée de la peine imposée à un délinquant.
Les autres éléments qu'il faut prendre en compte sont les facteurs atténuants, qui sont des considérations qui permettent de réduire les peines. Il peut s'agir, par exemple, d'une première infraction, d'une dépendance ou d'une maladie mentale. S'il doit y avoir des modifications concernant les facteurs aggravants dans la détermination de la peine, les facteurs atténuants doivent être pris en compte au même titre.
Il faut mieux lutter contre la violence. Le recours aux tribunaux n'est pas la bonne approche. Je doute que le projet de loi protège efficacement les professionnels de la santé et les premiers intervenants. Je doute du projet de loi et je me demande s'il peut contrer l'augmentation des cas de violence qui, nous dit-on, ont lieu partout au Canada.
Le système de justice pénale au Canada comporte déjà des lacunes. Il s'agit d'un système pénal qui ne rend pas justice à bien des gens. À l'heure actuelle, l'article 269 du Code criminel définit les peines encourues pour avoir causé des lésions corporelles à une autre personne. Ces peines peuvent inclure, par exemple, une peine d'emprisonnement maximale de 10 ans, selon la gravité de l'infraction.
Avant d'entamer la suite de mon discours, je dois d'abord saluer la mémoire de Joyce Echaquan et rendre hommage à sa famille et à ses amis.
La modification proposée me pose problème parce qu'il y a trop d'histoires comme celle de Joyce Echaquan, une femme atikamekw qui a diffusé en direct les mauvais traitements que lui ont infligés des membres du personnel hospitalier, qui auraient dû être là pour lui sauver la vie, et non pour la maltraiter. Plus tard, on a appris que Joyce Echaquan est morte d'un œdème pulmonaire, soit un excès de liquide dans les poumons. Au bout du compte, l’enquête de la coroner du Québec a conclu que le racisme avait contribué à sa mort.
L'histoire de Joyce Echaquan fait partie des trop nombreuses histoires du genre. Selon le site Web du gouvernement du Canada, il existe des inégalités en matière de santé parmi les adultes racisés au Canada. Le site Web indique ceci: « Le racisme influence l'accès aux ressources de promotion de la santé. Les populations considérées comme racisées par rapport à un groupe social "blanc" ou non racisé subissent divers facteurs de stress, comme une discrimination interpersonnelle et systémique, tout au long du parcours de vie. »
Au Canada, les personnes racisées sont plus susceptibles d'être dénoncées comme des agresseurs dans le système. Selon le Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités, parmi ceux qui avaient été victimes de discrimination, 21 % des Autochtones et 16 % des Noirs ont dit que le comportement discriminatoire s'était produit lors de leur interaction avec la police, comparativement à 4 % des non-Autochtones n’appartenant pas à une minorité visible, mais ayant été victimes de discrimination.
Dans son intervention, le député de Cariboo—Prince George a dit qu’environ 92 % des infirmières ont déjà été victimes de violence physique dans l’exercice de leurs fonctions. Quand je vois de telles statistiques, cela me confirme que nous devons tous unir nos forces pour que la situation s'améliore globalement. Par contre, nous devons nous attaquer à la violence au moyen de mesures préventives et non avec des mesures punitives.
Même si je suis absolument convaincue que les travailleurs de la santé et les premiers intervenants doivent avoir un environnement de travail plus sûr, ils doivent, eux aussi, jouer un rôle actif dans la création de cet espace sûr. Le système de justice pénale ne doit pas être une sorte de solution miracle qui règle tout.
Je sais que des solutions ont été proposées par le passé, y compris grâce au travail du NPD. Malheureusement, ces solutions n’étaient peut-être pas pensées selon une approche qui tient compte des traumatismes. Toute tentative précédente de régler cette crise ne tenait peut-être pas compte du fait que la plupart des patients issus de ces groupes qui entrent dans les systèmes de soins de santé ou de justice pénale le font en raison des répercussions persistantes des politiques génocidaires du Canada. Je conviens que les professionnels de la santé jouent un rôle important, mais ils sont protégés par le système de justice pénale comme n'importe qui. Ils ne sont pas exclus de la protection offerte par le système de justice pénale.
Les professionnels de la santé et les premiers intervenants peuvent avoir toutes sortes de raisons de choisir leur métier. Ils veulent aider les gens qui souffrent et ceux qui ont besoin de traitements. Leur domaine en est un où l'on prend soin des gens. Nous espérons donc tous que chaque personne pourra recevoir les soins dont elle a besoin, mais cela ne va pas de soi pour les Canadiens racisés.
Parmi les facteurs qu'a explorés le comité de la Chambre des communes dans le cadre de l'étude qui a mené à la publication du rapport intitulé « Violence subie par les travailleurs de la santé au Canada », je ne sais pas lesquels pourraient expliquer les augmentations qu'on observe. Je ne cherche pas à discréditer le travail du comité. Je demande simplement qu'on prête davantage attention à la façon dont le manque d'investissements au Canada a mené à une multiplication des situations de ce genre.
Je demande seulement qu'on reconnaisse que l'adoption du projet de loi à l'étude pourrait perpétuer le racisme systémique. Il ne s'attaquerait pas à la violence en milieu de travail, ce qui était l'objectif de l'étude. J'aimerais savoir ce que le Parlement et le gouvernement ont fait pour mettre en oeuvre les autres recommandations formulées dans le rapport du comité permanent.
Je souligne également les appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation, qui a proposé des solutions, notamment dans les appels à l'action nos 18 à 23. Je voudrais aussi rappeler aux parlementaires les appels à la justice de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Je souligne l'appel no 10.1, qui demande une formation obligatoire pour les procureurs de la Couronne, les avocats de la défense, le personnel des tribunaux et tous ceux qui participent au système de justice criminelle.
Je conclurai avec quelques citations.
Le Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités a indiqué: « La discrimination ou la victimisation fondées sur des caractéristiques individuelles qui sont des éléments visibles de l’identité peuvent également avoir des répercussions allant au-delà de la personne visée. »
Dans un article sur le site de CBC, la ministre des Services aux Autochtones a déclaré: « Le racisme systémique dont sont victimes les peuples autochtones dans le système de santé canadien existe parce que le système a été conçu de cette façon [...] Malheureusement, cela ne me surprend pas [...] Le racisme n'est pas un accident. Le système n'est pas défectueux. Il a été créé ainsi. Les intervenants du système sont incités à ne pas changer. »