Madame la Présidente, le 20 octobre 2023, j'avais entamé mon discours sur le projet de loi C‑38 depuis à peine deux minutes lorsque mon temps de parole a pris fin. Je suis enchantée de le poursuivre aujourd'hui, mais j'aimerais d'abord revenir sur ce que j'avais dit il y a cinq mois.
J'avais beaucoup aimé le débat à la Chambre ce jour-là. Il était une fois de plus évident qu'il est beaucoup plus profitable d'écouter les personnes concernées afin de trouver un terrain d'entente permettant de parvenir à un changement positif lorsque c'est nécessaire. Il y avait une préoccupation réelle au sujet des circonstances dans lesquelles les peuples autochtones se retrouvent en raison des difficultés qu'ils ont connues à la suite d'abus et des impacts intergénérationnels de ces abus. À mon avis, une partie du défi réside dans le fait que, même s'il existe de nombreuses communautés autochtones et qu'elles ont beaucoup en commun, elles ont vécu des expériences différentes. On peut en dire autant de tous les peuples dans le monde et de ceux qui considèrent le Canada comme leur pays.
Même si la mesure longtemps attendue dont nous sommes saisis vise la réconciliation et l'élimination de la discrimination et des inégalités dans la Loi sur les Indiens, elle n'est qu'un jalon sur le long chemin vers l'autodétermination des Premières Nations du Canada.
D'abord, je voudrais revenir sur les reproches que certains députés m'ont faits parce que je parlais de « nos » Premières Nations et de « nos » Autochtones et que, d'après eux, c'était comme si je manifestais ainsi un instinct de propriété aux relents colonialistes. Peut-être que certains peuvent voir l'emploi du mot « nos » comme une arme qui serait brandie pour essayer de blesser et semer la division, mais dans mon cas, rien n'est plus faux. Semer la division cause des blessures. Si j'emploie le mot « nos », c'est pour exprimer la volonté de voir nos Autochtones être des partenaires, pas des intervenants.
Dans la circonscription de Yorkton—Melville, ce n'est pas la diversité qui fait notre force, c'est l'unité au sein de cette diversité. Au cours des dernières semaines, j'ai participé avec grand plaisir à deux événements Unity in the Community organisés par la Nation métisse de la Saskatchewan et les communautés locales de Porcupine Plain et d'Hudson Bay, où des Métis, des membres des Premières Nations, des Philippins, des Ukrainiens, des Norvégiens, des Portugais, des Africains et des gens de nombreuses autres cultures que j'oublie se sont réunis toute la journée dans une salle bondée. Il y avait d'excellents plats, des kiosques, des présentations historiques, des costumes traditionnels, de la danse et des chants et l'objectif était de célébrer tous ceux qui vivent dans ces communautés et dans la région. C'est de façon délibérée qu'on cherche l'établissement de relations et la réconciliation.
Je pense également aux efforts déployés par le Conseil tribal de Yorkton, qui regroupe six Premières Nations et la ville de Yorkton, en vue d'atteindre des objectifs communs. Il y a aussi la Première Nation de Cote, la division scolaire Good Spirit, l'école Kamsack et Isabella et sa famille qui, ensemble, ont donné un bel exemple de réconciliation en instituant la Journée nationale de la jupe à rubans. Voilà les changements fructueux que nous apportons.
Alors que nous gardons ces moments à l'esprit, voici une leçon d'histoire succincte sur les 45 années de changements progressifs qui se sont écoulées depuis la création et la mise en œuvre de la Loi sur les Indiens en 1876. En 1982, on a rapatrié la Constitution canadienne et l'article 35 de celle-ci a reconnu et confirmé les titres ancestraux et les droits issus de traités. L'article 37 de la Constitution a été modifié, obligeant les gouvernements provinciaux et fédéral à consulter les peuples autochtones sur les questions en litige, ce qui a donné naissance à l'obligation de consulter les peuples autochtones.
En 1985, la Loi sur les Indiens a été modifiée par le projet de loi C‑31. Celui-ci visait à éliminer la discrimination contre les femmes inscrites qui épousaient un homme non inscrit et qui perdaient involontairement leur statut, et de nouvelles catégories d'Indiens inscrits ont été établies dans les paragraphes 6(1) et 6(2). En 2010, le projet de loi C‑3 modifiant la Loi sur les Indiens visait à remédier à la discrimination fondée sur le sexe de l’article 6 de la loi, en réponse à l'affaire McIvor c. Canada. Le paragraphe 6(2) a été modifié pour permettre aux femmes qui ont retrouvé leur statut de transmettre celui-ci à leurs petits-enfants.
En 2017, le projet de loi S‑3, qui modifiait la Loi sur les Indiens, remédiait aussi aux iniquités fondées sur le sexe présentes dans la loi. L'admissibilité à l'inscription de la descendance d'une femme inscrite qui a été émancipée en épousant un non-Indien a été rétablie en 1985, mais elle demeure plus restreinte que celle d'un homme qui a épousé une non-Indienne. En 2019, l'entrée en vigueur graduelle du projet de loi S‑3 a éliminé la date limite de 1951, une disposition voulant que, pour qu'une personne soit inscrite au registre, elle doit avoir eu un enfant ou adopté un enfant le 4 septembre 1951 ou après cette date et avoir une mère qui a perdu son droit d'être inscrite en raison d'un mariage avec un non-Indien.
J'espère que tout le monde arrive à suivre.
En 2020, le rapport final du Parlement sur l'examen du projet de loi S‑3 a reconnu les iniquités résiduelles, y compris l'incidence d'antécédents familiaux d'émancipation ou de droit à l'inscription. Le projet de loi C‑38 a ensuite été déposé en 2023 en réponse à une affaire de 2021 où 16 plaignants ont contesté la constitutionnalité de la loi afin de mettre un terme aux iniquités et à l'exclusion que vivaient certaines familles émancipées sous des versions antérieures de la Loi sur les Indiens. On s'est entendu avec les plaignants pour suspendre les procédures le temps de trouver une solution législative.
Le projet de loi C‑38 modifierait quatre points essentiels de la Loi. Premièrement, les personnes ayant des antécédents d'émancipation dans leur famille auraient le droit de s'inscrire au titre de la Loi sur les Indiens et de transmettre leur statut à leurs descendants comme peuvent le faire les personnes n'ayant pas d'antécédents d'émancipation. Deuxièmement, les personnes seraient autorisées à demander la révocation de leur inscription au Registre des Indiens, si elles le souhaitent, sans subir les conséquences de l'émancipation. Troisièmement, on ajouterait à l'article 11 de la Loi sur les Indiens une disposition donnant aux femmes mariées le droit de retourner dans leur bande natale si elles ont obtenu le statut et qu'elles ont été inscrites dans la bande de leur conjoint avant le 17 avril 1985, ce qui règle la question de la réaffiliation à la bande natale. Enfin, les termes désuets et offensants employés pour désigner les « personnes dépendantes » seraient modifiés.
Cette modification en quatre points devrait permettre à environ 3 500 personnes de devenir admissibles à l'inscription. Les personnes admissibles qui choisissent de demander l'inscription auraient accès aux mêmes droits et avantages que les personnes inscrites au titre de la Loi sur les Indiens. Ainsi, les membres des Premières Nations auraient plus de contrôle sur leur propre identité et détermineraient eux-mêmes les services et les avantages qu'ils voudraient recevoir en fonction du groupe auquel ils souhaitent être identifiés, ce que l'émancipation ne leur permet pas. Une fois qu'une personne a choisi de se désinscrire, elle n'a plus accès aux programmes, aux services, aux règlements ou aux avantages associés à la Loi sur les Indiens. C'est son choix.
Bien que cette modification représente un pas positif vers la réconciliation et l'élimination de la discrimination et des inégalités dans la Loi sur les Indiens, elle ne serait, comme je l'ai dit, qu'un jalon dans le chemin vers l'autodétermination des Premières Nations au Canada. Le 20 octobre 2023, j'ai dit que les Autochtones qui veulent un bel avenir pour leur famille et pour eux-mêmes ne souhaitent pas être des intervenants au Canada, mais des associés. J'ai terminé ce jour-là, le 20 octobre 2023, en disant que j'attendais avec impatience que ce jour arrive. Ce commentaire a suscité de nombreuses réactions positives.
À ce moment-là, je n'avais aucune idée que, trois mois et demi plus tard, une annonce serait faite qui fournirait une feuille de route claire vers un avenir meilleur, une initiative élaborée par les Premières Nations pour les Premières Nations, en faveur de la réconciliation, du pardon, de la guérison et de notre nation commune, le Canada. Le 8 février, le chef des conservateurs pleins de bon sens du Canada s'est engagé à permettre aux Premières Nations de reprendre le contrôle de leurs revenus tirés des ressources, aux mains de la garde du gouvernement à Ottawa. Depuis des centaines d'années, les Premières Nations souffrent d'un système défaillant qui retire le pouvoir à leurs communautés pour le donner à Ottawa. La Loi sur les Indiens confie l'ensemble des terres et de l'argent des réserves au gouvernement fédéral. Cela signifie que les Premières Nations doivent passer par Ottawa pour réclamer leurs recettes fiscales provenant des projets d'exploitation des ressources naturelles sur leurs terres.
Ce système désuet place le pouvoir entre les mains des bureaucrates, des politiciens et des lobbyistes, et non entre celles des Premières Nations. Le résultat direct de cette approche paternaliste d'Ottawa est la pauvreté, des infrastructures et des logements inférieurs aux normes, de l'eau insalubre et le désespoir. Les conservateurs ont écouté les Premières Nations et ils ont annoncé leur appui à une redevance facultative sur les ressources des Premières Nations, qui permettrait à celles-ci de reprendre le contrôle de leurs ressources et de leur argent. Il s'agit d'une solution préconisée par les Premières Nations à un problème créé par Ottawa.
Les Premières Nations et la Commission de la fiscalité des Premières Nations ont élaboré le plan, puis elles l'ont présenté aux conservateurs, qui l'ont accepté. Ce nouveau modèle facultatif simplifiera les négociations entre les sociétés d'exploitation des ressources et les Premières Nations. La redevance facultative sur les ressources des Premières Nations n'empêchera aucune communauté de continuer à utiliser d'autres arrangements existants, comme les ententes sur les répercussions et les avantages. Lors d'une conversation avec les Premières Nations, le chef conservateur a déclaré ceci: « La redevance sur les ressources des Premières Nations cède l’espace fiscal fédéral, de sorte que les communautés n’auront plus à envoyer tous leurs revenus à Ottawa pour les réclamer par la suite. Elle rendra également les projets d’exploitation des ressources plus attrayants pour les Premières Nations, de sorte qu’ils seront plus susceptibles d’être mis en œuvre. » Puis, il a ajouté...