Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole ici, à Ottawa, depuis le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe. Ma circonscription, Parkdale—High Park, que je suis fier de représenter à la Chambre, se trouve sur le territoire ancestral des Haudenosaunee, des Wendats, des Métis et, plus récemment, de la bande des Mississaugas de Credit. Toronto est devenu le lieu de résidence de nombreux membres des Premières nations, Inuits et Métis.
Il va sans dire que les 22 derniers mois ont été marqués par la pandémie mondiale de COVID‑19. Les 22 derniers mois ont également été définis par le travail exemplaire des professionnels de la santé qui travaillent extrêmement fort pour assurer la sécurité de tous. La première chose que je veux faire dans le cadre de ce débat sur le projet de loi C‑3, c'est remercier sincèrement tous les professionnels de la santé qui en font beaucoup pour nous tous en ces temps difficiles.
Je parle des médecins. Je parle du personnel infirmier. Je parle du personnel auxiliaire de santé. Je parle des chercheurs à qui nous devons les vaccins. Je parle des gens de ma circonscription, Parkdale—High Park, qui travaillent à l'hôpital St. Joseph, au centre de santé communautaire Parkdale Queen West, à Four Villages et au centre de réadaptation Runnymede. Je parle des innombrables infirmiers, praticiens, médecins et autres professionnels de la santé qui vivent dans ma circonscription.
Je fais aussi référence à une expérience toute personnelle, soit celle de ma femme et de son équipe à l'Agence de la santé publique du Canada. J'ai déjà parlé de Suchita. Elle est responsable, pendant la pandémie actuelle, de la mise en quarantaine et des mesures de contrôle sanitaire aux frontières pour l'Ontario et le Nord canadien à l'Agence de la santé publique du Canada, une tâche bien particulière. En temps normal, c'est déjà un travail essentiel, mais pendant une pandémie, cela devient un travail crucial pour nous, les députés, et pour la sécurité de la population canadienne. Je remercie Suchita pour ce qu'elle accomplit assidûment depuis 22 mois.
Toutes ces personnes méritent notre estime, notre gratitude et notre respect, mais, malheureusement, ces derniers mois, tout semble inversé: les personnes que nous devrions féliciter ont droit à notre mépris. Plutôt que de donner à ces personnes la capacité d'assurer notre sécurité, nous les empêchons activement d'entrer dans les hôpitaux et les cliniques. Elles font parfois l'objet de menaces ou de harcèlement, et sont même agressées.
La situation ne touche pas seulement les fournisseurs de soins. Elle s'applique également aux personnes qui souhaitent obtenir des soins. Des patients subissent de l'intimidation et on les empêche d'accéder à certains établissements de soins de santé. Les conséquences sont graves. Les professionnels de la santé ont l'impression d'être passés de héros à méchants, et c'est franchement démoralisant.
Je vais partager mon temps de parole avec le député de Sackville—Preston—Chezzetcook. On peut voir que c'est une nouvelle législature, car j'ai perdu mes repères.
Je parlais des répercussions, qui donnent l'impression aux professionnels de la santé qu'après avoir été héros, ils sont maintenant des méchants. C'est démoralisant. Il y a aussi des répercussions pour les Canadiens qui s'efforcent de faire ce qu'il faut en suivant les consignes sanitaires et en se faisant soigner afin d'assurer leur sécurité et celle de la collectivité. Eux aussi se font vilipender pour oser suivre ces impératifs en matière de santé publique.
Comment en sommes-nous venus là? Comment nous sommes-nous trouvés en pareille situation, au Canada, en décembre 2021? Il y a ceux qui adhèrent aux données scientifiques concernant la COVID, aux mesures de santé publique qui sont nécessaires pour assurer la sécurité de tous et à l'utilité des vaccins pour la lutte contre le virus. Il y a ceux qui ne le font pas et qui remettent en question l'utilité des vaccins, de la science, des scientifiques et des professionnels de la santé qui appuient ces efforts.
Je tiens à rappeler une chose absolument fondamentale, surtout ici, à la Chambre: le droit de ne pas être d'accord et d'exprimer son opposition. Ce droit découle de la liberté de réunion, de la liberté d'association et de la liberté d'expression, que protège l'article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés. Il s'agit d'un principe que j'ai eu le privilège de défendre pendant 15 ans lorsque j'étais avocat. C'est le fondement même de toute démocratie et, à plus forte raison, de la nôtre.
Or, ces droits d'expression ont toujours eu des limites. En droit, il y a un vieil adage qui dit que toute personne a le droit de balancer les bras, mais que ce droit s'arrête là où commence le nez des autres. Ce qu'il faut comprendre, c'est que les droits d'expression s'arrêtent là où ils pourraient causer du tort à autrui. En somme, les menaces, le harcèlement et les agressions physiques ont toujours été contraires à la loi, et c'est toujours le cas dans notre pays.
En proposant cette importante mesure législative, le projet de loi C‑3, nous voulons améliorer ces protections, et ce, plus particulièrement pour les travailleurs de la santé et les personnes qui demandent des soins médicaux. Le projet de loi C‑3, qui modifie le Code criminel et le Code du travail, prévoit donc des mesures énergiques en ce sens. Mon intervention porte sur les modifications apportées au Code criminel.
Les modifications au Code criminel imposeraient des conséquences importantes à ceux qui ont recours à la peur pour empêcher les professionnels de la santé de faire leur travail ou qui empêchent les patients de recevoir des soins. Le projet de loi C‑3 créerait une nouvelle infraction visant expressément l'intimidation des travailleurs de la santé ou des personnes qui cherchent à obtenir des soins de santé, ainsi qu'une infraction interdisant à quiconque d'entraver l'accès par autrui à des établissements de soins de santé.
Les individus ayant l'intention d'utiliser la peur pour empêcher les travailleurs de la santé d'exercer leurs fonctions ou pour empêcher les gens d'avoir accès à des services de santé pourraient être accusés de cette nouvelle infraction qui est proposée.
Aux termes du Code criminel, il faut tenir compte des circonstances aggravantes pour la détermination de la peine. Ainsi, le projet de loi exigerait que les tribunaux envisagent d'imposer des peines plus sévères à tout contrevenant qui cible des travailleurs de la santé dans l'exercice de leurs attributions ou qui nuit à l'obtention par autrui de services de santé puisqu'il s'agirait de circonstances aggravantes.
Une nouvelle disposition en matière de détermination de la peine serait également créée pour obliger les tribunaux à envisager des peines plus lourdes. Les contrevenants qui ciblent des travailleurs de la santé dans l'exercice de leurs attributions ou qui nuisent à l'obtention par autrui de services de santé seraient passibles d'une peine maximale de 10 ans, comparativement à la peine maximale de 5 ans que prévoit actuellement le Code criminel.
Voilà donc ce que le projet de loi C‑3 viserait précisément. À ceux qui demeurent sceptiques, je tiens à dire une chose très clairement: le projet de loi C‑3 n'interdirait pas les manifestations pacifiques ni le droit des professionnels de la santé de protester pour améliorer leurs propres conditions de travail. Au contraire, le projet de loi protégerait ces derniers de la violence à laquelle ils font malheureusement face dans l'état actuel des choses, en plus de contribuer à rendre leurs lieux de travail plus sûrs.
Il est essentiel que les Canadiens puissent faire entendre leurs préoccupations et protester d'une façon sécuritaire et pacifique, tout comme il est essentiel que les travailleurs de la santé puissent exercer des moyens de pression et s'organiser. Les modifications proposées dans le Code criminel respecteraient ces deux principes, car la communication est inscrite dans le projet de loi C-3 à titre de moyen de défense. On veille ainsi à ce qu'il y ait un équilibre, comme c'est toujours le cas depuis l'adoption de la Charte en 1982. Il y aurait donc un équilibre entre la protection dont nous avons besoin et la protection des droits à la liberté d'expression des Canadiens, y compris des travailleurs de la santé et de ceux qui manifestent de façon pacifique contre eux. L'équilibre passe par cette modification législative qui doit être apportée au pays, car nous assistons malheureusement à une escalade de la haine. N'ayons pas peur des mots. Les travailleurs de la santé et ceux qui veulent avoir accès à leurs services sont bel et bien victimes de haine.
Le droit de manifester et d'être en désaccord est une chose, et comme je l'ai mentionné, c'est un droit essentiel. Toutefois, empêcher les patients et le personnel de la santé de passer et tenter d'instiller la peur en eux est quelque chose que nous ne pouvons pas et ne devons pas tolérer dans ce pays en 2021. Nous avons vu des gens harceler des patients vulnérables qui tentent d'avoir accès à des soins, crier après eux et leur cracher dessus, ou encore suivre des professionnels de la santé jusqu'à leur voiture et la vandaliser. Nous avons vu des professionnels de la santé recevoir des menaces de mort: nous parlons des gens qui travaillent pour nous protéger et nous garder en vie pendant la pandémie. Ces menaces de mort, qu'elles soient proférées en personne ou par l'entremise de campagnes sur les médias sociaux, visent à les intimider et à les effrayer. C'est une situation inacceptable.
Pendant les deux dernières minutes qu'il me reste, je tiens à insister sur le fait qu'il n'est pas seulement question de la COVID. Quand on parle du réseau de la santé, il faut penser à tous les services fournis et non seulement à ceux qui servent à lutter contre la pandémie. Les conséquences de la pandémie touchent toutes les personnes qui ont besoin d'autres traitements médicaux dans les hôpitaux et les cliniques du pays, celles qui dépendent des infirmières, des médecins et des chirurgiens pour effectuer des opérations comme des greffes, des chirurgies de la hanche, des arthroplasties du genou, et j'en passe. À l'heure actuelle, ces Canadiens sont victimes du type de haine qui grandit partout au pays parce que ces chirurgies sont retardées, voire carrément annulées à cause du chaos semé dans les établissements de santé du Canada. En conséquence, les Canadiens qui attendent de telles chirurgies doivent attendre plus longtemps, ce qui prolonge leur douleur et leur souffrance. C'est une situation intenable.
Les travailleurs de la santé ont prêté le serment d'Hippocrate. Je suis certain que, il y a 22 mois, ils croyaient en comprendre les grandes lignes: servir les autres, prendre soin d'eux et les aider. La situation a changé de façon draconienne depuis 22 mois à cause de la COVID. À l'instar d'autres intervenants à la Chambre, je tiens à souligner que les travailleurs de la santé méritent notre gratitude, notre reconnaissance et notre respect, surtout en ce moment. Quand je vois une personne qui porte une tenue médicale dans ma circonscription, je me suis donné comme mission personnelle de l'arrêter pour lui demander où elle travaille et pour la remercier de ce qu'elle fait parce que ces personnes font toujours preuve de courage devant l'adversité. Elles font toujours preuve d'altruisme et consacrent de longues heures à leur profession. Maintenant, elles ont besoin de notre appui plus que jamais. Voilà ce que le projet de loi C‑3 permettrait de faire, c'est pourquoi j'espère que tous les députés appuieront cette importante mesure législative.