Monsieur le Président, puisque c'est la première fois que je prends la parole à la Chambre depuis les élections, j'aimerais à mon tour remercier les électeurs de LaSalle—Émard—Verdun de m'avoir fait confiance pour un troisième mandat. En tant que député, je ferai de mon mieux pour bien les représenter.
J'aimerais aussi souligner cette date du 6 décembre. En tant que Montréalais, Canadien et Québécois, je suis toujours très ému lorsque je me rappelle ce qui s'est produit le 6 décembre à Montréal, alors que 14 jeunes femmes qui étudiaient pour devenir ingénieures ont perdu la vie. Je ferai de mon mieux pour que de tels événements ne se reproduisent jamais.
Je suis heureux de prendre la parole à l'occasion de la deuxième lecture du projet de loi C-3, Loi modifiant le Code criminel et le Code canadien du travail, que j'ai présenté de pair avec le ministre du Travail la semaine dernière. Mes remarques porteront surtout sur les modifications au Code criminel prévues dans le projet de loi.
Je suis fier du projet de loi C-3, mais, pour être franc, je suis aussi déçu, tout comme l'était la députée de Saanich—Gulf Islands il y a un instant, que nous ayons à proposer des modifications au droit criminel pour expressément protéger les travailleurs de la santé et les patients contre l'intimidation et les entraves à l'accès.
Depuis le début de la pandémie, il y a 20 mois, le secteur de la santé au Canada est confronté à des défis sans précédent. Les professionnels de la santé travaillent sans relâche et dans des conditions extrêmement difficiles pour sauver des vies. Un sondage mené par Statistique Canada indique que 7 travailleurs de la santé sur 10 rapportent une aggravation de leur santé mentale en raison de la pandémie. Toutefois, cela n'est que la pointe de l'iceberg.
En plus du fardeau mental, nos professionnels de la santé vivent aussi de la violence au travail.
La Dre Katharine Smart, présidente de l'Association médicale canadienne, a déclaré à la population canadienne, à l'occasion d'une conférence de presse sur ce projet de loi, que les résultats préliminaires du Sondage national de l'AMC sur la santé des médecins de 2021 indiquent que trois médecins sur quatre ont subi de l'intimidation et du harcèlement au travail. Elle a en outre déclaré qu’un médecin sur trois affirme que cela se produit régulièrement. Chez les femmes médecins, c'est de l'ordre des 80 %. Ces chiffres sont profondément perturbants, surtout quand on constate l'incidence sur les femmes dans le milieu de la santé.
La plupart des Canadiens ont fait preuve d'un grand respect envers nos travailleurs de la santé et ont suivi les conseils des responsables de la santé publique. Malheureusement, un petit nombre d'individus refusent de croire ou de suivre les mesures de santé publique fondées sur la science. Parmi eux, un plus petit groupe a même proféré des menaces, y compris des menaces de mort. Ces gens ont aussi commis des actes de violence à l'encontre des travailleurs de la santé, lesquels exerçaient simplement leur métier en fournissant des soins essentiels aux Canadiens.
La violence envers les travailleurs de soins de la santé est un problème de longue date. Depuis le début de la pandémie, les travailleurs de la santé ont exprimé des inquiétudes quant à leur capacité de continuer à exercer leurs fonctions, et certains ont même été contraints de quitter leur profession. De plus, les personnes ayant besoin de services de santé ont exprimé des craintes similaires quant à leur capacité d'accéder aux établissements de santé en toute sécurité.
Je ne saurais trop insister sur ma déception en réaction à de tels actes. Il n'y a tout simplement pas de place au Canada pour une telle conduite, et nous ne le tolérerons pas. La liberté d'expression et de manifestation sur ce qu'une personne ne croit pas être juste est une liberté précieuse du pays, mais les Canadiens comprennent qu'il y a une distinction entre exprimer ses opinions et menacer ceux avec qui on est en désaccord.
Nous avons vu les conséquences de ce genre d'agressions. Par exemple, la Dre Gretchen Roedde de Latchford, en Ontario, a décidé de prendre sa retraite plus tôt que prévu en raison du harcèlement qu'elle subissait en ligne. Cette petite ville pourrait perdre une médecin à cause de ce genre de comportement.
Ce qui est encore plus troublant, c'est que les insultes et le harcèlement ciblent même des enfants. Nolan Blaszczyk, un garçon de 7 ans, s'est fait agresser verbalement lorsqu'il est allé se faire vacciner en compagnie de sa mère. Abby Blaszczyk s'est fait dire qu'elle assassinait son fils et qu'elle prenait part à un génocide. Qui peut accepter cela?
Nous savons que le Code criminel, par l'entremise d'un large éventail d'infractions générales, protège tous les Canadiens. Le Code interdit déjà certains de ces comportements monstrueux dont nous avons été témoins l'année dernière: agressions, harcèlement criminel, intimidations et menaces. Aujourd'hui, nous voyons à quel point il est urgent d'aller plus loin.
Il est devenu nécessaire et urgent de parfaire ces mesures en interdisant explicitement ce genre de comportements dans le secteur de la santé.
Au cours de la dernière campagne électorale, alors que les manifestations liées à la COVID-19 près des hôpitaux prenaient de l'ampleur, le premier ministre s'est engagé à protéger les travailleurs de la santé et à faire en sorte que tous les Canadiens puissent avoir accès aux services de santé sans craindre d'être intimidés. Les mesures que comprend le projet de loi C-3 viennent appuyer ces engagements et prévoient différentes réponses aux comportements dangereux qui ciblent présentement le secteur de la santé.
Le projet de loi crée deux nouvelles infractions qui concernent spécifiquement le secteur de la santé.
Premièrement, on mettrait en place une nouvelle infraction d'intimidation pour protéger ceux qui offrent et ceux qui reçoivent des soins de santé. Il y a déjà des dispositions pénales à l'égard de l'intimidation en général, mais ces modifications donneraient aux forces de police et aux procureurs des outils supplémentaires pour protéger plus particulièrement ceux qui offrent et ceux qui reçoivent des soins de santé. Par ailleurs, une peine maximale plus sévère de 10 ans d'emprisonnement serait prévue. À l'heure actuelle, l'infraction d'intimidation est passible d'une peine d'emprisonnement maximale de cinq ans.
Les dispositions sur cette nouvelle infraction conféreraient aux travailleurs de la santé des protections semblables à celles offertes à des intervenants du système de justice comme les juges, les jurés, les témoins ainsi que les journalistes qui font des reportages sur le crime organisé. L'intimidation est traitée comme une infraction plus grave lorsqu'elle vise à empêcher ces intervenants de remplir leurs importantes fonctions.
Cette infraction d'intimidation a été créée en réponse à une série d'incidents où des procureurs, des témoins et d'autres intervenants ont été intimidés par des organisations criminelles afin de déstabiliser le système de justice pénale. À l'instar de ce que nous faisons maintenant, le Parlement a décidé à l'époque de renforcer les protections du droit pénal pour cette forme d'intimidation en créant une infraction distincte passible d'une peine plus sévère. Il est important de protéger les gens qui travaillent à améliorer notre pays, que ce soit dans le système de santé ou au sein du système de justice.
Selon les dispositions sur la nouvelle infraction d'intimidation, il serait interdit de provoquer la peur chez les professionnels de la santé afin de les empêcher de remplir leurs fonctions. Comme je l'ai indiqué précédemment, cela comprend les professionnels de la santé qui travaillent dans des cliniques d'avortement et d'autres intervenants qui font fréquemment l'objet de menaces et d'intimidation. Toute personne dont les fonctions consistent à appuyer un professionnel de la santé dans l'exercice de ses fonctions serait aussi protégée par ces dispositions. Selon les circonstances, il pourrait s'agir d'un préposé aux services de soutien ou du personnel médical qui travaille auprès d'un médecin ou d'un membre du personnel infirmier.
Étant donné qu'une foule d'intervenants contribuent aux services de santé offerts au Canada, toute personne qui aide les professionnels de la santé à remplir leurs fonctions est couverte à juste titre par ces dispositions.
L’infraction proposée protégera également toute personne qui recherche et reçoit les services de soins de santé. Tout comportement visant à susciter la peur chez une personne cherchant à obtenir un service de santé, dans le but de la contraindre à ne pas obtenir ce service, serait expressément interdit.
La création de cette nouvelle infraction nous permettra également d’augmenter la peine maximale pour ce comportement. La nouvelle infraction sera l’infraction hybride et, en cas de mise en accusation, elle sera passible d’une peine maximale de 10 ans d’emprisonnement. Il s’agit d’une peine plus élevée que l’infraction générale d’intimidation qui est de cinq ans.
En augmentant la peine de cette manière, on envoie un message très clair selon lequel le Parlement condamne fermement ces formes de comportements dirigées vers le secteur de la santé.
Il y a un autre point sur lequel je veux être très clair. L’infraction d’intimidation proposée peut être commise en personne ou par des moyens électroniques, y compris les médias sociaux, ou par d’autres communications en ligne. Les médias de tout le pays révèlent que des prestataires de soins de santé sont menacés et intimidés dans les médias sociaux. Les associations médicales, dont l’Association médicale canadienne et l’Ontario Medical Association, ont confirmé que les menaces et les intimidations se produisent non seulement en personne, mais aussi en ligne. L’infraction d’intimidation s’appliquerait, quel que soit le moyen de communication.
Outre le fait qu'il protège les héros du secteur des soins de santé, le projet de loi crée aussi une nouvelle infraction en interdisant d'empêcher ou de gêner intentionnellement l'accès par autrui à un établissement de santé. L'infraction vise à protéger l'accès à tout endroit où des services de santé sont offerts, notamment les hôpitaux, les cliniques mobiles, d'avortement et de vaccination et les cabinets de médecin, voire la résidence d'un médecin si c'est là que ce professionnel fournit ses services. Cette nouvelle infraction mixte est passible d'un emprisonnement maximal de 10 ans.
Je tiens à être très clair au sujet d'une chose en particulier. Rien dans le projet de loi ne nuirait à la capacité des travailleurs de faire la grève ou à celle des Canadiens de manifester pacifiquement. Le gouvernement souscrit à la Charte et aux libertés qu'elle garantit, notamment la liberté d'expression et le droit de grève. Voilà pourquoi cette infraction exclurait expressément toute activité pacifique et légale, comme une grève ou une manifestation pacifique, même si elle avait de légères répercussions sur l'accès. Il n'est pas déraisonnable d'accepter les légers désagréments causés aux personnes qui souhaitent entrer dans un édifice si c'est pour assurer la protection des libertés auxquelles nous tenons tant. Cependant, tout comportement menaçant ou violent ou qui crée un obstacle majeur à l'accès serait à juste titre traité comme une infraction criminelle. Voilà la position actuelle en matière de droit pénal, et le projet de loi ne ferait que la confirmer.
Le projet de loi donne une définition de « professionnel de la santé » pour préciser la portée des infractions et la façon dont elles doivent être traitées par la police et les procureurs. Aux termes du projet de loi, un professionnel de la santé s'entend d'une personne autorisée par le droit d'une province ou d'un territoire à fournir des services de santé, comme les médecins ou le personnel infirmier. Étant donné que l'administration du secteur de la santé et la réglementation des professionnels de la santé et des services de santé relèvent des provinces et des territoires, la définition est suffisamment large pour être applicable au système de santé de l'ensemble des provinces et territoires.
J'aimerais maintenant parler des réformes en matière de détermination de la peine qui sont incluses dans le projet de loi C-3. Ces changements répondent aux préoccupations de longue date des professionnels de la santé et, en fait, des parlementaires de tous bords qui ont présenté des réformes similaires dans le passé par le truchement de projets de loi émanant des députés.
Le projet de loi obligerait les tribunaux chargés de la détermination de la peine à considérer comme un facteur aggravant la preuve que l'infraction a été commise contre un fournisseur de soins de santé qui agissait dans l'exercice de ses fonctions. La peine sera également aggravée lorsqu'une infraction a eu pour effet d'empêcher une personne d'obtenir des services de santé. D'ailleurs, les deux groupes de notre système de santé doivent être protégés: ceux qui fournissent des soins de santé et ceux qui les reçoivent.
Les préposés au soutien personnel, aussi appelés préposés aux bénéficiaires, sont aussi vulnérables à la violence sur leur lieu de travail. Même s'ils ne sont pas réglementés dans de nombreuses régions du pays comme étant des professionnels de la santé, ils fournissent tout de même des soins et un soutien essentiels à de nombreux Canadiens. Par conséquent, les facteurs aggravants proposés incluent aussi expressément les services de soins personnels.
Ces réformes de la détermination de la peine sont fondées sur des appels lancés depuis longtemps par les intervenants. En effet, lors de la conférence de presse qui a suivi la présentation du projet de loi, les présidents de l’Association médicale canadienne et de la Fédération canadienne des syndicats d'infirmières et d'infirmiers ont affirmé l'importance de ces mesures pour nos travailleurs de la santé.
L'adjonction au projet de loi des circonstances aggravantes découle aussi d'une recommandation du rapport de 2019 du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes intitulé « Violence subie par les travailleurs de la santé au Canada ». Ce rapport demandait au gouvernement du Canada de modifier le Code criminel afin d'exiger, aux fins de la détermination de la peine, que le tribunal tienne pour circonstance aggravante le fait que la victime d'une agression soit un travailleur du secteur de la santé. Le même rapport révèle que le taux de violence au travail est quatre fois plus élevé chez les travailleurs de la santé que dans toute autre profession, même si la plupart de ces violences ne sont pas signalées en raison d'une culture d'acceptation.
Si la pandémie a créé de nouveaux défis pour les travailleurs de la santé et exacerbé la violence à laquelle ils sont exposés, comme je l'ai déjà mentionné, les fournisseurs de services d'avortement et les femmes qui y font appel ont également été victimes de menaces et de violences inacceptables. Il n'y a pas si longtemps au Canada, dans les années 1990, un certain nombre de médecins ont été abattus parce qu'ils offraient des services d'avortement. On a bloqué l'accès à des cliniques d'avortement et on les a attaquées. Des personnes cherchant à obtenir des services d'avortement ont été harcelées, menacées et intimidées par des personnes opposées à l'avortement. La sûreté et la sécurité des travailleurs de la santé qui offrent des services d'avortement et des patients demeurent une question préoccupante. Notre gouvernement protégera les prestataires de services d'avortement comme les autres professionnels de la santé. Nous soutenons le droit des femmes à disposer de leur corps et à avoir le même accès sans entrave aux services d'avortement qu'aux autres services de santé.
J'ai l'espoir — sans doute partagé par nous tous ici aujourd'hui — que les travailleurs de la santé pourront un jour faire leur travail sans violence tout en se sentant en sécurité et valorisés alors qu'ils prennent soin de nous. Comme nous le savons, la pandémie n'est pas terminée, et notre besoin de protéger les travailleurs du secteur de la santé ne l'est pas non plus.
Ces travailleurs jouent un rôle essentiel dans la santé de chaque Canadien. C'est grâce à eux que nous avons pu résister à cette pandémie dévastatrice et faire des plans pour nous rétablir en tant que société et en tant que pays. Les réformes proposées améliorent les mesures existantes dans le Code criminel et bénéficient d'un large soutien de la communauté médicale. Pour ces raisons, j'exhorte tous les députés à appuyer de toute urgence le projet de loi C-3, qui est important et nécessaire.