Madame la Présidente, mon Dieu, j'aurais tellement de choses à dire à mon collègue de Louis-Saint-Laurent. Cela va nous prendre un verre de vin ou une bière pour en parler.
Le Bloc québécois est favorable au principe du projet de loi C‑219. Nous considérons qu'il doit vraiment être étudié en comité parlementaire. À première vue, le projet de loi nous apparaît bien pensé et rédigé, son préambule plaçant clairement le contexte dans lequel s'inscrit cette volonté d'intégrer un réel accès aux tribunaux dans le cadre de l'exécution du droit à un environnement sain.
À la lecture de ce projet de loi de mon collègue d'Okanagan-Sud—Kootenay-Ouest, je me réjouis d'être devant autre chose que des déclarations de principes et d'être davantage en présence de dispositions juridiquement contraignantes et prescriptives. Je me réjouis surtout du fait que son contenu est susceptible d'avoir un effet tangible pour la population, l'environnement et la société en général.
Le projet de loi C‑219 présente aussi un contraste avec ce que le gouvernement libéral nous a donné. Je pense ici à sa prétention d'avoir littéralement procédé à la création d'un droit à un environnement sain. Je ne sais pas ce que les autres en pensent, mais il me semble que, quand on dit le mot « création », cela vient avec l'idée de faire quelque chose de plus grand que soi.
Toujours est-il que le gouvernement libéral considère que, avec son projet de loi S‑5, qui vise à moderniser la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, c'est ce qu'il a accompli. Cependant, nous ne pensons pas la même chose. D'ailleurs, c'est confirmé par les hauts fonctionnaires: il ne s'agissait en fait que d'une clé d'interprétation pour la mise en œuvre de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement ne s'appliquant pas aux autres lois et devant, par ailleurs, être définie ultérieurement par le ministre de l'Environnement.
Je me permets d'ailleurs de qualifier cela de stratégie de communication. Quelle est la valeur d'un droit s'il ne peut pas être appliqué et si, devant une infraction à ce droit, les recours et les pénalités ont essentiellement une valeur symbolique qui ne dissuade ni ne condamne? Poser la question, c'est y répondre. La triste réponse, elle rime avec l'absence de reddition de comptes pour les organisations et individus qui se croient au-dessus des lois et commettent des gestes trop souvent réprimandables qui causent de graves préjudices aux milieux naturels, aux humains qui en sont témoins et à la société tout entière.
Au Québec, la Charte des droits et libertés de la personne établit depuis 2006, que « [t]oute personne a droit, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité. »
En effet, le Bloc québécois estime que la nation québécoise est la seule souveraine des décisions publiques qui concernent l'environnement et le territoire du Québec. À ce titre, il nous apparaît effectivement que, tel que rédigé, le projet de loi C‑219 s'appliquera aux lois environnementales fédérales, et ce, sans être préjudiciable aux lois québécoises ou à la souveraineté environnementale du Québec.
En avril 2022, les parlementaires de l'Assemblée nationale du Québec ont unanimement adopté une motion affirmant la primauté de la compétence du Québec en matière d'environnement. Je tiens à le rappeler, en matière de protection de l'environnement, ce dernier aspect est une condition sine qua non pour qu'une proposition législative obtienne l'appui du Bloc québécois.
Unanimement encore, les élus du Québec s'opposent à toute intervention du gouvernement fédéral en matière d'environnement sur le territoire québécois. Il s'agit pour nous d'une position phare qui sera systématiquement exprimée sur la scène politique fédérale tandis qu'elle incarne vraiment les intérêts et les valeurs des Québécoises et des Québécois. C'est notre mandat.
Le Bloc québécois est certainement favorable à la reconnaissance du droit à un environnement propre, sain et durable en tant que droit de la personne universel. Cela fera bientôt un an que l'Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution historique déclarant que l'accès à un environnement propre, sain et durable est un droit de la personne universel.
Il y a 161 pays qui ont voté en faveur de la résolution. Selon le secrétaire général, Antonio Guterres, si l'on souhaite faire de ce droit une réalité, les États doivent reconnaître ce droit et faire ce qui est requis pour le rendre concret. Les États doivent aussi ratifier et mettre en œuvre tous les accords multilatéraux existants en matière de droit à l'environnement.
Évidemment, le projet de loi C‑219 ne fera pas du droit à un environnement sain un droit fondamental comme on l'entend des droits qui sont garantis dans la Charte canadienne des droits et libertés. Il demeure toutefois très intéressant d'envisager l'étude en comité, si ce n'est que pour observer et mieux interpréter le cadre juridique, même constitutionnel, dans lequel s'inscrirait une charte canadienne des droits environnementaux.
Cela dit, le projet de loi modifiera « la Déclaration canadienne des droits afin de prévoir que le droit de l'individu à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne comprenne le droit à un environnement sain et écologiquement équilibré. » Il est donc valable de considérer dans ce contexte que la portée de ce droit serait quasi constitutionnelle.
En appui à cette portée, mentionnons que le préambule du projet de loi stipule:
que les actions et omissions qui causent une atteinte importante à l’environnement pourraient être considérées comme portant atteinte à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne et comme constituant une contravention à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés[.]
À terme, la proposition de mon collègue crée un véritable droit en vertu des lois environnementales canadiennes. Il s'agit d'un droit dont les citoyens pourraient se saisir afin d'exiger du gouvernement qu'il enquête sur des infractions potentielles aux lois environnementales; d'intenter une action en protection de l'environnement contre une personne qui aurait contrevenu aux lois environnementales fédérales; de présenter des pétitions portant sur l'examen de toute loi fédérale sur l'environnement; de présenter une demande de contrôle judiciaire, incluant par une personne non directement touchée par l'objet de la demande, si l'affaire concerne la protection de l'environnement. C'est très intéressant.
Il est appréciable d'avoir précisé la signification dans la section « Définitions et interprétation » du mot environnement et de l'expression « environnement sain et écologiquement équilibré ».
Il est tout autant apprécié que le projet de loi évoque la notion de l'État comme étant le fiduciaire du bien public. Protéger l'environnement, c'est veiller à l'intérêt collectif de la société, ce qui est le rôle de l'État, tout autant pour les gens qui vivent maintenant que pour les générations à venir. Ce principe, la doctrine du fiduciaire, est à la base même des travaux progressistes nous menant à une meilleure compréhension et application de droits reliés à l'environnement, et ce, un peu partout dans le monde.
Aussi, je dois applaudir le député d’Okanagan‑Sud—Kootenay‑Ouest pour l'attention qu'il a accordée à un contenu juridique de grande valeur, une section intitulée « Prépondérance des principes du droit de l'environnement ».
On voit que, dans tout contexte juridique, il est indispensable de pouvoir se fier à des concepts clairs et à des définitions reconnues si ce n'est pour la seule raison de permettre au pouvoir législatif d'exprimer, sans ambiguïté, ce que le pouvoir judiciaire doit avoir en tête lorsqu'il est saisi d'une cause.
Je parle des principes suivants: le principe du pollueur-payeur, le principe du développement durable, le principe d'équité générationnelle et le principe de justice environnementale. Je pourrais parler du principe de prudence, mais il n'est pas là. On va plutôt parler du principe de précaution. Je rassure tous les gens, ce n'est pas parce que j'ai été professeure dans une autre vie que je vais faire couler un député à son examen. On va juste corriger.
Il s'agit d'une coquille. Quand on se base sur la déclaration de Rio de 1992, dans la version anglaise, c'est bien écrit precautionary principle. Or, cela a été mal traduit. Dans la version française, on parle du principe de prudence. Cela n'a aucun rapport avec l'environnement. Ce vice de traduction évinçait l'essence même de ce principe pourtant central au cadre de mise en œuvre d'une telle mesure législative.
Le Bloc québécois a réussi à rallier les membres du Comité permanent de l'environnement et du développement durable autour de cette correction lors de l'étude du projet de loi S‑5. Le principe de précaution consiste à s'abstenir en cas de risque alors que l'idée de prudence suggère plutôt l'autorisation d'une action et la gestion de son risque, ce qui est très différent. Je sais que mon collègue va s'empresser de faire ce changement. Comme le Bloc québécois, je suis certaine qu'il considère que la reconnaissance du principe de précaution est essentielle au cadre de mise en œuvre d'une mesure législative qui veut protéger l'environnement.
En conclusion, je réitère que le Bloc québécois votera en faveur du projet de loi C‑219.