Madame la Présidente, c'est avec beaucoup d'exaspération que je prends la parole aujourd'hui concernant une motion sur les soins de longue durée. Le problème majeur, c'est que nous ne sommes pas à la bonne assemblée législative. C'est une question de champ de compétence cruciale, car ce n'est pas le fédéral qui a l'expertise et le savoir-faire en cette matière. Je me rends compte que c'est un discours que j'ai tenu trop souvent, malheureusement. Le paternalisme d'Ottawa doit cesser. Il faut qu'il fasse ce qu'il a à faire et ce qu'il doit faire. Ottawa ne doit pas se servir de la crise de la COVID‑19 pour instrumentaliser les aînés.
Nous ne voulons pas banaliser ce qui est arrivé dans les centres de soins de longue durée, bien au contraire. Nous ne voulons rien de moins que leur donner les moyens financiers dont ils ont besoin. Cependant, j'y reviendrai dans mon discours, en faisant un historique, en décortiquant les raisons pour lesquelles le Bloc québécois est contre la motion, puis en rappelant, pour terminer, l'appui de certains groupes de la société civile.
Comme nous le savons maintenant, la COVID‑19 a touché principalement les aînés. Ce fait, combiné à la situation critique dans les centres d'hébergement et de soins de longue durée, ou CHSLD, aura finalement contraint le gouvernement du Québec à demander l'aide de l'armée le 22 avril 2020.
À peine un mois plus tard, en mai 2020, les négociations entre le gouvernement caquiste et le gouvernement libéral étaient particulièrement tendues, en raison du refus du fédéral de reconduire l'aide de l'armée. Le gouvernement se sert alors du recours à l'armée par le Québec pour annoncer, dans son discours du Trône, son intention d'imposer les normes canadiennes dans les CHSLD. C'est une façon tordue d'imposer ses exigences face à un front commun des provinces, qui réclament plutôt une hausse des transferts en santé du fédéral à hauteur de 35 % des coûts du système.
Pour ajouter l'insulte à l'injure, le gouvernement libéral reviendra à la charge avec son idée lors de la mise à jour économique de l'automne dernier et lors de la 20e conférence téléphonique entre les premiers ministres du pays, avec la bénédiction du NPD, bien entendu.
Les libéraux persistent à ce jour dans leur idée. Ils ont promis 6 milliards de dollars pour les établissements de soins de longue durée contre l'imposition de leurs normes, lors de la campagne électorale en 2021. Cependant, depuis plusieurs semaines, I'actualité politique québécoise est marquée par la lumière que les différentes enquêtes ont faite là-dessus. Le débat continue de se faire dans la société civile, comme à l'Assemblée nationale du Québec.
Là n'est donc pas le problème. Je vais donc exposer les raisons pour lesquelles le Bloc québécois s'oppose à la motion. Tout d'abord, on peut y lire que « nous devons nous assurer que les conditions de travail respectent les normes de soins que nos aînés méritent ». Nous sommes d'accord. Nous avons une responsabilité collective de prendre soin des aînés comme individus. Cependant, les conditions de travail des CHSLD et des résidences privées pour aînés, ou RPA, ne sont pas de compétence fédérale.
Il est aussi écrit dans la motion que, « même si la gestion des établissements de soins de longue durée relève de la compétence des provinces et des territoires, nous partageons l’objectif de garantir des soins plus sûrs et de meilleure qualité aux aînés ». Nous répondons que les soins de santé ne sont pas de compétence fédérale. Si le fédéral souhaite réellement aider les provinces, qu'il convoque un sommet en vue d'augmenter durablement le financement des soins de santé, comme nous le proposons.
Par ailleurs, la motion ajoute que, « de l’avis de la Chambre, le gouvernement devrait travailler avec les provinces et territoires afin d'améliorer la qualité des établissements de soins de longue durée et l’accès à des places ». Nous répliquons que le Québec a déjà un plan de refondation de son système et que, ce qu'il manque, ce sont les ressources financières.
Aussi, on peut lire que le gouvernement devrait travailler avec les provinces et territoires pour « mettre en œuvre des mesures rigoureuses de prévention et de contrôle des infections, y compris en multipliant les inspections provinciales et territoriales dans les établissements de soins de longue durée ». Et quoi encore? Le Québec a fait et continue de faire le bilan de ses actions durant la pandémie. Ce n'est pas au fédéral de lui dire quoi faire et comment le faire. Le paternalisme doit cesser.
Finalement, la motion dit qu'il devrait « élaborer de façon collaborative une loi sur les soins de longue durée sécuritaires afin de garantir aux aînés les soins qu’ils méritent, peu importe où ils vivent ». C'est assez. L'Assemblée nationale du Québec s'est déjà prononcée à l'unanimité contre de telles normes fédérales.
Nous avons déjà eu ce débat avant les élections inutiles lancées par le Parti libéral, et je n'en décolère toujours pas. En mars 2021, je me rappelle avoir pris la parole lorsque le NPD avait déposé une motion pour nationaliser et imposer des normes aux établissements de soins de longue durée. Rappelons que celle-ci avait été rejetée par tous, à l'exception du NPD, évidemment. Même les libéraux avaient voté contre la motion. Or, nous voilà à la 44e législature, et le Parti libéral est soudain frappé d'une amnésie. Il revient à la charge avec cette même motion.
Il faut dire que, depuis l’avènement du gouvernement NPD—libéral, leur position se confond. Une chose demeure claire cependant: leur appétit de se mêler des choses qui ne les regardent pas. La Loi constitutionnelle de 1867 et ses articles 91 et 92 déterminent pourtant le partage des compétences gouvernementales entre le fédéral et les provinces. Selon ces deux articles, la santé est un pouvoir exclusif du Québec.
Le Parti libéral du Canada et le NPD ont la tentation permanente de vouloir s’ingérer dans les champs de compétence des provinces, particulièrement dans celui de la santé. Pourtant, le fédéralisme dont ils sont porteurs exige que chaque palier de gouvernement respecte sa compétence exclusive.
Les fédéralistes avancent parfois l’argument que les transferts en santé doivent être assujettis à des conditions, sinon les provinces en profiteraient pour baisser les impôts plutôt que d’offrir davantage de services à leur population. À cela, nous répliquons que ce n’est pas au fédéral de faire la leçon aux gouvernements provinciaux et au Québec. En démocratie, c’est aux électeurs de sanctionner leur gouvernement.
La question des soins de longue durée et des décisions qui ont été prises lors de la crise de la COVID‑19 est un débat qui fait rage en ce moment même. Ce débat se poursuit et il appartient au gouvernement québécois de prendre les mesures pour corriger la situation et à l'électorat, pas au Parti libéral du Canada, de juger en octobre prochain s'il est satisfait ou non des actions de son gouvernement. En bref, le Québec a déjà des pistes de solutions avec, notamment, le plan détaillé de renforcement de la capacité des CHSLD mentionné dans un rapport spécial du Protecteur du citoyen.
Pour corriger la situation, ce n'est pas le fédéral qui viendra améliorer les choses, lui qui n'a pas les connaissances de la réalité du terrain et de ces milieux hospitaliers particuliers. En réponse au rapport spécial, le gouvernement du Québec a déjà présenté son plan de refondation du système de santé.
Je rappelle une date importante: le 2 décembre 2020. Étant porte-parole du Bloc québécois en matière des aînés, j'ai pu échanger avec la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, Mme Marguerite Blais. Elle a déposé une motion pour dénoncer la volonté des libéraux d'imposer des normes canadiennes dans les CHSLD, que je vais lire:
Que l'Assemblée nationale rejette la volonté du gouvernement du Canada d'imposer des normes canadiennes dans les CHSLD et les centres d'hébergement pour aînés, un champ de compétence exclusif au Québec;
Qu'elle exprime sa déception face à l'absence de hausse des transferts fédéraux en santé dans la dernière mise à jour économique du gouvernement fédéral, alors que les provinces doivent assumer d'importantes dépenses en santé dans le contexte de la pandémie de la COVID‑19;
Qu'elle demande au gouvernement fédéral de s'engager à ne pas imposer de normes canadiennes dans les CHSLD et les centres d'hébergement pour aînés et d'augmenter les transferts en santé à hauteur de 35 % des coûts du réseau.
Il faut rappeler que ce sont les provinces et le Québec qui ont l'expertise et l'expérience en matière de foyers de soins de longue durée, et non le fédéral. Tous les CHSLD doivent respecter des normes de sécurité et de qualité de soins pour avoir l'autorisation d'exploiter leur établissement. C'est déjà là.
Il est évident que ce n'est pas au fédéral de définir ces normes pour les établissements de soins de longue durée à la place des provinces et du Québec, puisqu'il n'en a ni l'expérience ni l'expertise, je le rappelle. Au lieu de cela, le gouvernement devrait se concentrer à bien faire ce qu'on attend de lui et à prendre ses responsabilités.
Le rapport des Forces armées canadiennes après leur passage dans les CHSLD au Québec est pourtant clair: il y a déjà beaucoup de normes et de règles sur la prévention et le contrôle de la contamination ou sur le port d'équipement de protection, mais elles n'ont pas suffi à stopper le virus. La question porte bien plus sur la capacité à respecter les normes et les règles en place et à les appliquer. La raison principale expliquant la difficulté à respecter ces règles est tout aussi claire: la pénurie de main‑d'œuvre.
Si le gouvernement fédéral souhaite réellement aider les provinces et le Québec à se sortir de la pandémie et à améliorer les soins offerts aux aînés, il doit cesser de se montrer paternaliste, oublier cette idée de normes nationales imposées mal adaptées aux différents contextes sociaux et institutionnels, et augmenter les transferts en santé, ce qui permettra d'attirer et de retenir plus de monde dans le système de santé.
Une revendication du Bloc québécois est de hausser la part fédérale des transferts en santé à hauteur de 35 % des coûts du réseau. Cependant, le fédéral continue de refuser, même si le Parlement canadien a adopté au printemps dernier une motion demandant que tous les partis reconnaissent la hausse de ces transferts, ce que tous ont fait, sauf le gouvernement libéral, qui s'est retrouvé encore une fois isolé.
Même des groupes de la société civile, comme les différents syndicats, sont venus en mars 2021 demander cette hausse et expliquer pourquoi c'était important. Un sondage Léger a révélé que 85 % des gens la veulent. Le Réseau FADOQ la demande. Quand je suis allée aux derniers états généraux sur les conditions de vie des aînés, tout le monde m'a dit vouloir cette hausse, et ce, sans conditions.
En conclusion, ce n'est pas nous qui cherchons la chicane, mais la coalition néo-libérale. Cela retarde ainsi de nombreuses demandes du Québec, que nous ne sommes pas les seuls à faire puisqu'elles sont reprises par les provinces et les territoires aussi. Il faut que cessent ces menaces néo-libérales et que les aînés ne soient pas pris en otage. Il faut donner les moyens financiers de prendre soin d'eux. Il faut donner les transferts en santé.