Madame la Présidente, je remercie ma collègue la députée de Humber River—Black Creek d'avoir déposé ce projet de loi.
Disons-le d'emblée, la santé visuelle est importante. Évidemment, c'est un élément de la santé globale qui est sous-estimé dans bien des cas. Ma collègue conservatrice a donné des exemples de nature personnelle afin de démontrer que la qualité de ces soins peut changer des vies, changer la qualité de vie. Je remercie la députée qui a déposé ce projet de loi.
Parmi les éléments importants du projet de loi, il y a d'abord un élément qui vise à conscientiser les gens. Il vise à faire du mois de février le mois de la sensibilisation à la dégénérescence maculaire liée à l’âge. C'est évidemment important. Selon moi, ne devons jamais manquer une occasion de rappeler aux gens l'importance des questions qui nous concernent tous. Nous avons tous des obligations quotidiennes qui nous tiennent occupés, et il faut toujours remettre ces questions à l'avant-plan.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit aussi l'élaboration d'une stratégie nationale. Dernièrement, plusieurs stratégies nationales ont été proposées, notamment en matière d'autisme, de cancer et de diabète. Pour ma part, je suis sceptique quant à l'efficacité de ces stratégies nationales qui mènent généralement au dépôt d'un rapport qui est ignoré par le gouvernement la plupart du temps. J'espère que ce ne sera pas le cas si ce projet de loi est adopté. Toutefois, il faut se le dire, le destin des stratégies nationales est souvent le même que celui de la Labatt 50, soit de finir sur une tablette.
De plus, bien que nous soyons d'accord sur le principe, il faudra bien s'assurer qu'on n'empiète pas sur les compétences du Québec. Il s'agit d'un projet de loi qui vise à conscientiser la population, mais qui touche des soins de santé, lesquels sont de compétence provinciale.
Cela dit, la question est réellement importante. Je pense que l’on connaît les données. Des données qui datent de 2019 démontraient que 1,2 million de Canadiens souffraient de maladies pouvant mener à une perte de vision, et 4,1 % de ces personnes pouvaient devenir non-voyantes. On sait que 8 millions de Canadiens souffrent d'une maladie de l'œil pouvant mener à la cécité. Dans le cas de certaines de ces maladies, la cécité est évitable.
On sait que les coûts de santé annuels directs attribuables à ces maladies menant à la perte de la vue peuvent atteindre jusqu'à 9,5 milliards de dollars. Évidemment, il y a des coûts humains, mais il y a aussi les coûts sociaux, notamment la perte de productivité causée par ces maladies, qui peut atteindre 4,3 milliards de dollars par année.
On parlait tout à l'heure de la dégénérescence maculaire due à l'âge. Avec la croissance et le vieillissement de la population, les coûts liés à ces pathologies pourraient augmenter substantiellement. Effectivement, ce sont des questions de première importance.
La santé, rappelons-le, est une compétence des provinces et du Québec. Le Québec a déjà un certain nombre de programmes qui visent à traiter la question des pathologies oculaires. Les services optométriques sont couverts par l'État au Québec pour les personnes de moins de 18 ans et pour les personnes de 65 ans et plus. Le mois dernier, on a augmenté les remboursements pour les prothèses oculaires et cela faisait 30 ans qu'on n'avait pas augmenté ces montants. Alors, c'est un progrès.
Cela nous démontre aussi que le Québec et les provinces ont besoin de financement, de transferts et d'argent pour être en mesure de couvrir ces programmes. Élaborer une stratégie nationale, c'est bien beau, mais encore faut-il que les ordres de gouvernement qui ont comme responsabilité de fournir ces soins sur le terrain soient proprement financés.
Il y a le programme d'aides visuelles de la RAMQ qui vise à aider les gens à se procurer par exemple des télévisionneuses, des prothèses optiques, des lunettes de vision nocturne et des machines à écrire en braille. Ce sont aussi des programmes qui visent à améliorer la qualité de vie des personnes qui ont des problèmes de la vue, et cela coûte cher.
Je répète que, avec le vieillissement de la population, la fréquence de ces pathologies va augmenter, et il faudra être en mesure d'améliorer la qualité de vie et la productivité au travail de ceux qui en sont atteints.
On parle évidemment de la journée nationale de sensibilisation à la dégénérescence maculaire, mais je ne peux m'empêcher de dire que j'aurais aimé qu'il y ait, dans ce projet de loi, une journée nationale de sensibilisation contre la dégénérescence des transferts en santé. J'en fais d'ailleurs la suggestion. Depuis deux ans, et même plus, les provinces et le Québec demandent 28 milliards de dollars par année de transferts supplémentaires dans la santé afin que l'apport du gouvernement fédéral dans les dépenses des provinces en matière de soins de santé atteigne 35 %.
Je sais que cette cause est importante pour ma collègue et qu'elle est bien intentionnée, mais, à l'intérieur de ces enveloppes, il pourrait y avoir des montants associés aux soins des yeux. Une stratégie nationale et un rapport font état de bien des choses, mais cela ne fournit pas de soins à ceux qui en ont besoin et pour qui cela pourrait changer le quotidien. Le gouvernement est évidemment assez myope quant aux besoins du Québec, et c'est plutôt triste.
Comme je l'ai dit, le vieillissement de la population va augmenter les coûts des soins de santé, et ces transferts sont nécessaires. En raison du vieillissement de la population, on devra faire davantage de recherche-développement et élargir nos programmes, notamment les programmes de soutien à ceux qui ont des problèmes de la vue.
Il y a aussi une pénurie de travailleurs qui fait en sorte qu'on essaiera de retenir les personnes plus âgées sur le marché du travail. On sait que les problèmes de la vue sont mauvais pour la productivité, et donc pour l'économie. Or, c'est également mauvais pour la personne qui désire continuer à être sur le marché du travail.
Quand on regarde le dernier rapport de Statistique Canada, on peut y lire que « le pourcentage de personnes ayant déclaré une bonne vision sans correction diminuait avec l'âge ». C'est un peu comme la vision du gouvernement libéral à l'égard des transferts en santé: sa vision diminue avec l'âge. Cela fait huit ans que sa vision diminue.
Nous avons essayé pendant près de deux ans d'avoir la tenue d'un sommet entre les premiers ministres des provinces et le premier ministre actuel pour discuter de ces questions. Ce qu'on a fait, c'est qu'on a imposé des conditions aux provinces, ce qui fait qu'aujourd'hui, on n’est pas en mesure de bonifier les programmes et de concevoir de nouveaux programmes qui permettraient d'offrir des meilleurs soins des yeux.
J'ai l'impression que le gouvernement aurait peut-être besoin de lunettes de bloquiste pour mieux comprendre les besoins du Québec. J'aimerais leur offrir les miennes. Sur le terrain, cela les aiderait à offrir des soins à ceux qui en ont besoin et pour qui cela peut changer l'estime de soi, le fonctionnement en société, la vie familiale, la vie professionnelle. Il y a là-dedans des questions tout simplement humaines. Nous sommes tous égaux devant les divers problèmes de santé qui peuvent se présenter tout au long de notre vie, et nous devrions tous avoir accès à des soins.
Je fais évidemment un certain nombre de blagues, mais il faut que ma collègue comprenne que je salue son initiative. Je sais qu'elle a mené des consultations et qu'elle est allée à la rencontre de groupes. Nous voyons bien que l'intention est excellente et, comme je l'ai dit, nous sommes d'accord sur le principe. Nous proposerons des amendements, mais je comprends qu'il s'agit d'une question importante pour ma collègue et je salue cela.
Je terminerai en disant que, quand on regarde les statistiques, on remarque que les problèmes de dégénérescence de la vue touchent particulièrement les femmes. Je n'en comprends pas entièrement la cause et je ne m'improviserai pas médecin ou biologiste, mais je sais qu'il y a aussi des questions liées à l'égalité des sexes. Lorsqu'on devient plus conscient qu'un problème existe, plus conscient que les soins sont nécessaires et que cela touche davantage les femmes que les hommes, il y a un aspect fondamental d'équité là-dedans.
Comme je l'ai dit, nous appuierons le principe, nous l'étudierons en comité, nous serons de bonne foi. Nous demeurons sceptiques quant à la destinée de ces grandes stratégies, mais notre collègue nous permet assurément de discuter de cette question importante, de conscientiser nos concitoyens, de réfléchir à la question des soins des yeux et, pour cela, je l'en remercie.