Madame la Présidente, étant donné que je n'ai pas été informé du ton festif des débats de cet après-midi, c'est avec embarras que je prends la parole et que je demande aux députés de faire preuve d'indulgence à mon égard. Dans ma circonscription, le franc-parler ne représente pas un manque de savoir-vivre, et j'ai préparé un discours complet qui porte sur des lacunes, qui, selon moi, sont pertinentes dans le cadre de la discussion. Je n'ai aucunement l'intention de terminer la journée sur une mauvaise note. Je veux plutôt réfléchir aux enjeux qui nous intéressent à la Chambre. Comme bien des députés, j'en suis sûr, cela m'empêche de dormir la nuit et me réveille tôt le matin.
Bien qu'il y ait encore beaucoup à dire sur le moment choisi par le premier ministre pour déclencher les dernières élections et leur nécessité, je dois admettre que cela m'a donné l'occasion de me retirer de ce lieu de privilège et de faire du porte-à-porte dans ma circonscription, ce qui m'a été d'une aide extrêmement précieuse pour comprendre les enjeux qui feront l'objet de nos futurs débats. Il s'agit d'une journée monumentale et je ne veux rien y enlever. C'est un fardeau que nous portons. Nous avons d'ailleurs demandé à des millions de Canadiens de porter un très lourd fardeau afin de traverser la pandémie de COVID.
Revenons au projet de loi C‑3, que j'appuie. J'ai entendu plusieurs députés en parler, et bon nombre d'entre eux ont remis en question le lien entre les deux premières parties du projet de loi, qui modifieraient le Code criminel, et la troisième partie, qui créerait quelque chose en vertu du Code canadien du travail.
Je vais résumer le projet de loi C‑3 pour les membres du public qui regardent le débat grâce à la diffusion en direct ou qui le suivent en lisant le hansard. Les deux premières parties du projet de loi modifieraient le Code criminel en créant deux nouvelles infractions liées à la protection des professionnels de la santé et de l'accès des patients aux soins de santé. La première infraction s'appliquerait à tout acte d'intimidation qui vise à provoquer de la peur chez un patient, un professionnel de la santé ou toute personne qui les appuie, et qui les empêche d'accéder à des services de santé ou d'en fournir. La deuxième infraction couvrirait aussi les actes intentionnels qui visent à empêcher une personne d'accéder à des services fournis par un professionnel de la santé. Les deux infractions seraient passibles d’un emprisonnement maximal de 10 ans, ou de 2 ans sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.
La troisième partie du projet de loi — celle qui ne semble pas avoir de lien, selon certaines personnes — prévoit modifier le Code canadien du travail de façon à instaurer 10 jours de congé de maladie payé. Toutes les personnes qui travaillent depuis plus d'un mois au sein d'un secteur privé sous réglementation fédérale pourraient bénéficier chaque année de ces congés.
En toute justice, ces deux mesures qui relèvent de lois différentes ne paraissent pas nécessairement liées. Je voudrais aujourd'hui faire ressortir le lien profond qui existe entre ces deux parties. Selon moi, le profond désespoir et les répercussions sociales bien établies qui découlent des quatre vagues consécutives de COVID‑19 — chacune ayant ses propres circonstances d'isolement social et de difficultés économiques — résultent en fin de compte de l'incapacité de tous les ordres de gouvernement de réagir adéquatement à une pandémie de cette ampleur.
La peur, l'incertitude et le doute qu'ont profondément vécus certains segments de la population les ont rendus particulièrement réceptifs à ce mouvement social réfractaire à la science, au gouvernement et, par extension, aux services de santé, mouvement d'où sont issues bon nombre des abominables attaques ciblées à propos desquelles nous légiférons en ce moment.
Depuis le début de la pandémie, les travailleurs de la santé sont exposés à un risque élevé d'infection et de violence. En fait, depuis bien longtemps avant la pandémie, les professionnels de la santé sont quatre fois plus susceptibles que les membres des autres professions de subir de la violence en milieu de travail. Malheureusement, beaucoup de ces actes de violence ne sont jamais signalés. Selon la Fédération canadienne des syndicats d'infirmières et d'infirmiers, en 2019, 61 % des infirmiers ont déclaré avoir été victimes de violence, de harcèlement ou de voies de fait au travail, et comme les femmes comptent pour une grande partie de la main-d'œuvre en santé, elles sont visées de manière disproportionnée par ces actes de violence.
Pour décourager ces actes de violence, la Fédération canadienne des syndicats d'infirmières et d'infirmiers recommande de modifier le Code criminel, et c'est ce que propose le projet de loi à l'étude aujourd'hui. Je félicite la Fédération du travail qu'elle effectue depuis de nombreuses années. Cette demande a également été formulée dans une recommandation du comité de la santé en 2019. Plus précisément, le comité recommandait de modifier le Code criminel afin d’exiger qu’il considère comme circonstance aggravante pour la détermination de la peine le fait que la victime de voies de fait est un travailleur du secteur de la santé. Cette recommandation se fondait sur le projet de loi C‑434, un projet de loi d'initiative parlementaire présenté par mon collègue et ami du NPD, le député de Vancouver Kingsway.
Pour mettre en contexte la question du congé de maladie payé de 10 jours, les gens ne devraient jamais avoir à choisir entre leur revenu et leur santé. Depuis le début de la pandémie, le caucus du NPD exige que les libéraux offrent aux travailleurs 10 jours de congé de maladie payé.
Après avoir obtenu une première concession sur ce congé afin qu'il soit offert aux personnes atteintes de la COVID‑19, nous avons réussi à forcer les libéraux à offrir deux semaines de congé financées par le gouvernement fédéral par le truchement de la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique. Non seulement les néo-démocrates sont en faveur de 10 jours de congé de maladie payé, mais ce sont eux qui ont été à l'origine des appels en ce sens à la Chambre. Mon collègue de Rosemont—La Petite-Patrie s'est battu avec acharnement au comité, où il a déposé quatre amendements, dont deux ont été appuyés à l'unanimité et deux ont été rejetés.
Je crois qu'il est important de noter aujourd'hui que le NPD s'est battu pour des amendements qui ont été acceptés à l'unanimité. L'un d'eux prévoit qu'un employeur ne peut pas demander un certificat médical pour moins de cinq jours de maladie consécutifs. Il s'agit d'une mesure importante, car les intervenants disent que le fait de demander un certificat médical constitue un obstacle à l'utilisation de ces congés et que les gens préfèrent aller travailler plutôt que de courir après un rendez-vous pour obtenir ce certificat. De plus, nous savons que cela engorge inutilement le système de santé.
Le deuxième amendement qui a été adopté grâce au député prévoit que l'employé a droit à un jour de congé de maladie 30 jours après son embauche. Dans la version originale du projet de loi, c'était au début de chaque mois et, ainsi, une personne embauchée le 1er janvier aurait dû attendre jusqu'au 1er mars pour accumuler son premier jour de congé.
Les deux amendements visaient à rendre les jours de congé de maladie plus accessibles, et le NPD a fait pression à cet égard pour que le programme réponde mieux aux besoins des travailleurs. Il s'agit d'une victoire. La possibilité de prendre un congé de cinq jours consécutifs avant que l'employeur puisse demander un certificat médical sera d'une grande utilité.
Par contre, deux autres amendements ont été rejetés. Le premier amendement auquel les libéraux se sont opposés prévoyait que tous les employés auraient accès à quatre jours de congé de maladie payé dès leur embauche. Ils en auraient accumulé six autres, un par mois, comme le propose le projet de loi, jusqu'à concurrence de dix par année. Il est très important d'avoir quatre jours dès le départ, car les intervenants nous disent que les gens prennent très rarement un jour de congé et qu'il faut souvent quelques jours pour se remettre d'une maladie.
Le ministre, dans son témoignage d'hier matin, s'est dit ouvert à un tel amendement, en évoquant l'urgence du contexte actuel à cause du variant Omicron. En votant contre l'amendement, les libéraux ont refusé d'accélérer l'accès aux jours de congé de maladie payé en plein milieu d'un autre hiver sous le signe de la pandémie. Les travailleurs continueront donc à aller au travail lorsqu'ils seront malades puisqu'ils n'auront pas assez de jours de congé pour s'isoler à la maison. Ce sera le cas, au mieux, jusqu'au mois de novembre prochain. C'est irresponsable.
Le deuxième amendement auquel les libéraux se sont opposés allait accorder à tous les employés ayant deux ans ou plus d'ancienneté 10 jours de congé de maladie lorsque la loi entrerait en vigueur. Grâce à cet amendement, la majorité des employés relevant de la compétence fédérale auraient eu un accès immédiat à tous les avantages du programme. Puisque l'amendement a été rejeté, tous les employés commenceront à accumuler les congés comme s'ils venaient tout juste d'être embauchés. À mon avis, c'est précisément en raison de ces lacunes dans le filet de sécurité sociale que nous sommes toujours dans le pétrin avec des attaques ciblant nos hôpitaux et nos travailleurs de la santé.
La semaine dernière, j'ai demandé au député conservateur de se joindre à nous pour demander plus d'avancées et plus de protections. Nous avons l'occasion de faire un premier pas dans la bonne direction à la Chambre aujourd'hui, comme une sorte de négociation sectorielle informelle pour les travailleurs. Nous savons que ce sera une protection essentielle.
La dernière campagne électorale m'a donné l'occasion de parler avec les habitants de ma circonscription lorsque je faisais du porte-à-porte. C'est déchirant de penser que des gens que je connais comme étant rationnels, ma famille, les gens avec qui j'ai grandi et fréquenté l'école, et les voisins que je connais comme étant bienveillants et compatissants ont tous été manipulés par des discours populistes de droite, des escrocs et des agitateurs qui cherchent à profiter de cette période de souffrance profonde pour raconter des boniments ou se lancer dans une tournée nationale ciblant nos travailleurs de la santé de première ligne qui luttent contre les vagues successives de la COVID‑19.
Je veux dire à toutes les personnes submergées par la peur et plongées dans la confusion que je m'efforcerai de travailler plus fort comme député pour m'assurer que leurs besoins fondamentaux sont comblés et que les données probantes les plus à jour leur sont communiquées sans manipulation ni ingérence politique.
Je demande aux députés, qui ont souligné à juste titre l'existence de divisions au sein de notre pays, de reconnaître ce qui en est à l'origine. C'est l'incapacité de tous les ordres de gouvernement de répondre adéquatement aux besoins fondamentaux de toute la population, pas seulement depuis l'apparition de la COVID, mais depuis des décennies.
En terminant, je réaffirmerai simplement que ces trois parties du projet de loi C‑3 sont à la fois la cause et la conséquence de l'isolement social, de la marginalisation politique et de l'isolement économique ressentis par les gens ordinaires et, fort malheureusement, par nos travailleurs de la santé de première ligne. En prenant mieux soin d'eux, nous prendrons mieux soin les uns des autres.