Monsieur le Président, je partage mon temps de parole ce soir avec le député de Thunder Bay—Rainy River. Je participe aujourd'hui aux travaux de la Chambre depuis le territoire visé par le Traité Robinson-Supérieur, le territoire traditionnel de la Première nation Fort William.
Nous sommes profondément attristés et préoccupés par le nombre de personnes qui perdent la vie à cause des opioïdes et de la toxicomanie. C'est un grave problème qui touche toutes les régions du pays.
Avant la pandémie de COVID‑19, le Canada, à l'instar d'autres pays, était en pleine crise des opioïdes, mais la pandémie l'a aggravée. Les causes de cette crise sont nombreuses, mais ses répercussions sont dévastatrices pour beaucoup de personnes et de familles au Canada. Trop souvent, ce sont les Autochtones qui éprouvent une part disproportionnée de la douleur liée à cette crise.
La semaine dernière, j'ai discuté avec le chef Evan Yassie de la Première Nation des Dénés sayisi à la suite du décès tragique d'un jeune membre de la communauté. Le chef Yassie a qualifié à juste titre la situation d'épidémie dans une pandémie.
En 1956, la communauté des Dénés sayisi a été contrainte de s'installer ailleurs. Qu'est-ce que cela a signifié pour les proches du chef? Ils ont dû quitter une région riche en traditions, en aliments naturels et en sécurité. Ils ont été emmenés dans un nouvel endroit où il y avait moins de nourriture, peu ou pas d'abri, et aucun moyen pour la communauté d'affronter l'hiver rigoureux qui arrivait. La communauté a subi un traumatisme lié à son déménagement non pas une, mais deux fois, et comme le chef Yassie me l'a dit, de nombreuses personnes sont mortes de froid, de chagrin ou d'un traumatisme.
Leur communauté se trouve dans l'extrême nord du Manitoba et il n'y a aucune route toutes saisons. Les ressources sont livrées par avion et, pendant un nombre de plus en plus petit de semaines en hiver, elles sont transportées par camion sur des routes d'hiver. En raison de son éloignement, la communauté a dû rationner l'essence en attendant la route d'hiver de cette année, ce qui a eu des répercussions directes sur la capacité des membres à s'occuper les uns des autres, à effectuer des vérifications du bien-être et à se soutenir mutuellement.
En dépit de ces difficultés et de leur récente perte, le chef Yassie souligne que, à l'instar d'autres communautés autochtones, inuites et métisses, l'accès à des services de santé mentale adaptés à leur culture qui offrent des soins complets et qui permettent de renouer avec la culture et la terre est d'une importance capitale. Nous avons parlé du fait que nous ne pourrons pas nous sortir de cette crise si nous ne réduisons pas la demande, voire le besoin de consommer des substances pour autotraiter des traumatismes profonds et intergénérationnels.
Il est de notre devoir de reconnaître que l'acte de colonisation par voie de déplacement, de discrimination et de racisme systémique a causé des traumatismes intergénérationnels aux peuples autochtones et que des questions comme l'éloignement ne peuvent pas faire obstacle à notre engagement à faire tout ce que nous pouvons pour nous réconcilier. Pour nous réconcilier, nous devons progresser sur la voie de l'égalité, de la vérité, de l'autodétermination et des services qui ne sont pas eurocentriques, mais qui sont plutôt conçus par et pour les Autochtones, et qui reçoivent des fonds et des soutiens suffisants pour que les gens puissent y accéder.
Je travaille dans le domaine de la santé mentale et de la toxicomanie depuis longtemps. J’ai aussi des êtres chers qui sont toxicomanes, et j’en ai perdu quelques-uns. Je sais parfaitement bien qu’il n’existe pas une seule approche ou un seul programme qui réglera le problème. La prévention, par exemple, commence tôt. Tout commence par des logements adéquats et par l’accès à l’éducation, au développement des compétences et à des formes de soutien pertinentes sur le plan culturel. Il faut aussi veiller à ce que les enfants aient le meilleur départ qui soit. Cela nécessite une collaboration de tous les organismes, gouvernements et secteurs. Bien entendu, il faut que nous y mettions tous du cœur, à tous les niveaux, dans chaque communauté, et il faut que nous nous entraidions et que nous tendions bien l’oreille.
Mon ministère travaille en étroite collaboration avec ses partenaires des Premières Nations, des Inuits et des Métis pour améliorer la prestation des services. Qu’est-ce que cela signifie? Cela signifie un meilleur soutien et un accès élargi à des soins complets et adaptés sur le plan culturel. Cela signifie un traitement avec des médicaments, des pratiques traditionnelles, une guérison dans la nature, une gestion des cas, du counseling et des soins de suivi. Cela signifie de veiller à ce que les programmes financés par le gouvernement fédéral viennent appuyer les organismes avec assez de flexibilité pour qu’ils puissent aider les gens de manières qui leur permettent de rester en contact.
L’une des premières mesures du gouvernement en 2015 a été de rétablir les aides à la réduction des méfaits en tant que pilier principal de la lutte contre la crise des opioïdes. Quand quelqu’un décède d’une surdose, il est trop tard. Nous devons faire tout en notre pouvoir pour aider les gens à rester en vie pendant qu’ils cheminent vers le rétablissement, parce que le rétablissement est possible.
Voilà pourquoi l’un des autres principaux éléments de notre démarche est la collaboration. Tout le monde est touché, et nos partenaires en santé, en justice et de tous les ordres de gouvernement doivent faire des personnes et des familles leur priorité. Nous devons tous penser à ce que nous pourrions faire de plus pour aider les gens à trouver un traitement approprié et à persévérer, pour soutenir des familles ainsi que des groupes comme Moms Stop the Harm, et pour nous entraider afin de nous sortir de cette crise ensemble.
Comme on le sait bien, les traumatismes émotionnels doivent être compris et traités comme un facteur de risque afin que moins de gens soient confrontés à l'abandon et à l'isolement.
Une crise de cette ampleur exige nécessairement une réponse de l'ensemble de la société, y compris des représentants de tous les niveaux de la collectivité et du gouvernement. Il est de la plus haute...