Uqaqtittiji, je tiens d'abord à remercier mes concitoyens du Nunavut de m'avoir élue et de m'avoir accordé leur confiance. Je continuerai à travailler fort pour que leurs besoins soient satisfaits et qu'ils puissent se faire entendre.
Je souhaite également un bon retour à tous les députés. J'espère qu'ils ont passé un bel été et j'ai bon espoir que nous apporterons des changements qui auront des effets positifs sur les peuples autochtones et le Canada en général.
Je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui au nom des néo-démocrates au sujet du projet de loi C‑29, Loi prévoyant la constitution d’un conseil national de réconciliation. À la base, ce projet de loi découle des recommandations importantes formulées par la Commission de vérité et réconciliation dans ses appels à l'action. Je lui rends hommage pour son travail. Je crois sincèrement que la Commission a lancé ses appels à l'action en sachant que des changements systémiques seraient apportés.
Le projet de loi est susceptible de faire avancer les efforts de réconciliation pour le Canada et les personnes qui considèrent le Canada comme leur pays. Cependant, par souci de clarté, il faut apporter des modifications au libellé. Les termes utilisés ne sont pas assez fermes pour le rôle important qu'ils jouent. Il n'y a aucun renvoi aux importantes obligations juridiques définies par la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et la jurisprudence.
Il semble y avoir un décalage entre les recommandations qui sont sous la gouverne des Autochtones et la manière dont le gouvernement mettra en œuvre les changements requis. En l'absence d’un processus clair, la communication et les changements réalisables peuvent être négligés, comme c’est le cas depuis des décennies. Les néo-démocrates proposeront des changements pour que les Autochtones pilotent le dossier de la réconciliation et que le gouvernement mette en œuvre les recommandations formulées par le nouveau conseil. Le gouvernement doit entendre ce que les communautés autochtones ont à dire et apporter les changements à partir des solutions qui lui sont proposées.
Les peuples autochtones savent ce qu'il faut changer. En effet, le gouvernement du Canada a été informé des décalages existants. Le Canada devra dorénavant continuer d'améliorer ses rapports avec les peuples autochtones, tant sur le plan des relations que sur celui des perceptions. Les Autochtones ont fait de nombreux travaux de recherche sur la réconciliation et ils ont beaucoup milité pour elle. La réponse du gouvernement doit en tenir compte, et il faut que celui-ci se laisse désormais guider dans ses interventions. Pour concrétiser, mesurer et pérenniser la réconciliation, la création d'un conseil, étant donné le nombre de domaines visés, est essentielle.
Avant d'aborder certains de ces secteurs, je vais raconter une histoire personnelle. J'ai parlé à la Chambre de l'ingérence du gouvernement dans ma vie. Cet été, on m'a rappelé une partie de cette ingérence. Une ancienne enseignante a communiqué avec moi et m'a envoyé le courriel suivant: « Avez-vous été en 5e et 6e années à l'école Maani Ulujuk de Rankin Inlet pendant une partie de l'année scolaire? J'ai enseigné en 5e et 6e années et j'avais une élève dans ma classe, une adorable petite fille, qui un jour a été soudainement appelée au bureau par les services sociaux et mise dans un avion avec sa mère (et peut-être son frère) et envoyée quelque part, si je me souviens bien, à Pond Inlet. Je n'ai jamais su par la suite ce qui lui était arrivé. Est-ce que c'était vous? Cela s'est passé il y a 35 ans. » Ce qui est triste, en plus, c'est que ce n'était pas la première fois que l'on me retirait d'une classe pour m'envoyer dans une autre communauté.
Ayant raconté cela, je demande aux députés: que signifie la réconciliation? Malheureusement, mon histoire en tant qu'Autochtone n'est pas unique au Canada. Malheureusement, au sein des peuples autochtones, mon histoire n'est que trop courante.
Le gouvernement fédéral continue de s'opposer à une compensation pour les enfants des Premières Nations qui ont été victimes de discrimination en ayant été placés en famille d'accueil. Les changements dans l'accessibilité et l'abordabilité des logements, les occasions d'emplois fondées sur leurs compétences existantes et l'accessibilité linguistique aux services fédéraux sont des sources de grandes préoccupations.
Il faut mettre l'accent sur les services en santé mentale partout au pays. Les processus qui se sont révélés efficaces sont ceux qui respectent les pratiques autochtones. Il faudrait le reconnaître. Ce processus peut tenir compte du soutien en matière de justice sociale pour les victimes de crimes et du financement de ces services. Les besoins des Autochtones sont importants. Il s'agit des besoins qu'ils constatent et dont ils parlent.
Il doit y avoir des mécanismes plus fermes concernant les langues et tenant compte des lois autochtones. Pour de nombreux Canadiens, les deux seules langues officielles du pays sont l'anglais et le français. Comme de nombreux services fédéraux et territoriaux ne sont offerts que dans ces deux langues, bien des gens ne peuvent participer aux discussions qui sont essentielles et qui doivent inclure les personnes qui parlent des langues autochtones, dont l'inuktitut.
Le public devrait en apprendre davantage sur les cultures autochtones du point de vue des Autochtones. C'est essentiel à l'éducation de la prochaine génération afin de prévenir des atrocités comme celles qui ont déjà été perpétrées au Canada. C'est en apprenant l'histoire du point de vue des Autochtones et en tirant des leçons du passé que les Canadiens auront un avenir prometteur.
Nous préconisons l'adoption du projet de loi afin d'appuyer un processus de réconciliation mené par les Autochtones. Le projet de loi C-29 nous aiderait à faire face à ce qui s'est produit au Canada. Le Canada ignore les voix des peuples autochtones depuis trop longtemps. Les inégalités en matière de logement sûr et accessible et d'infrastructures véritables durent depuis trop longtemps.
Le gouvernement du Canada doit adopter une approche axée sur les droits pour que les efforts de réconciliation aient des effets positifs sur les peuples autochtones. Durant le débat, nous allons insister sur l'utilisation de tels instruments.
Il y a 94 appels à l'action. Ces appels à l'action doivent servir de cadre à la réconciliation.
Toutes les intentions de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones doivent être concrétisées. De nombreux éléments de la Déclaration sont extrêmement pertinents à la réconciliation au Canada. Je veux souligner en particulier l'accent qui est mis sur l'éducation, la santé et la sécurité sociale et économique. À l'article 21, on peut lire:
Les peuples autochtones ont droit, sans discrimination d’aucune sorte, à l’amélioration de leur situation économique et sociale, notamment dans les domaines [...] du logement, de l’assainissement, de la santé et de la sécurité sociale.
Enfin, un autre instrument sur lequel on devrait s'appuyer est la décision historique de la Cour suprême dans l'affaire concernant la nation haïda. Selon cet arrêt déterminant, la réconciliation doit être mise en place honorablement. Je cite l'arrêt Haïda:
La question décisive dans toutes les situations consiste à déterminer ce qui est nécessaire pour préserver l’honneur de la Couronne et pour concilier les intérêts de la Couronne et ceux des Autochtones.
J'ai essayé de répondre à mon ancienne enseignante qui a communiqué avec moi. J'étais tellement touchée que mon souvenir de l'ingérence du gouvernement, oublié depuis longtemps, soit bel et bien réel. C'était il y a tellement longtemps que je m'étais demandé si ce n'était pas un souvenir que j'avais inventé.
Je prends maintenant la parole devant les députés en tant que représentante élue des gens du Nunavut. En tant que députée autochtone, avec mon expérience et ma voix uniques, je suis ici parmi les députés en tant qu'égale. Je souhaite que nous soyons les parlementaires qui mettront fin à la privation des droits des peuples autochtones, qui les respecteront et les protègeront, et qui gouverneront en fonction des forces des Autochtones.
En créant ce conseil, le gouvernement fédéral doit mettre en œuvre ses recommandations. Avec un plan et un processus clairs, le Canada peut commencer à cheminer dans une nouvelle direction, en reconnaissant les torts du passé et en cherchant à rendre justice pour l'avenir...