Madame la Présidente, le gouvernement libéral a clairement annoncé ses couleurs. C'est l'amorce d'un conflit avec le Québec et les provinces, puisque cela signifie notamment un refus catégorique de toute augmentation du financement fédéral sans condition des soins de santé. Que cela plaise ou non au ministre du Patrimoine canadien, cela met la table à toute une chicane.
J'aborderai ce discours sous trois angles: le manque de mesures en santé, le manque de mesures en logements, ainsi que l'aide à nos entreprises, particulièrement celles qui seront touchées encore longtemps par les effets de la COVID‑19, notamment l'industrie touristique et culturelle.
Premièrement, en matière de santé, le gouvernement fédéral devrait s'occuper de ses affaires et de ce qui relève de son champ de compétence, comme l'approvisionnement en tests pour la COVID‑19.
Cependant, le gouvernement maintient l'indexation du Transfert canadien en matière de santé à 3 %, soit le minimum légal et en‑deçà de la hausse annuelle des coûts des soins, et ce, jusqu'en 2027. Pourtant, on ne le dira jamais assez, le Québec et les provinces réclament à l'unanimité un paiement immédiat de 28 milliards de dollars jusqu'à couvrir 35 % des coûts, suivi d'une indexation de 6 %.
Le message du gouvernement libéral est clair et limpide: parce qu'il juge avoir suffisamment dépensé l'an dernier pour la pandémie, il refuse de fournir sa part dans le financement des soins de santé. C'est un raisonnement bancal. Les dépenses liées à la COVID‑19 sont uniques et temporaires, tandis que le sous‑financement fédéral de la santé est un problème permanent qui étrangle les finances du Québec et des provinces. Ottawa perpétue donc le déséquilibre fiscal, mais, surtout, il fait fi des leçons qu'il aurait pu tirer de la pandémie.
En tant que porte‑parole des aînés, je ne peux que déplorer que les victimes auraient mérité qu'on cherche à ne plus reproduire ces drames. En tant que porte‑parole de la condition féminine, je trouve triste qu'un gouvernement qui se dit féministe n'ait pas entendu l'appel à l'aide du personnel soignant, lequel est composé majoritairement de femmes qui sont au front depuis mars 2020 en raison de cette pandémie.
Le Bloc québécois n'abandonnera pas son combat aux côtés du Québec et des provinces pour une augmentation durable et sans condition du financement fédéral des soins de santé.
Deuxièmement, parce qu'il s'agit d'un autre problème qui demeure criant au Québec, il faudrait s'attaquer à l'offre de logements. Aujourd'hui, pour faire face à la crise, le Québec aurait besoin — ce n'est pas rien — d'environ 50 000 nouveaux logements sociaux, communautaires ou réellement abordables. Je peux en témoigner, puisque Granby a un des taux d'inoccupation les plus bas au Québec. Je participe d'ailleurs à un comité où la Ville et des organismes communautaires travaillent fort pour tenter de trouver des solutions. Il n'existe toutefois pas de baguette magique: le fédéral doit suivre et agir.
Entre 2011 et 2016, sous les conservateurs, le nombre de logements locatifs abordables dans le marché privé pour les ménages ayant les besoins les plus grands a diminué de 322 600, et cette tendance semble vouloir se poursuivre.
En ce moment, les libéraux mettent l'accent sur un paquet de programmes et d'initiatives qui touchent toutes les variables du marché du logement, à part ce qui est le plus important, c'est-à-dire davantage d'offres et davantage de logements. Mettre plus d'argent dans les mains des acheteurs de première maison, notamment en doublant le crédit d'impôt pour l'achat d'une première habitation, n'aidera en rien à augmenter l'offre de logements sociaux ou réellement abordables.
La Banque Scotia estime qu'il faudrait construire 1,8 million de logements de plus pour avoir un stock équivalent à celui des pays du G7. Cela donne une indication du gouffre à combler. Ce n'est donc pas un hasard si le plus récent rapport d'août 2021 du directeur parlementaire du budget prévoit que le nombre de ménages canadiens ayant besoin d'un logement abordable passera également à environ 1,8 million d'ici cinq ans, à moins que davantage de fonds ne soient consacrés à ce problème.
II faut comprendre que, si l'offre de logements est le cœur du problème, c'est le logement social et communautaire qui doit être priorisé, et non la vision canadienne‑anglaise d'un logement dit « abordable » qui est de plus en plus désuète, surtout dans un marché en surchauffe.
Malgré la hausse faramineuse du prix des maisons, le problème de logement qui sévit au Québec et au Canada touche beaucoup plus le marché locatif que le marché immobilier. C'est pourquoi l'indicateur le plus important sur lequel il faut venir jouer est l'offre de logements, et particulièrement les logements destinés aux plus vulnérables, qui sont de plus en plus nombreux. La priorité doit donc être le logement social et communautaire.
Présentement, la stratégie des libéraux est pêle‑mêle. Plusieurs de leurs initiatives sont des fiascos. Nous en sommes déjà à la moitié de la durée prévue de la Stratégie nationale sur le logement. Pourtant, selon un récent rapport du directeur parlementaire du budget, les programmes dédiés spécifiquement à la construction de logements ont dépensé moins de 25 % de leur enveloppe budgétaire.
C'est maintenant qu'il faut construire. Cela ne se fait pas en claquant des doigts. Si on veut pouvoir se sortir de ce bourbier, il faut, de façon exponentielle, davantage de logements, et particulièrement des logements sociaux et communautaires.
La Stratégie nationale sur le logement, lancée en novembre 2017, témoigne d'une bonne compréhension des impacts du logement hors Québec, mais elle ne tient pas compte de la façon de faire du Québec et du programme AccèsLogis Québec.
Plutôt que de miser sur ce qui fonctionne et de promouvoir ce qui marche, le fédéral veut imposer sa vision, même si ses programmes ne répondent pas à nos besoins ou à nos réalités, et met même l'accent sur le concept de logement abordable au détriment du logement social et communautaire.
Les sommes débloquées sont insuffisantes et utilisées de manière inefficace. Le logement est une compétence exclusive du Québec et des provinces. Puisque les besoins en matière de logement varient beaucoup en fonction du contexte sociodémographique, les gouvernements provinciaux et municipaux, par leur proximité avec les enjeux locaux, sont dans une meilleure posture pour évaluer et cerner les besoins de leur population.
Troisièmement, parlons d'aide aux entreprises. Le Compte d'urgence pour les entreprises canadiennes, ou CUEC, est une mesure conçue pour offrir aux petites et moyennes entreprises des prêts sans intérêts assortis de la possibilité d'une exonération partielle du remboursement, afin de les aider à payer les dépenses qui ne pouvaient être évitées ou reportées pendant qu'elles composaient avec les fermetures découlant des mesures sanitaires instaurées pour ralentir la propagation de la COVID‑19.
Depuis le lancement de ce programme, le Bloc québécois demande des modifications aux programmes d'aide afin de mieux répondre aux besoins des entreprises. Nous avons notamment exigé une plus grande souplesse des critères d'admissibilité. Nous avons rapidement parlé de l'endettement des entreprises. Un sondage mené par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, ou FCEI, en décembre dernier révèle que plus du quart des PME québécoises risquent de ne pas traverser l'année 2022. Plus de la moitié des PME n'avaient pas retrouvé leur niveau de ventes normales et l'endettement moyen pour une PME au Québec frôlait alors les 100 000 $, pouvant même atteindre les 206 944 $ pour un restaurant avec une salle à manger.
Selon la FCEI, en date du 31 octobre, 1 454 dossiers d'insolvabilité ont été déposés par des entreprises au Québec seulement, ce qui représente 60 % de l'ensemble des dossiers déposés au Canada. Soulignons que les petites entreprises contribuent pour 30 % du PIB du Québec. Nous sommes fiers de nos modèles de PME.
II est clair que les mesures qui n'offrent que plus d'endettement aux entreprises ne suffisent pas. Nous voyons donc d'un bon oeil cette mesure qui vient prolonger le délai de remboursement, permettant ainsi une radiation de prêt pour l'entreprise.
Un autre élément important serait l'inclusion aux programmes des entreprises qui ont amorcé leurs activités après le début de la pandémie. On peut penser aux entreprises en démarrage. Le Bloc québécois a déjà fait part d'autres idées pour améliorer la situation des PME, notamment un support pour le commerce en ligne et des frais de traitement de paiement par carte. Nous demandons au gouvernement de négocier avec les émetteurs de cartes des frais moins élevés pour les transactions faites en ligne.
En conclusion, le Bloc québécois continuera d'être présent pour les entreprises et pour les citoyens du Québec, car les défis à venir demeurent nombreux: inflation et pénurie de main-d'œuvre. Le Bloc québécois sera en mode solution, collé aux besoins et aux demandes du Québec.
En ce qui concerne les demandes du Québec, j'ai une dernière chose à dire: nous avions des inquiétudes quant au respect des compétences du Québec, qui semblent outrepassées dans plusieurs des mesures du projet de loi. C'est la raison pour laquelle nous avions voté en faveur du principe, afin de mieux comprendre la portée de certaines parties du projet de loi C‑8.
Or, au fil des témoignages et des réponses du gouvernement en comité, nous sommes venus à la conclusion que l'on empiète bel et bien dans les champs de compétences du Québec. C'est d'ailleurs la toute première fois que le gouvernement fédéral ose s'ingérer dans le domaine des taxes foncières en voulant pénaliser les propriétaires de résidences secondaires non résidants et non canadiens.
L'intrusion ne peut pas être plus claire. Cet empiétement a d'ailleurs été très bien démontré et expliqué par le constitutionnaliste Patrick Taillon, qui a témoigné devant le Comité permanent des finances février 2021.
Nous avions déposé un seul amendement dans le but de corriger cette situation. Nous avions tenté de trouver un compromis en proposant des mesures sur les taxes foncières pour que cela puisse s'appliquer aux provinces qui n'en voulaient pas. Malheureusement, sans même être débattu, l'amendement du Bloc québécois a été jugé non conforme par le président libéral du comité.
Une fois de plus, ce gouvernement tente de s'ingérer dans ce qui ne le regarde pas. Qu'il se mêle de ses affaires.