propose que le projet de loi C‑321, Loi modifiant le Code criminel (voies de fait contre une personne qui fournit des services de santé ou un premier répondant), soit lu pour la troisième fois et adopté.
— Madame la Présidente, c'est un grand honneur pour moi de prendre à nouveau la parole dans cette enceinte pour parler d'un projet de loi qui me tient particulièrement à cœur. Je veux parler aujourd'hui au nom des centaines et des milliers d'hommes et de femmes courageux qui sont les héros de nos villes; il s'agit du personnel infirmier, des travailleurs de la santé, des pompiers, des ambulanciers, des premiers intervenants et des agents des services correctionnels.
Le projet de loi C‑321, Loi modifiant le Code criminel en ce qui concerne les voies de fait contre une personne qui fournit des services de santé ou un premier répondant, modifierait le Code criminel en ajoutant l'article 269.02, qui ferait d'une infraction contre un fournisseur de soins de santé ou un premier intervenant une circonstance aggravante au moment de la détermination de la peine. Nos professionnels de la santé et nos premiers intervenants doivent avoir l'assurance que s'ils sont attaqués, agressés ou harcelés dans l'exercice de leurs fonctions, il existe un mécanisme juridique solide pour leur faire justice. Dans l'état actuel des choses, cette protection n'existe tout simplement pas.
Le projet de loi C‑321 aurait trois objectifs principaux. Premièrement, cette mesure aurait un puissant effet dissuasif sur les personnes qui cherchent à commettre des actes de violence contre nos héros de première ligne; deuxièmement, il signalerait aux travailleurs de première ligne que nous les apprécions, que nous veillons sur eux et que le système judiciaire les protégera; et troisièmement, il contribuerait à donner du poids à l'idée de tenir une conversation nationale nécessaire afin de commencer à rendre ces lieux de travail plus sûrs. En d'autres termes, le projet de loi C‑321 vise à protéger ceux qui nous protègent. On ne saurait trop insister sur son importance.
Les fournisseurs de soins de santé et les premiers intervenants sont véritablement des héros canadiens. Ils mettent leur vie et leur sécurité personnelle en jeu chaque jour. Combien de personnes peuvent en dire autant? Nous sommes tombés bien bas lorsqu'il est rendu acceptable de chasser et de cibler les pompiers, qui essaient simplement de sauver des vies ou de chasser et de cibler les infirmières et les ambulanciers, qui essaient simplement de prodiguer des soins aux malades et aux blessés. Ce sont nos héros de première ligne, et la réalité est qu'ils doivent faire face à ces événements traumatisants chaque jour.
Les pompiers, les policiers, les agents correctionnels, les infirmiers et les médecins revêtent leur uniforme chaque jour pour nous servir, nous et nos familles. Ils le font en sachant qu'ils seront confrontés à la violence et au harcèlement; ils s'y attendent. Ils soignent nos blessures. Ils se précipitent dans des bâtiments en feu. Ils se précipitent vers le danger alors que les autres s'enfuient. Ils consacrent leur vie à nous protéger et à protéger les personnes qui nous sont chères: nos voisins, nos amis, nos familles. Qui les protège? Pour l'instant, il n'y a personne.
Tout le monde mérite d'avoir un lieu de travail exempt de violence et d'abus. Lorsqu'une personne entame une carrière en tant que professionnel de la santé ou premier intervenant, elle le fait pour servir sa collectivité et améliorer la vie des gens. Il n'est écrit nulle part dans la description du poste que l'on doit accepter une vie de violence, d'abus et de harcèlement. Depuis quand la violence en milieu de travail est-elle devenue la norme? Nous ne pouvons plus tolérer cette situation. Nous devons agir.
Bon nombre d'hommes, de femmes, d'infirmiers, d'ambulanciers paramédicaux, de pompiers et d'agents correctionnels exceptionnels m'ont fait part de leurs histoires personnelles, et je suis sûr qu'ils ont fait de même avec beaucoup de nos collègues. Nous ne pouvons pas allumer la télévision ou parcourir les médias sociaux sans voir une nouvelle histoire d'attaque violente contre un ambulancier paramédical ou un infirmier.
Récemment, j'ai visité un établissement médical où j'ai vu un membre du personnel infirmier qui avait été violemment attaqué. C'était horrible de voir cette jeune personne complètement meurtrie. Elle essayait simplement de prendre la température d'un patient. Lorsque j'ai parlé avec son superviseur, j'ai appris que c'était le deuxième incident violent en un mois. C'est fou de constater la gravité de la situation, lorsque nous voyons des ambulanciers paramédicaux contraints d'enfiler un gilet pare-balles pour commencer leur quart de travail et réussir à le terminer.
Quand on entend de telles histoires, on ne sait pas comment réagir. Il est difficile d'imaginer ce que vivent ces gens. Ces histoires sont difficiles à entendre. Ce que je sais, c'est que nous devons agir. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour améliorer la vie de ces héros. Qu'il s'agisse d'un infirmier, d'un aide-soignant, d'un ambulancier paramédical, d'un pompier, d'un agent correctionnel ou d'un infirmier en psychiatrie, ces personnes font quotidiennement face à une violence croissante dans l'exercice de leurs fonctions. Il faut qu'elles sachent que l'on tient à elles et que quelqu'un les soutient. Il faut qu'elles sachent que quelqu'un se bat pour elles.
Nous pouvons être leurs champions en tant que parlementaires. Nous disposons du pouvoir constitutionnel exclusif de créer des lois et nous devons l'utiliser pour montrer au monde que, au Canada, la violence perpétrée contre les fournisseurs de soins de santé et les premiers intervenants est inacceptable. Nous ne la tolérerons pas. Au contraire, nous nous y opposerons fermement.
J'exhorte tous ceux qui nous regardent ou qui nous écoutent en ce moment à consulter les témoignages livrés lors de l'étude du projet de loi C‑321 au comité de la justice. Certaines des histoires que ces courageux ambulanciers paramédicaux, infirmiers et pompiers nous ont racontées étaient absolument horribles. Je tiens maintenant à citer certains témoignages pour mes collègues ici présents.
Voici un extrait du témoignage de Mme Elizabeth Donnelly, professeure associée à l'Université de Windsor et membre du Groupe de recherche sur la violence dans le secteur paramédical:
La violence subie par les ambulanciers paramédicaux est trop souvent passée sous silence, en partie à cause de la culture du silence, mais aussi parce qu'on en est venu à penser que tolérer la violence fait partie des compétences professionnelles attendues dans ce milieu.
Les signalements des cas de violence sont [graduellement] en hausse et, bien qu'ils soient encore nettement insuffisants, notre recherche a établi que les ambulanciers paramédicaux signalent un cas de violence toutes les 18 heures, une agression toutes les 46 heures et un acte violent résultant en dommage physique tous les 9 jours.
Mme Linda Silas, présidente de la Fédération canadienne des syndicats d'infirmières et infirmiers, a déclaré ceci:
Les faits sont choquants. [...] Les deux tiers des répondants à un sondage pancanadien réalisé en 2023 auprès du personnel infirmier déclarent avoir subi une agression physique au cours de l’année écoulée et 40 % déclarent être victimes d'agression physique plus d'une fois par mois dans le cadre de leur travail.
Elle a ajouté ceci:
L’exposition à la violence est un prédicteur de problèmes de santé mentale, y compris de trouble de stress post-traumatique. [...] 78,5 % [des membres du personnel infirmier] déclarent avoir des symptômes d’épuisement professionnel. Ces données ressemblent à celles du personnel de la sécurité publique.
Danette Thomsen, qui est membre du syndicat des infirmières et infirmiers de la Colombie‑Britannique, a déclaré ceci:
Et que dire de l'infirmière en région rurale de la Colombie‑Britannique qui, en janvier dernier, a été agressée après être entrée dans la chambre d'une patiente? Pouvez-vous imaginer être maintenu sur une chaise, recevoir coup sur coup, vous faire arracher des poignées de cheveux, en attendant désespérément d'être secouru par la GRC?
Paul Hills, président de l'Association des paramédics de Saskatoon et membre de l'Association internationale des pompiers, a dit ce qui suit au sujet de ce que vivent les ambulanciers paramédicaux du Canada au quotidien:
Nous commençons normalement notre quart de travail de 12 heures par une réunion d'équipe. Nous vérifions nos camions, puis nous partons rapidement. Les pauses sont rares. Contrairement au travailleur moyen, nous n'avons pas le temps de déjeuner, de dîner ou de souper, et nous devons faire face aux situations les plus horribles et déchirantes de la société: des incidents impliquant des enfants poignardés par leurs parents ou des familles qui meurent tragiquement dans des collisions automobiles.
Il a ajouté:
Des membres de gangs ont menacé ma vie et celle des membres de ma famille. On m'a menacé à la machette et au couteau. J'ai dû retirer des armes à feu à certains patients pour répondre à leurs besoins médicaux.
Il a poursuivi ainsi:
À Toronto, il y a à peine deux semaines, un pompier qui tentait d'éteindre un incendie dans un campement a été attaqué avec un tuyau en PVC de six pieds et frappé au visage sans aucune raison.
En Colombie‑Britannique, les interactions avec les patients victimes de surdose deviennent violentes ou agressives une fois que nous leur avons prodigué les soins médicaux nécessaires pour leur sauver la vie.
À Winnipeg, un pompier a été poignardé dans le dos alors qu'il s'occupait d'un patient sur un trottoir.
Je pourrais passer le reste de l'heure à parler d'événements, d'actes violents ou d'accidents évités de justesse — mon collègue ici présent aussi —, mais ce qu'il faut retenir, c'est que c'est la réalité. C'est ce qui se passe actuellement sur le terrain.
Si ces témoignages ne suffisent pas, je ne sais pas ce qui pourrait suffire. La violence que nos fournisseurs de soins de santé et nos premiers intervenants vivent au quotidien a des conséquences invisibles qui dépassent les risques physiques. Les recherches montrent de plus en plus qu'être exposé à de la violence peut entraîner des taux plus élevés de dépression, d'anxiété, de stress, d'idées suicidaires et d'épuisement professionnel.
Voici un fait d’une importance capitale: une personne qui est exposée à la violence au travail risque davantage de quitter son emploi. Nous vivons à une époque où nous avons plus que jamais besoin de nos fournisseurs de soins de santé et de nos premiers intervenants. Toutefois, les infirmiers, les ambulanciers, les pompiers, et j’en passe, cherchent à quitter leur emploi pour cesser de subir les mauvais traitements dont ils sont victimes. La violence et les mauvais traitements auxquels ils sont constamment exposés mènent à la peur, à une grande fatigue et à l’épuisement professionnel. De plus, cela entraîne de graves problèmes de moral du personnel et de recrutement. Pourquoi ces employés voudraient-ils rester? Comment les employeurs vont-ils convaincre quelqu'un d’accepter un emploi dans ces conditions? Pourquoi devrions-nous nous attendre à ce que les travailleurs essentiels continuent de se dévouer, jour après jour, pour nous, sans remerciements ni reconnaissance, si nous ne nous battons pas pour eux?
Nos héros de première ligne ont besoin de notre soutien. Ils ont besoin d’être reconnus. Ils ont besoin de notre aide. Le projet de loi C‑321 est le premier pas nécessaire pour atteindre ces objectifs. Nombreux sont ceux qui ont un rôle à jouer pour résoudre cette crise, et chacun doit faire sa part. Il est facile de parler. Les solutions que nous, les parlementaires, pouvons offrir sont limitées, mais nous devons au moins faire ce qui est en notre pouvoir. Nous pouvons agir en modifiant le Code criminel et en adoptant le projet de loi C‑321 dès maintenant. Je ne pense pas qu'il s'agit d'une question controversée. Nous voulons tous unir nos efforts de façon non partisane pour améliorer le sort de nos fournisseurs de soins de santé et de nos premiers intervenants.
Nous avons déjà entendu des discours et des témoignages selon lesquels le projet de loi C‑321 vient compléter les changements apportés dans le précédent projet de loi C‑3. Nous savons aussi que le projet de loi C‑321 découle des recommandations formulées en 2019 par le Comité permanent de la santé dans son rapport sur la violence subie par les premiers intervenants. Nous savons que les groupes d'intervenants concernés appuient massivement ce projet de loi. Si les sanctions prévues en cas de voies de fait étaient déjà assez dissuasives, ce débat n'aurait pas lieu d'être. Il est toutefois clair, comme l’ont dit de nombreux témoins devant le comité de la justice, que les dispositions actuelles de la loi n'ont pas un effet dissuasif assez puissant pour freiner la multiplication des cas de violence à l'endroit des fournisseurs de soins de santé et des premiers intervenants.
C'est pourquoi l'Association internationale des pompiers appuie publiquement et ouvertement le projet de loi, et elle est loin d'être la seule. L'Association canadienne des chefs de pompiers, l'Association des paramédics du Canada, les ambulanciers paramédicaux de la Colombie-Britannique, le Syndicat des agents correctionnels du Canada, l'association des paramédics de l'Ontario, les Chefs paramédics du Canada, l'Association des chefs de pompiers du Manitoba, l'association des paramédics de Saskatoon, le syndicat des infirmières et infirmiers de la Colombie-Britannique et la Fédération canadienne des syndicats d'infirmières et d'infirmiers accordent tous un appui considérable à ce projet de loi. Il est impératif que nous écoutions ce que ces intervenants nous disent. Ils nous demandent de les aider et de travailler ensemble pour trouver une solution.
D'innombrables organisations régionales, provinciales, nationales et internationales se sont ralliées à cette initiative, et nous savons que le public canadien y est également très favorable, comme le révèle un sondage réalisé par Abacus Data en novembre, qui montre que 83 % des Canadiens sont favorables à ce que le Code criminel reconnaisse comme circonstance aggravante le fait qu'une agression soit commise contre un fournisseur de soins de santé ou un premier intervenant.
Nous devons faire ce premier pas pour montrer aux héros de première ligne que nous les comprenons, que nous sommes là pour eux, que nous les estimons énormément, que nous les soutiendrons toujours, que nous les apprécions et que nous nous battrons pour les protéger. C'est notre devoir. Les fournisseurs de soins de santé et les premiers intervenants doivent savoir que le Parlement, la Chambre des élus et, plus important encore, le système judiciaire les soutiennent et ne les laisseront plus passer entre les mailles du filet.