Monsieur le Président, j'ai l'habitude de commencer mes discours en disant que je suis heureuse de participer au débat d'un projet de loi.
Aujourd'hui, je suis obligée de dire que je suis vraiment déçue de devoir de nouveau venir débattre d'un projet de loi qui, comme on le sait, touche les travailleurs malades qui ont besoin de plus de 15 semaines de prestations spéciales de maladie de l'assurance-emploi.
Lors de la dernière législature, j'ai eu le privilège de déposer un projet de loi semblable à celui de mon collègue de Lévis—Lotbinière. Nous avons tous les deux la même sensibilité à l'égard du fait que les personnes qui ont travaillé et cotisé durant toute leur vie n'ont pas choisi d'être malades ou d'être affligées d'un cancer, par exemple. Elles méritent mieux qu'un soutien de 15 semaines.
Aujourd'hui, et c'est très bien documenté, les travailleurs ont souvent besoin de plus de 15 semaines pour être capables de se guérir. Ils doivent lutter contre la maladie, recevoir les traitements, se guérir et reprendre les forces nécessaires pour revenir au travail. Personne ne choisit d'être malade.
Comme je le disais d'entrée de jeu, je suis toujours bien heureuse de débattre. Toutefois, aujourd'hui, je suis terriblement déçue. Je pourrais même dire que je suis un peu en colère, parce qu'on perd du temps. Cela fait depuis au moins 2011 que les différents partis, tant le Parti conservateur que le Bloc québécois et le NPD, et même le Parti libéral quand il était dans l'opposition, semblent tous d'accord pour dire qu'il est temps et nécessaire de procéder à une modification à la Loi sur l'assurance-emploi pour permettre aux travailleurs malades de bien passer au travers de la maladie.
Je suis déçue parce que, comme on le sait, j'ai présenté le projet de loi C‑265 lors de la dernière législature. Il a été adopté en deuxième lecture. Nous l'avons donc travaillé en comité. Cela a été une super expérience pour moi. C'était la première fois que j'avais l'occasion de débattre devant les parlementaires de tous les partis et d'écouter les témoins venir nous parler en comité du projet de loi C‑265. Nous débattons aujourd'hui du projet de loi C‑215, qui est pratiquement le même projet de loi. Je partage cette expérience avec mes collègues, parce que l'étude en comité est vraiment le lieu particulier et privilégié pour approfondir le débat et améliorer le projet de loi.
On s'entend pour dire que le projet de loi C‑215 n'est pas un gros projet de loi. Il vise à modifier un seul article de la Loi sur l'assurance-emploi. On demande de faire passer les prestations de 15 semaines à 52 semaines. Lors de la dernière législature, quand nous avons débattu en comité, nous avons entendu toutes sortes de témoins. Je dirai bien sincèrement que je n'ai pas vu de résistance majeure dans le fait de faire passer les prestations de 15 semaines à 50 semaines.
Ce qui a beaucoup attiré mon attention, c'est l'étude du directeur parlementaire du budget. Selon cette étude, nous aurions collectivement les moyens d'offrir aux travailleurs les plus vulnérables le soutien nécessaire pour qu'ils puissent revenir au travail. Le directeur parlementaire du budget a dit et a bien documenté le fait qu'une petite augmentation des cotisations, qui n'est pas très grande dans la vie de tous les employeurs, permettrait à des milliers de travailleurs malades d'être accompagnés financièrement.
Nous connaissons tous des gens de notre entourage qui ont dû passer au travers d'un processus de guérison ou de lutte contre le cancer. On sait que certains cancers peuvent être guéris en 15 semaines. Or, il faut se le dire, si on a le malheur d'être atteint de certains cancers, comme celui du côlon ou du rectum, on a besoin de 30 à 37 semaines de soutien financier pour passer au travers. C'est documenté scientifiquement. Les technologies et la science avancées permettent de guérir de plus en plus de gens qui sont atteints de cancers, mais il faut toujours bien prendre le temps de les traiter.
Quand on en vient aux travailleurs honnêtes qui font partie de la catégorie des travailleurs les plus vulnérables, de ceux qui n'ont pas d'assurance collective ni le soutien nécessaire de leur employeur, il est assez honteux pour un pays riche comme le nôtre de les laisser tomber.
Je dis souvent à la blague qu'en un claquement de doigts, le gouvernement pourrait par décret ministériel décider qu'on passe de 15 à 50 ou 52 semaines.
Il deviendrait humain et sensible s'il disait, après avoir écouté les témoins et le directeur parlementaire du budget, qu'il est vrai qu'il présente des projets de loi depuis 10 ans, année après année, que cela suffit et qu'il va adopter le projet de loi C-215 ou encore lui accorder la recommandation royale rapidement pour sécuriser les travailleurs malades qui suivent le débat d'aujourd'hui et qui ne comprennent pas ce qui se passe.
Personnellement, je me demande pourquoi le gouvernement n'agit pas dans ce dossier. On se souvient que le projet de loi C‑30 qu'on a adopté l'année passée contenait une disposition prévoyant qu'on passerait de 15 à 26 semaines de prestations en 2022. Pourquoi attendre si longtemps? Qu'est-ce qui justifiait cela?
Le projet de loi C-30 a reçu la sanction royale le 29 juin 2021, il y a presque un an. Pourtant, encore aujourd'hui, je suis en train d'essayer de convaincre mes collègues que ce manque d'action n'a pas de sens. Ce sont surtout mes collègues d'en face que j'essaie de convaincre parce que ce sont eux qui résistent. Je sais que les banquettes des libéraux devant moi sont remplies de députés sensibles qui ont de la compassion pour les gens malades. Cependant, qu'est-ce qui fait que le Conseil des ministres oppose tant de résistance?
J'ai mes hypothèses, mais je me demande bien quel lobby murmure au Conseil des ministres de retarder cela au maximum. Ce sont peut-être les compagnies d'assurance, à moins que ce ne soit le patronat. Je n'en ai aucune idée, mais je rappelle que même le patronat a laissé savoir qu'il n'était pas opposé à la prolongation des semaines de prestations spéciales de l'assurance-emploi.
Je me demande donc qui, parce qu'il est incompréhensible que je me retrouve aujourd'hui, le 13 juin, à encore faire des discours sur un projet de loi qui veut protéger et soutenir nos travailleurs les plus vulnérables.
Je voulais remercier mon collègue de Lévis—Lotbinière de ne pas avoir abandonné et d'avoir de nouveau présenté son projet de loi, ce qui permet de braquer les projecteurs sur les banquettes du gouvernement libéral pour bien leur faire comprendre que cette question n'est pas partisane. Il s'agit d'un projet de loi qui parle d'humanité, de compassion et de compréhension du statut d'un travailleur qui est gravement malade. Peut‑être saurons-nous un jour qui empêche le gouvernement d'aller de l'avant plus rapidement.
Il est question d'une entrée en vigueur à l'été 2022. Or, selon mon adjoint Charles, les fraises du Québec sont arrivées, et l'été avec elles. Si c'est l'été, pourquoi n'a-t-on toujours pas d'annonce rapide du gouvernement pour accorder la recommandation royale au projet de loi C‑215 afin de pouvoir offrir à tous nos travailleurs vulnérables et gravement malades tout le soutien dont ils ont besoin pour lutter contre leur maladie, la vaincre et réintégrer le marché du travail?
Je fais appel à la compassion et à l'humanité des députés libéraux d'en face.