Monsieur le Président, aujourd'hui, nous sommes le 6 décembre et, comme mes collègues, je vais prendre quelques moments pour penser aux victimes de la tuerie de l'École polytechnique et à leurs proches. À l'époque, j'avais 12 ans. J'ai, heureusement ou malheureusement, une excellente mémoire, notamment celle des émotions. Je me souviens avec une grande clarté du stress, de la détresse et de l'incompréhension que j'ai vécus à 12 ans en constatant que des femmes pouvaient être assassinées simplement parce qu'elles étaient femmes. Je pensais que c'était exceptionnel, mais je me rends compte aujourd'hui que cela arrive encore trop souvent, malheureusement.
J'ai déjà posé des questions à la Chambre depuis le début de la présente législature, mais, puisqu'il s'agit aujourd'hui de mon premier discours, je prends aussi le temps de remercier les citoyens de Beauport-Limoilou qui m'ont élue et me permettent maintenant de continuer à les servir et à les représenter. Je remercie aussi mes bénévoles, qui ont été d'un soutien incomparable durant cette deuxième campagne que j'ai vécue. Je parle d'un soutien incomparable en pensant à comment s'était passée ma première campagne: nous étions deux. Je les remercie infiniment, car ils ont apporté toute une contribution, étant présents même les journées de canicule. C'est extraordinaire.
J'aimerais enfin saluer mes amours: Pierre, Zoé, Louis, Benoît et Simon. Mes amours sont extraordinaires et, sans eux, ma vie ne serait tout simplement pas belle. Je les aime fort.
Je pourrais parler encore longtemps de l'aide que j'ai reçue durant la campagne et de toute ma reconnaissance envers chacune des personnes de 18 à 77 ans qui a offert de son temps précieux. Aujourd'hui, tout comme ces personnes m'ont aidée, c'est à mon tour d'aider à améliorer la vie des gens en apportant mes réflexions sur le projet de loi C-3, Loi modifiant le Code criminel et le Code canadien du travail.
Je dois avouer qu'à la lecture du préambule et des huit articles du projet de loi, je me suis d'abord demandé comment ce projet de loi allait vraiment aider les gens. Je reprends donc ici l'analyse rapide que j'en ai faite en le lisant.
L'article premier ajoute dans les définitions d'infraction celle sur l'intimidation dans les services de santé. En somme, on précise que l'intimidation dans un contexte de services de santé constitue une infraction. Ce n'est là qu'un ajout à une longue liste de ce qui est considéré comme étant une infraction. II y aurait certainement moyen de simplifier tout cela en précisant que toute forme d'intimidation, peu importe le statut ou l'emploi qu'occupe une personne, est une infraction. Cependant, il s'agissait ici d'une promesse électorale, j'en conviens. Ainsi, préciser envers qui l'intimidation est une infraction fait bien paraître dans la situation dans laquelle nous vivons aujourd'hui.
Le deuxième article du projet de loi insère une nouvelle disposition au Code criminel, soit le paragraphe 423(2). Ce dernier précise que l'intimidation est une infraction lorsqu'elle est commise envers une personne qui demande des soins de santé — un patient —, un professionnel de la santé ou toute personne travaillant à soutenir un professionnel de la santé. Cela inclut donc les préposés, les adjointes administratives, les concierges, et j'en passe.
En somme, toute intimidation ayant pour but d'empêcher une personne de recevoir des soins de santé ou d'en donner est une infraction. À mon avis, cet article tombe sous le sens, et ce, non seulement concernant la vaccination, mais également en lien avec d'autres situations déplorables que les patients et le personnel des services de santé peuvent vivre.
Pensons par exemple aux femmes qui vont dans une clinique de planification familiale et qui se font accueillir par des gens qui hurlent et crient de colère. Pensons à ces personnes et au personnel de la clinique, qui voient cette dernière être vandalisée ou leurs pneus de voiture être crevés. Tous ces actes sont inadmissibles et manquent singulièrement de civilité, de respect et de dignité, en plus d'avoir un effet négatif sur la santé physique et psychologique des victimes de ces actes.
Le nouvel article 423.2, aux deuxième et troisième paragraphes, précise que le fait de bloquer l'accès à un lieu où sont donnés des soins de santé constitue une infraction et qu'une peine maximale de 10 ans peut maintenant être donnée à une personne coupable de cette infraction. Ici, je me suis questionnée. Qu'en est-il des travailleurs faisant la grève devant leur lieu de travail? Leur droit de grève sera-t-il respecté ou sera-t-il considéré comme une forme d'intimidation?
La question se pose, d'autant plus que le projet de loi C-3 précise qu'une personne ne peut pas être considérée comme coupable si elle va sur les lieux d'une manifestation pour donner ou recevoir des informations. Par exemple, on peut penser à un journaliste. S'il est précisé qu'une personne allant chercher ou recevoir des informations ne peut pas être déclarée coupable d'infraction, pourquoi n'est-ce pas précisé qu'une personne exerçant son droit de grève ne peut pas, elle non plus, être considérée comme étant en état d'infraction? Après tout, une grève est une forme de manifestation devant les lieux où sont donnés des services de santé.
L'article 3 du projet de loi ajoute une définition à la PARTIE XV du Code criminel qui concerne les procédures et pouvoirs spéciaux, en particulier les analyses génétiques effectuées à des fins médicolégales. Cet ajout a pour effet que l'article 423.2 fait également partie des définitions d'infraction secondaire. On couvre ainsi toutes les possibilités afin qu'il y ait moins de voies de sortie pour une personne utilisant l'intimidation envers les services de santé. Par contre, je me questionne sur la nécessité d'analyse génétique dans le cas d'intimidation. Le lien n'est pas clair.
L'article 4 modifie le paragraphe 515(4.1) qui précise les conditions aggravantes d'une accusation. On y ajoute que le fait d'intimider le personnel des services de santé constitue une condition aggravante. C'est bien.
L'article 5 précise que l'infraction a été commise envers une personne prodiguant des soins de santé, des soins personnels et a eu pour conséquence de nuire à une personne devant recevoir ces soins. Donc, on couvre toutes les personnes qui sont en lien direct ou indirect avec un service de santé. Je n'ai rien à dire, mais qu'est-ce que cela veut dire exactement?
Tout cela implique que dorénavant, comme le Québec l'a fait il y a quelques mois, les manifestations ne sont pas permises aux alentours des lieux où sont prodigués des soins de santé et qu'il n'est pas permis d'intimider le personnel des services de santé, pas plus qu'il n'est permis d'intimider une personne ayant pris la décision de recevoir des soins de santé, peu importe son âge et la nature de ces soins de santé.
Tel que je l'ai précisé auparavant, je trouve que tout cela tombe sous le sens puisque l'intimidation, peu importe envers qui elle est dirigée, est un acte indécent, inacceptable, dégradant, stressant et manquant singulièrement de dignité et de respect. Je le répète, parce que je pense que c'est important que cela reste en mémoire. De tels actes ne devraient jamais être commis envers qui que ce soit, peu importe le statut social ou l'emploi.
Cela dit, l'intimidation était déjà incluse dans le Code criminel. Pourquoi apporter ces précisions? Je me pose encore la question. Si l'intimidation est inacceptable et qu'elle est une condition aggravante, elle l'est pour tout le monde. Ne sommes-nous pas tous égaux devant la loi? Était-il réellement utile de faire un projet de loi pour préciser que l'intimidation envers le personnel des services de santé est criminelle? Tous égaux devant la loi. Si nous sommes victimes d'intimidation, nous sommes tous, peu importe notre âge, notre statut social et notre emploi, victimes d'un acte criminel.
Le projet de loi C-3 modifie également le Code canadien du travail en éliminant une partie du paragraphe 206.6(1), soit l'alinéa a) où il est précisé qu'un employé a droit à au plus cinq jours de congé de maladie par année pour soigner sa maladie ou sa blessure. Cet alinéa est éliminé parce que, maintenant, ce sera au plus 10 jours avec certificat médical. Plusieurs employés partout au Canada seront touchés. Ma question est la suivante: si c'est sous compétence fédérale, est-ce que cela peut venir influencer la négociation des syndicats et des travailleurs? Il faut s'assurer que les droits de grève et les droits des syndicats de négocier leurs conditions de travail ne sont pas assujettis à ce projet de loi.
En somme, le Bloc québécois est d'accord sur le principe de protéger les travailleurs de la santé et les travailleurs sous compétence fédérale. Cependant, des précisions devront être apportées en comité par amendement afin que les autres droits des travailleurs, dont celui de manifester et celui de négocier de bonne foi leur convention collective soient également respectés.