Monsieur le Président, je propose que le 25e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, présenté à la Chambre le mercredi 8 mars, soit agréé.
Je tiens d'abord à souligner que le présent débat était censé avoir lieu hier, mais, aussi incroyable que cela puisse paraître, les conservateurs l'ont remis à aujourd'hui. Hier, ils ont refusé de donner leur consentement pour tenir le débat sur une enquête publique, alors nous le tenons aujourd'hui. Comme nous le savons, étant donné que les conservateurs ont agi ainsi sur le plan de la procédure, le débat que nous devons avoir plus tard sur la hausse de la taxe sur la bière, le vin et les spiritueux sera retardé.
Ceux qui se joignent à nous pour suivre le débat au cours duquel la Chambre demandera au gouvernement libéral d'annuler la hausse de taxe qu'il compte imposer le 1er avril sur la bière, le vin et les spiritueux doivent savoir qu'il sera retardé parce que les conservateurs ont fait une gaffe procédurale hier. Le NPD votera oui à cette motion, et il y aura une série de discours plus tard ce soir, mais, comme les conservateurs ont fait une gaffe hier qui nous oblige à tenir le débat sur une enquête publique aujourd'hui, nous sommes maintenant appelés à débattre du 25e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Je tiens à lire à la Chambre un extrait du rapport sur l'enquête publique.
Cette motion a été présentée par le NPD, et je remercie ma collègue, la députée de North ar—Powell River, de l'avoir présentée. Elle fait de l'excellent travail au comité de la procédure et des affaires de la Chambre. La motion qu'elle a présentée, que le comité des affaires de la Chambre a adoptée et dont nous allons débattre dans les trois prochaines heures, est la suivante:
Conformément à l'article 108(3)a)(vi) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 2 mars 2023, le Comité a étudié la question de l'ingérence étrangère dans les élections.
Le Comité demande au gouvernement du Canada de lancer une enquête publique nationale sur les allégations d'ingérence étrangère dans le système démocratique canadien, y compris, mais sans s'y limiter, les allégations d'ingérence dans les élections générales par des gouvernements étrangers;
Que cette enquête soit dotée de tous les pouvoirs nécessaires pour convoquer des témoins du gouvernement et des partis politiques;
Que l'enquête porte sur les abus des groupes de la diaspora par des gouvernements étrangers hostiles;
Que cette enquête ait le pouvoir d'ordonner et d'examiner tous les documents qu'elle juge nécessaires pour ce travail, y compris les documents qui sont liés à la sécurité nationale;
Que le responsable de cette enquête soit choisi à l'unanimité par les leaders à la Chambre des partis officiellement reconnus à la Chambre des communes;
Que cette enquête n'entrave ni n'arrête l'étude du Comité sur l'ingérence électorale étrangère, y compris la production de documents et la convocation de témoins.
Les députés se souviendront qu'hier, les néo-démocrates — jouant leur rôle de seuls adultes à la Chambre des communes — ont forcé le gouvernement — qui ne prenait pas au sérieux le problème de l'ingérence étrangère dans le processus électoral, selon nous — à revenir sur sa décision et à permettre à Katie Telford et à d'autres témoins de comparaître devant le comité de la procédure et des affaires de la Chambre. Par la suite, nous avons vu à ce qu'il y ait, au comité de la procédure, une motion nous permettant de poursuivre l'étude sur l'ingérence étrangère dans les élections.
Comme je l'ai toujours dit, le député de Burnaby-Sud a dit très clairement, tout comme les députés du NPD, qu'étant donné l'ampleur des allégations, il ne faisait aucun doute qu'il faudrait une enquête publique sur la question de l'ingérence étrangère dans les élections.
Je vais parler de certaines des personnes qui comprennent très bien la question et qui ont également demandé la tenue d’une enquête publique nationale. Il ne fait aucun doute que c’est une question importante. Je crois comprendre que les députés du Bloc appuient également l’idée d’une enquête publique nationale. Cependant, aussi incroyable que cela puisse paraître, comme nous le savons, et nous l’avons vu hier, les conservateurs ont refusé que soit tenu le débat sur l’enquête publique nationale qui était prévu. Ils ont forcé le report de ce débat aujourd’hui. Je vais parler dans quelques instants de certains éléments de preuve concernant quelques-unes des allégations qui incluent l’ingérence russe, mais la réalité, c’est que les conservateurs se sont toujours opposés à l’idée d’enquêter sur l’ingérence étrangère liée au gouvernement et aux acteurs étatiques russes, ce que je trouve troublant.
Il y a le gouvernement chinois et les acteurs de l’État chinois, et je crois que tous les Canadiens se demandent pourquoi les conservateurs veulent mettre fin aux enquêtes sur l’ingérence du gouvernement russe et des acteurs étatiques russes. Cela m’inquiète parce que cette question devrait rallier tous les députés. Nous devrions tous intervenir pour veiller à ce que nos élections soient exemptes de toute ingérence étrangère et qu’elles soient libres et justes d’un bout à l’autre du pays.
Nous avons une fière tradition d’élections libres et justes. Personne ne nie que, jusqu’à maintenant, les résultats des élections reflètent, dans un système uninominal majoritaire à un tour, le vote des Canadiens. Nous préférerions une représentation proportionnelle. Cela changerait certainement la représentation à la Chambre et la rendrait plus étroitement liée à la façon dont les Canadiens ont réellement voté, mais dans un système uninominal majoritaire à un tour, qui tend à déséquilibrer la représentation parlementaire réelle, personne ne nie que nos élections ont été libres et justes jusqu’à maintenant.
Les allégations sont préoccupantes et c’est pourquoi il est important que tous les députés se prononcent sur cette question au cours des prochains jours. Nous croyons fermement que les députés doivent répondre aux préoccupations soulevées par les Canadiens. Par conséquent, nous présentons cette motion aujourd’hui.
Nous aurions préféré la présenter hier. Les conservateurs y ont fait obstacle. Ils diront peut-être que c’était par inadvertance, qu’ils ont tout simplement commis une erreur de procédure. Je ne sais pas. Que ce soit par inadvertance ou à dessein, la réalité, c’est qu’ils ont refusé aux Canadiens le droit d’entendre hier le débat si important sur une enquête publique nationale. Heureusement, nous pouvons nous reprendre aujourd’hui.
J’aimerais dire quelques mots sur les preuves et les allégations qui justifient la tenue d’une commission d’enquête nationale. Le député de Burnaby-Sud a été très ferme là-dessus, en insistant sur la nécessité de cette enquête. Le gouvernement a refusé d’agir, et il s’est même montré réticent à laisser des témoins clés comparaître. Le NPD a insisté, de sorte que ces témoins vont maintenant pouvoir comparaître devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.
Nous sommes convaincus qu’une commission d’enquête est nécessaire. Le rapporteur spécial a maintenant reçu, en raison des pressions exercées par le NPD, un mandat précis, une date butoir précise, la troisième semaine de mai, pour soumettre ses recommandations quant à la tenue d’une commission d’enquête.
Je pense qu’en appuyant la motion présentée par le NPD pour la tenue d’une commission d’enquête, les députés influenceront fortement le rapporteur spécial à recommander la tenue d’une commission d’enquête, comme le réclament de nombreux Canadiens.
Qui a dit qu’une commission d’enquête était justifiée? L’ancien directeur du Service canadien du renseignement de sécurité, Richard Fadden. Jean-Pierre Kingsley, l’ancien directeur d’Élections Canada, s’est dit du même avis. C’est très important, et j’y reviendrai tout à l’heure.
Gerald Butts, l’ancien chef de cabinet du premier ministre, a lui aussi déclaré qu’il était important d’avoir une commission d’enquête. Artur Wilczynski, l’ancien directeur du Centre de la sécurité des télécommunications, a dit lui aussi qu’une commission d’enquête était justifiée.
Cela ne fait donc aucun doute. Nous sommes dans une situation où nous devons mettre sur pied une commission d’enquête. C’est ce que le NPD va continuer d’affirmer.
Aux fins du compte rendu, j'aimerais parler de certaines allégations qui sont tout à fait inquiétantes et qui devraient être examinées par une commission d’enquête. Les députés seront appelés à voter là-dessus au cours des prochaines heures. Ils ne doivent pas oublier que c’est une question qui préoccupe beaucoup les Canadiens. Plus de 70 % d’entre eux estiment qu’une commission d’enquête est justifiée.
Cette question fait l’objet de nos discussions depuis quelques semaines, mais je rappellerai que l’implication du gouvernement russe dans le convoi de l’an dernier avait aussi suscité certaines préoccupations, et ce n’était pas la première fois.
C'était dans une série d'articles signés par Robert Fife et Steven Chase dans le Globe and Mail. Le journaliste d'enquête Sam Cooper, de Global News, a aussi mis en lumière certains de ces faits et de ces allégations. Cette information a été fournie par ces journalistes. Je souhaite reprendre certains éléments tirés d'un des reportages, soit celui de Robert Fife et Steven Chase, publié le 17 février, dans lequel ils disent ce qui suit sur les documents qui ont fuité et soulevé de graves allégations en matière d'ingérence étrangère dans les élections:
Le SCRS a expliqué de quelle façon les diplomates chinois mènent les opérations d'ingérence étrangère en appui à des candidats et à des élus. Parmi les tactiques employées, mentionnons des dons non déclarés en argent à des campagnes politiques ou l'embauche par des propriétaires d'entreprise d'étudiants chinois qui sont ensuite envoyés au sein des appareils de campagne à titre de bénévoles à temps plein.
Les donateurs sympathisants sont aussi incités à contribuer à la campagne des candidats privilégiés par la Chine, dons pour lesquels ils reçoivent un crédit d'impôt du gouvernement fédéral.
On peut également lire dans le rapport du SCRS du 20 décembre 2021 que les appareils de campagne remboursent ensuite en catimini et illégalement une partie de sa contribution au donateur, soit la différence entre le don d'origine et le remboursement du gouvernement.
Ces allégations sont profondément perturbantes parce qu’elles représentent une activité criminelle, des infractions à la loi électorale. La loi électorale que nous avons mise en place est très différente de ce qui existe dans d’autres pays. Aux États-Unis, par exemple, des masses d’argent, des fonds occultes, peuvent être utilisées pour influencer l’électorat. Au Canada, nous avons des dispositions strictes en matière de financement qui doivent être respectées, et si elles ne le sont pas, comme l’a découvert l’ancien député conservateur Dean Del Mastro, les gens vont en prison pour avoir essayé de contourner les lois électorales. Comme le gouvernement conservateur l’a découvert, et comme le Parti conservateur sous le régime Harper l’a également découvert avec le scandale des transferts de fonds, les tentatives de contournement de nos lois électorales sont passibles de lourdes peines.
Les allégations contenues dans cet article, selon lesquelles des dons en espèces n’auraient pas été déclarés, des propriétaires d’entreprises auraient embauché des étudiants pour faire du bénévolat à temps plein, en d’autres termes des étudiants rémunérés, et il y aurait eu une sorte de va-et-vient où l’argent aurait été fourni à la campagne, mais remboursé d’une manière ou d’une autre, sont toutes des activités illégales. Les allégations contenues dans ces rapports font état de violations éventuellement graves de la Loi électorale du Canada.
Les sanctions, comme je l’ai mentionné plus tôt, peuvent être des amendes considérables et même des peines de prison. Le fait que le gouvernement n’agit pas sur ce point, qu’il fait essentiellement de l’obstruction est, à mon avis, extrêmement irresponsable. Lorsque des allégations font état de ce qui pourrait être des violations graves, des activités criminelles, concernant nos élections, si ces allégations se révèlent exactes, nous devons veiller à ce que des sanctions pénales soient appliquées et à ce que les enquêtes appropriées soient menées.
C’est notre première préoccupation, et c’est la raison pour laquelle le NPD a fait pression de manière si résolue pour que nous menions une enquête publique nationale. C’est à cause des préoccupations qui ont été soulevées. Ces allégations étant graves, elles doivent être traitées avec sérieux. La présente motion du NPD donne la possibilité à tous les membres de la Chambre des communes de s’assurer qu’ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour protéger les élections. J’espère que tous les députés voteront à l’unanimité pour dire au gouvernement qu’il est temps de lancer une enquête publique. Elle doit être indépendante. Elle doit être transparente. Elle doit avoir lieu maintenant.
C’est la raison pour laquelle les néo-démocrates ont insisté sur le type d’enquête publique qui traite toutes les formes d’ingérence étrangère. Je dois dire que les conservateurs étaient très réticents à l’idée que les acteurs de l’État russe et le gouvernement russe soient examinés dans le cadre de cette enquête. Ils voulaient la découper et en faire une enquête publique très ciblée.
Heureusement, nous avons pu les faire reculer sur ce point. En fin de compte, le rapport qui sera présenté est la vaste enquête publique que j'ai mentionnée plus tôt dans le rapport. Toutefois, cette vaste enquête publique doit inclure la Russie pour les raisons suivantes.
À titre d’information, au cours des débats au comité de la procédure et des affaires de la Chambre, j'ai lu une série d'articles dans le site Web du Canada's National Observer qui mettaient en évidence l'implication de l'État russe et du gouvernement russe dans ce qu'on appelle le mouvement du convoi, qui a causé du tort à tant de personnes, en particulier dans le centre-ville d'Ottawa. Nous nous souvenons encore des centaines de commerces qui ont été fermés, des centaines de personnes âgées qui ne pouvaient plus se faire livrer leur épicerie et des personnes handicapées qui n’ont pu obtenir des médicaments de base à cause de cette incroyable prise de contrôle du centre-ville d'Ottawa.
Sans entrer dans les détails, ce qui est le plus préoccupant dans ce débat, c'est l'implication de la Russie. Un certain nombre d'études ont été publiées et une série d'articles ont paru dans le site du Canada's National Observer, qui sont très importants.
Je voudrais lire un extrait d'une étude récente, rédigée par Caroline Orr Bueno et publiée, il y a quelques mois, dans The Journal of Intelligence, Conflict and Warfare, volume 5, numéro 3. Il s'agit d'une analyse de nombreuses sources qui traitent de la question du convoi et de l'implication de la Russie.
Je voudrais en lire quelques extraits pour la Chambre.
L'étude dit ceci au sujet du convoi:
La Russie considère de tels mouvements de protestation d'origine nationale comme une occasion d'exacerber les divisions sociales et de semer la discorde dans le cadre de ses attaques asymétriques contre les démocraties occidentales […] [L]es preuves de l'implication de la Russie dans les mouvements d'extrême droite du monde sont nombreuses […] Allant du Front national en France à la Ligue du Nord en Italie en passant par l'Alternative pour l'Allemagne, le parti politique au pouvoir en Russie a établi des liens officiels et officieux avec des mouvements ultranationalistes en Europe.
Ce parti représente le régime en place, qui est une dictature.
Les députés se souviendront que trois membres du caucus conservateur ont rencontré des représentants de l'Alternative pour l'Allemagne. Cette rencontre est tout à fait pertinente à la question de l'ingérence étrangère. L'étude ajoute que « [l]es campagnes de désinformation russes ont été citées comme un facteur qui a contribué aux manifestations liées à la pandémie, aux activités extrémistes et aux troubles ».
Je ne suis pas du tout d'accord pour dire que ce type de documentation ne doit pas être pris au sérieux et que nous devrions exclure l'ingérence de la Russie afin de nous concentrer sur un seul pays. La Chambre est saisie d'une demande d'enquête publique exhaustive, qui porte non seulement sur l'implication de la Chine, aussi troublante soit-elle, mais aussi sur celle de la Russie et d'autres pays.
Je voudrais conclure avec quelques citations sur le convoi.
L'auteure de l'étude poursuit en disant:
En plus d'amplifier les reportages télévisés sur le convoi, les médias d'État russes ont également produit une quantité importante de contenu en ligne lié au convoi.
L'étude indique également que les médias sociaux ont amplifié la couverture de la part des partisans canadiens du convoi.
Récemment, une étude publiée par le gouvernement indien a fait état de préoccupations concernant des menaces de mort proférées par l'Iran contre des Canadiens.
Cette semaine, le conseil des gurdwaras sikhs de la Colombie‑Britannique et le comité des gurdwaras de l'Ontario ont publié une étude.
Voici une citation tirée de l'étude:
[...] de nombreuses preuves confirment que des fonctionnaires et des agents du renseignement indiens ont fabriqué des nouvelles, ont offert des pots-de-vin à des médias d'information pour obtenir une couverture médiatique favorable, ont amplifié des messages ciblés pour perturber le débat public, se sont ingérés dans les processus électoraux partout au pays et ont tenté de manipuler des décideurs canadiens à plusieurs reprises.
Il est important qu'on ait une enquête nationale, publique et transparente. Le NPD propose cette motion aujourd'hui pour obtenir l'appui de tous les députés. Cela ne devrait pas être une question partisane, mais une chose sur laquelle tout le monde se penche, car notre démocratie nous est très chère. C'est une démocratie pour laquelle des gens ont donné leur vie.
En regardant vers l'avenir, il est important qu'on mette en place tous les outils possibles pour empêcher toute ingérence étrangère, qu'elle provienne de la Russie, de la Chine ou de tout autre pays. Un autre gouvernement ou des acteurs étatiques d'un autre pays ne devraient pouvoir d'aucune façon influencer notre gouvernement. J'espère que nous obtiendrons l'appui de tous les députés sur cette motion.