Monsieur le Président, j'exprimerai moi aussi mon point de vue sur l'importante question de l'ingérence électorale et de ses répercussions potentielles sur la démocratie au Canada, une démocratie pour laquelle des milliers de Canadiens se sont battus, littéralement au prix de leur vie, et que de nombreuses personnes dans le monde entier admirent et nous envient.
Au cours des prochaines minutes, j'aimerais relayer l'opinion de mes concitoyens sur le sujet, tout en exprimant mes propres réflexions sur ce que le gouvernement a accompli jusqu'à présent pour lutter contre cette menace complexe et sur les étapes qui nous attendent.
Ce faisant, je souhaiterais faire baisser la température de quelques degrés, car cela sent indubitablement la soupe chaude à la Chambre. Il s'agit d'une question dont nous devrions débattre vivement afin de trouver, au moyen de la procédure parlementaire, un moyen de restaurer et de maintenir la confiance des Canadiens dans notre régime parlementaire et dans nos institutions démocratiques. Ce n'est pas le moment de marquer des points dans un but partisan; les Canadiens n'ont d'ailleurs pas envie que l'arène politique donne lieu à une telle gymnastique.
Dans le même ordre d'idées, je ne peux pas m'empêcher de penser à ce qu'a dit récemment le député sortant de Notre‑Dame-de‑Grâce—Westmount, lorsqu'il nous a exhortés à toujours arriver à la Chambre avec la ferme intention de considérer nos collègues et cet endroit extraordinaire avec respect.
Nous savons que des acteurs étrangers — plus particulièrement, mais pas uniquement la République populaire de Chine — ont tenté de s'ingérer dans les deux dernières élections fédérales et qu'ils pourraient aussi cibler d'autres pouvoirs publics. De nombreux Canadiens et de nombreux députés à la Chambre, moi y compris, ont été profondément troublés par les diverses allégations récentes de tentatives d'ingérence.
Plus troublant encore: on prétend que ces tentatives d'ingérence pourraient avoir eu un effet, même si on nous a donné l'assurance, preuves à l'appui, qu'elles n'avaient pas eu d'incidence sur les résultats électoraux. Ces allégations ont suscité des questions et des préoccupations, tant chez les parlementaires que parmi les Canadiens. En effet, nous ne sommes pas les seuls à nous poser des questions: c'est aussi le cas de nos concitoyens. D'ailleurs, je suis sûr que la plupart de mes collègues s'en sont fait poser.
En suivant les reportages et les discussions sur cette question au cours des dernières semaines, j'ai constaté qu'il est tout particulièrement important de faire la distinction entre le renseignement et la preuve. Ainsi, ce que nous entendons sur l'ingérence électorale repose en grande partie sur de l'information provenant de services de renseignement.
Pour que la réaction à l'ingérence puisse se fonder sur des preuves, il faut davantage que les bribes d'information que fournissent les services de renseignement. Il est donc impératif de souligner que ces bribes portent sur des incidents allégués et que les éléments d'information choisis pour les étayer ne brossent peut-être pas un tableau complet de la situation. Néanmoins, les allégations sont graves et troublantes. Par conséquent, elles obligent le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour protéger nos institutions et notre système démocratique, ainsi que pour s'assurer qu'ils demeurent sûrs et fiables.
En matière de sécurité nationale, rappelons-nous que les réponses à certaines questions doivent demeurer confidentielles pour protéger le travail de nos services de sécurité et leurs sources. C'est notre devoir, et nous devons le respecter. Il faut devons également continuer de protéger les relations du Canada avec ses alliés, avec qui nous échangeons évidemment des renseignements de nature délicate.
Cela dit, il ne fait aucun doute qu'il est possible de répondre à certaines questions. Comme nous l'avons vu dans les deux derniers rapports du Protocole public en cas d’incident électoral majeur et dans d'autres travaux récents de parlementaires, de fonctionnaires et d'experts, il est évident que des changements clairs doivent être envisagés pour renforcer notre système et améliorer notre réaction à ces menaces, tout en offrant le plus de transparence possible aux parlementaires et à la population canadienne. Le sujet n'a rien de partisan et il n'a pas lieu de l'être.
J'oserais dire que, lorsque des allégations potentiellement explosives sont soulevées, nous avons sans doute tous tendance à nous retrancher dans nos positions partisanes et à nous mettre sur la défensive. Une telle approche, des deux côtés de la Chambre, n'apporte rien.
Les accusations honteuses de collaboration avec les autorités chinoises visant notre chef sont particulièrement décevantes, et les manœvres politiques qui attisent ainsi la peur doivent être dénoncées. En même temps, nous avons tous la responsabilité d'examiner cette question avec honnêteté en nous engageant à combler les lacunes qui persistent dans nos mesures de protection.
Notre but ultime est sûrement d'examiner ces allégations afin de comprendre d'où elles viennent et de quelle manière nous pourrons continuer à améliorer les mesures prises pour protéger l'intégrité de notre démocratie. Au bout du compte, les seuls gagnants, quand il y a des insinuations délibérées et de la confusion ou que des politiciens canadiens soulèvent des doutes sur l'intégrité de la démocratie canadienne et sur la loyauté des Canadiens, ce sont les différents adversaires totalitaires étrangers qui, nous le savons, cherchent des moyens de créer de l'incertitude et de miner nos institutions.
Même si c'était avant que je sois élu, le gouvernement — et c'est tout à son honneur — a pris des mesures importantes pour régler ces mêmes problèmes de sécurité nationale, de manière sécuritaire et responsable, tout en faisant preuve d'autant de transparence que possible. Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement est une institution clé. Il s'agit d'un groupe de 11 parlementaires des deux Chambres qui ont reçu l'habilitation nécessaire pour examiner les questions liées à la sécurité nationale. Ils ont commencé à étudier la question.
Le Protocole public en cas d'incident électoral majeur, un groupe de fonctionnaires ayant pour mandat de faire rapport au public au sujet des élections et de ce qui peut menacer le processus électoral, a récemment publié son rapport sur les élections de 2021. Il a conclu que, même s'il y a eu des tentatives d'ingérence, elles n'ont pas eu d'incidence sur les résultats électoraux. Le Protocole a fait plusieurs recommandations pour accroître l'efficacité des mesures de lutte contre ce qui peut représenter une menace. J'espère que ces changements seront examinés et mis en œuvre dans les plus brefs délais raisonnables.
Outre le travail actuellement effectué par ces organismes, j'ai été heureux d'apprendre que David Johnston, 28e gouverneur général du Canada, qui est de surcroît un éminent juriste et un Canadien intègre, a reçu le mandat de se pencher sur l'ingérence étrangère dans nos élections et de faire des recommandations sur les mesures à prendre pour maintenir ou rétablir la confiance des Canadiens à l'égard de ces institutions.
Il était essentiel de nommer une personne impartiale pour étudier la question et recommander des mesures à prendre, car la partisanerie n'a pas sa place dans ce dossier. Je pense que nous devons tous attendre que M. Johnston présente ses recommandations au lieu de présumer de ce qui se trouvera ou ne se trouvera pas dans ses conclusions.
Comme je l'ai dit en discutant avec des gens de ma circonscription, même si j'ai des réserves, je ne suis pas contre l'idée de mener quelque chose comme une enquête ou une consultation publique à l'égard de certaines des questions dont nous discutons, mais je suis conscient des limites d'une enquête publique lorsqu'il s'agit d'étudier des questions liées à la sécurité.
Une fois de plus, je voudrais évoquer les organismes et les mécanismes tels que le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, les comités parlementaires et d'autres, qui existent pour examiner non seulement des allégations précises, mais aussi le problème de l'ingérence étrangère, les risques qu'elle présente et les mesures à prendre à cet égard, d'une manière plus générale.
Outre les travaux à venir de M. Johnston et du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement examine les renseignements relatifs à l'ingérence étrangère évalués par les organismes canadiens responsables de la sécurité remontant jusqu'aux deux dernières élections, c'est-à-dire pendant et après ces dernières.
Le rapport du Protocole public en cas d’incident électoral majeur propose plusieurs recommandations qui méritent d'être prises en compte pour rendre le processus plus transparent et rendre notre démocratie plus sûre.
Le débat que nous avons aujourd'hui reflète le travail de plusieurs comités parlementaires. Les comités devraient être les organes idéaux pour sélectionner et entendre des témoins et des experts afin de formuler des recommandations sur les mesures concrètes à prendre pour renforcer la sécurité des Canadiens.
Je pense que les comités sont les mieux placés pour déterminer qui ils appellent à témoigner. Par conséquent, je suis déçu que nous devions tenir, dans cette enceinte, un vote sur le choix des personnes à convoquer. Je ne soutiendrai pas cette motion, car j'estime que cette responsabilité revient aux comités. Il vaut mieux mettre fin aux efforts visant à contourner ce processus afin que les travaux des comités en question et les travaux de la Chambre puissent se poursuivre sans entrave.
En annonçant le rôle qu'occuperait M. Johnston, le premier ministre a également annoncé que le ministre de la Sécurité publique lancerait des consultations attendues depuis longtemps sur un registre visant la transparence en matière d'ingérence étrangère. Ces consultations s'achèveront au début du mois de mai, et j'espère que l'on sera en mesure de légiférer rapidement.
Je comprends la frustration des victimes d'ingérence étrangère et de ceux qui s'inquiètent de celle-ci. Le paragraphe 11d) de la Charte des droits et libertés accorde à chaque citoyen la présomption d'innocence jusqu'à ce que la culpabilité soit prouvée, et aucune des allégations actuelles ne se rapproche le moindrement d'une preuve de culpabilité. Le Canada a connu dans le passé des épisodes déplorables où l'on a calomnié, ostracisé ou persécuté des personnes en mettant en doute leur loyauté en raison de leur origine.
Dans le récent tourbillon d'allégations, certains ont eu tendance à s'emballer et à renoncer à faire les choses dans les règles sur la base de craintes attisées par des individus irresponsables. L'histoire du Canada nous apprend que, trop souvent, des conclusions hâtives peuvent avoir des effets dévastateurs et durables.
Mettons de côté la partisanerie. Engageons-nous à collaborer pour faire face aux situations. Les Canadiens n'attendent rien de moins de notre part.