Monsieur le Président, j'invoque le Règlement en réponse à votre déclaration du 28 février concernant la nécessité d'une recommandation royale au sujet du projet de loi C‑215, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi (maladie, blessure ou mise en quarantaine), parrainé par le député de Lévis—Lotbinière.
Sans émettre de commentaire au sujet du bien-fondé de ce projet de loi, je soutiens que ses dispositions visant à porter à 52 le nombre de semaines pendant lesquelles des prestations de maladie peuvent être versées entraîneraient des dépenses nouvelles et distinctes pour le Trésor public non autorisées par la loi. Une recommandation royale est bel et bien nécessaire dans les cas où il n'existe pas de loi ou de crédit pour la dépense nouvelle et distincte.
Ce projet de loi visant à modifier la Loi sur l'assurance-emploi augmenterait le nombre maximal de semaines donnant droit à des prestations de maladie de l'assurance-emploi. Cette hausse du nombre de semaines de prestations est autorisée, une fois le projet de loi adopté, à condition d'obtenir la recommandation royale. La recommandation royale détermine la dépense maximale à imputer au Trésor public ainsi que les objectifs, les buts, les conditions et les critères d'admissibilité liés aux dispositions devant faire l'objet de la recommandation royale.
Les Présidents ont toujours jugé que les projets de loi visant à prolonger la durée d'une prestation ou à modifier les conditions ou les critères d'admissibilité liés aux prestations d'assurance-emploi doivent être accompagnés d'une recommandation royale.
J'aimerais signaler aux députés quelques règles pertinentes en la matière.
Le 22 avril 2009, la présidence avait rendu une décision au sujet du projet de loi C‑241, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi (suppression du délai de carence), en déclarant ce qui suit:
[L]a présidence est d'avis que les dispositions du projet de loi C‑241 autoriseraient des dépenses nouvelles et distinctes sur le Trésor public. Puisque ces dépenses ne sont pas prévues par les affectations de crédits actuelles, je ne mettrai pas aux voix la question à l'étape de la troisième lecture de ce projet de loi dans son état actuel [...]
Le 3 juin 2009, la présidence a rendu une décision concernant le projet de loi C‑280, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi (droit aux prestations et conditions requises). Dans la décision, le vice-président a déclaré ce qui suit:
Dans une décision rendue le 23 mars 2007 sur le projet de loi C‑265 [...] la présidence est parvenue à la conclusion suivante:
« De l’avis de la présidence [...] il est très clair que de telles modifications auraient pour effet d'autoriser une augmentation des dépenses imputées au Trésor d'une manière et à des fins qui ne sont pas permises actuellement.
Par conséquent, la présidence estime que les dispositions du projet de loi qui visent l'augmentation des prestations d'assurance-emploi et l'assouplissement des conditions d'admissibilité nécessitent une recommandation royale. »
Comme personne n’a avancé de nouveaux arguments convaincants pouvant mener à une conclusion différente de celle à laquelle j’étais parvenu dans le cas du projet de loi C‑265, je refuserai de mettre aux voix la question à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C‑280, à moins qu’une recommandation royale ne soit reçue.
Un cas plus récent et particulièrement pertinent est celui de l'examen qu'a mené le 11 mars 2021 le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées du projet de loi C‑24, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi (prestations régulières supplémentaires), la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique (restriction de l’admissibilité) et une autre loi en réponse à la COVID‑19. Ce projet de loi visait, entre autres, à augmenter le nombre de semaines de prestations régulières d'assurance-emploi de 24 semaines au plus, jusqu'à un maximum de 50 semaines pour les demandes présentées entre le 27 septembre 2020 et le 25 septembre 2021.
Au cours de l'étude article par article du projet de loi, le député d'Elmwood-Transcona a proposé un amendement visant à faire passer de 15 à 50 semaines le nombre de semaines de prestations versées à un prestataire d'assurance-emploi en cas de maladie, de blessure ou de mise en quarantaine prévue par règlement, ce qui aurait permis aux personnes d'avoir accès à ces prestations plus longtemps qu'elles ne le peuvent actuellement en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi.
Lorsqu'il a proposé l'amendement, la présidence du comité l'a jugé irrecevable parce qu'il nécessitait une recommandation royale. La présidence a rendu la décision suivante:
Le projet de loi C‑24 vise à modifier la Loi sur l'assurance-emploi en augmentant le nombre de semaines payées en vertu de la partie 1 de cette loi dans certaines circonstances.
Cet amendement vise à faire passer de 15 à 50 le nombre de semaines de prestations versées à un prestataire en cas de maladie, de blessure ou de mise en quarantaine prescrite, ce qui permet aux gens d'avoir accès à ces prestations plus longtemps que ce n'est actuellement le cas en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi.
Comme on peut le lire [à la page 772 de] la troisième édition de La procédure et les usages de la Chambre des communes:
« Étant donné qu'un amendement ne peut empiéter sur la prérogative de la Couronne en matière financière, est irrecevable tout amendement qui entraîne une imputation sur le Trésor, qui étend l'objet ou le but de la recommandation royale ou qui en assouplit les conditions et les réserves. »
La présidence est d'avis que l'amendement proposé nécessite une recommandation royale, puisqu'il impose une nouvelle imputation sur le Trésor, et je déclare donc l'amendement irrecevable.
Seul un ministre peut obtenir une recommandation royale, sur l'avis du gouverneur général. Sans recommandation royale, le projet de loi C‑215 peut suivre le processus législatif jusqu'à la fin du débat à l'étape de la troisième lecture. Si la présidence conclut, avant le vote à l'étape de la troisième lecture, que la recommandation royale est de mise, elle refuse alors la mise aux voix à l'étape de la troisième lecture et ordonne que le projet de loi soit rayé du Feuilleton.
J'estime que le projet de loi C‑215 est dans cette situation.
Les précédents sont sans équivoque: les projets de loi et motions ayant pour conséquence d'imputer de nouvelles dépenses distinctes sur le Trésor, et ce, de manière et à une fin qui ne sont pas actuellement autorisées, doivent faire l'objet d'une recommandation royale.