Madame la Présidente, je vais partager mon temps de parole avec le député d’Okanagan Sud—Kootenay Ouest.
C’est toujours un grand honneur pour moi de représenter les gens de la circonscription Timmins—Baie James. Aujourd’hui, les vieux Irlandais catholiques nous diraient que c’est le jour de la Sainte-Brigitte. Pourquoi souligner la Sainte-Brigitte? Parce que ce jour se situe à mi-chemin entre le jour le plus sombre de l’année et l’équinoxe du printemps. J’aimerais bien croire que les jours sombres sont derrière nous, mais ce n’est pas le cas. Le mois de janvier a été très difficile et nous traversons, dans notre pays, une période où les forces des ténèbres se rappellent à nous sous de nombreuses formes: désinformation, perte de cohésion de la société civile et perte de notre capacité de communiquer entre nous.
Il est donc essentiel que le Parlement – la maison du peuple, la Chambre des communes — nous soit ouvert pour que nous venions y débattre. Nous avons tellement d’enjeux à aborder en ce moment. Aujourd’hui, nous sommes à mi-chemin vers l’équinoxe: depuis 27 ans aujourd’hui, les membres de la Première Nation de Neskantaga sont privés d’eau potable. Cela fait 27 ans que des générations n’ont accès qu’à de l’eau contaminée dans leur communauté.
Tout près de Neskantaga, dans la Première Nation de Marten Falls, la communauté souligne le 111e jour sans école pour les enfants en raison du sous-financement chronique, de la pauvreté et du surpeuplement à Marten Falls et à Neskantaga.
Voilà ce dont nous devons débattre. Au Canada, la société s'attend à ce que les Autochtones vivent dans des conditions dégradantes. Ce qui est fascinant à propos de Neskantaga et de Marten Falls, c’est que ces réserves sont situées dans une région dont de nombreux Canadiens ont déjà entendu parler, le Cercle de feu. Nous entendons dire que le Cercle de feu recèle de grandes richesses. Doug Ford a dit qu’il allait conduire un bulldozer jusqu’au Cercle de feu. Le Canada a toujours mis l’accent sur l’extraction des ressources du sous-sol, mais il y a des enfants qui ne peuvent pas aller à l’école à cause du sous-financement chronique.
En janvier, pendant le ralentissement économique dû à la vague d’Omicron, c’était poignant d’entendre les parents parler de la santé mentale de leurs enfants, que ce soit dans les grandes villes, dans les banlieues ou dans les petites villes. Ils disaient tous qu’il fallait s’en occuper tout particulièrement. Il n’y a jamais eu de débat national sur la santé mentale des enfants d’une collectivité comme Marten Falls, qui sont privés d’un droit universel, celui d’avoir accès à un système d’éducation de qualité. Je dis bien, ils en sont privés.
Non, je ne pense pas que nous soyons à mi-chemin de la sortie du tunnel, nous en sommes encore bien loin.
Je pense à tous ceux et celles qui ont succombé au virus Omicron en janvier. Rien qu’en Ontario, ils sont au nombre de 1 000, pour l’instant. Je pense à leurs familles, je pense au personnel médical de première ligne et aux équipes sanitaires qui se sont relayées pour maintenir les gens en vie. Je pense à tous ceux et celles dont la chirurgie a été reportée parce que les services de soins intensifs étaient débordés.
Ce matin, à North Bay, dans le Nord de l’Ontario, une bande de voyous a menacé des gens qui voulaient entrer dans une clinique. Dans quel pays vivons-nous quand des voyous se mettent à cibler des cliniques de vaccination au nom de la liberté? Ils se sont vantés d’avoir provoqué la fermeture de cliniques de vaccination à Ottawa pendant la fin de semaine. Comment peut-on, au nom de la liberté, cibler des médecins, des infirmières et des travailleurs de la santé?
Je sais que nous sommes tous fatigués. Omicron nous a frappés de plein fouet. Nous pensions tous que nous en étions sortis, mais nous aurions dû prendre la peine de nous assurer que le reste du monde avait accès à des vaccins. Or, c’est de là qu’est venu Omicron, et, qui sait, peut-être qu'il y aura d’autres variants.
Pour autant, ce n’est pas notre degré de fatigue ou de stress qui me préoccupe le plus, mais plutôt la dégradation de la nation que je constate de plus en plus. Quand je discute de la pandémie avec des gens, je vois bien que la grande majorité d’entre eux sont fatigués. Ils continuent de faire ce qu’ils ont à faire, mais quand j’ai vu des individus en train de piétiner et de profaner la Tombe du soldat inconnu, j’avoue que je n’avais jamais imaginé de ma vie qu'au Canada, des gens pouvaient être aussi ignorants.
Ce qui me préoccupe encore plus, c’est le nombre de personnes qui m’ont dit, sur ma page Facebook, que ce n’était pas vrai, que cela ne s’était pas produit, que c’était une pure invention. La vraie crise à laquelle nous sommes confrontés au Canada, c'est la désinformation sur ce qui se passe réellement. Dans cette Chambre, nous devrions chercher à savoir non pas comment nous allons nous sortir d’une pandémie, mais plutôt comment nous pouvons travailler tous ensemble pour mobiliser la nation afin de trouver une solution, même si certains essayent d’instrumentaliser la situation à des fins politiques. Il y a un député conservateur très ingénieux qui a parlé de vendetta vaccinale, mais je pense que c’était plutôt une vendetta contre son propre chef. Qu’arrive-t-il à notre pays lorsque les vaccins, une solution, la médecine et les chercheurs deviennent des cibles et que les conservateurs en arrivent à dire que le vaccin est une vendetta?
Bien sûr, ils se drapent tous dans le drapeau canadien, un drapeau canadien mis à l’envers ou profané par la swastika, et tous ceux que j’ai entendus, dans ce groupe qui se dit « Groupe de la liberté », racontaient que leur arrière-grand-père, leur grand-père ou leur oncle avait fait la guerre. Bienvenue au Canada: tout le monde a un parent qui a fait la guerre, mais tous ces gens qui ont fait la guerre, ils l’ont faite au nom d’une liberté qui n’est pas le droit d’un individu de harceler et d’intimider. Nos ancêtres se sont battus parce qu’ils étaient convaincus qu’en étant unis au sein de notre nation, nous étions différents et nous étions plus forts.
Plutôt que de parler de nos ancêtres qui ont fait la guerre, je vais parler de ma grand-mère, Lola Jane Lindsay MacNeil, qui était originaire de l’Outaouais. Elle était infirmière et faisait des quarts de 12 heures. C’était une femme qui était dure avec moi, car elle se souvenait de l’épidémie de polio, qui a disparu juste avant ma naissance. Je croyais que ma grand-mère était aigrie et acariâtre, mais c’est parce qu’elle avait soigné des enfants atteints de la polio et qu’elle comprenait l’importance de la vaccination. Alors quand quelqu’un vient me dire sur ma page Facebook: « ils n’avaient pas besoin de vaccin contre la polio, seulement de vitamine C », c’est absolument faux, et il faut le dire haut et fort.
J’invite mes collègues de tous les partis à prendre leur distance par rapport à cette campagne de désinformation et à dénoncer les rumeurs selon lesquelles il s’agirait d’une vendetta ou d’un complot organisé par le premier ministre pour rendre la vie difficile à tout le monde. Oui, les temps sont durs. Mais il faut faire face et cesser de se comporter comme des enfants. Les temps sont durs pour tout le monde, et surtout pour le personnel médical de première ligne qui ne mérite pas d’être harcelé par une foule déchaînée, comme on l’a vu aujourd’hui devant des cliniques de vaccination.
Cela me ramène au principe fondamental de la liberté. Les manifestants sont les bienvenus sur la Colline du Parlement. C’est pour cela qu'il y a le Parlement. J’aime à croire qu’une vraie colline parlementaire est celle qui accueille librement les gens qui veulent manifester, pour quelque raison que ce soit. Si la Ville d’Ottawa décide que la rue Wellington sera dorénavant un lieu de manifestation permanente, cela ne me pose pas de problème. J’espère simplement qu’elle en fera autant lorsque des Autochtones décideront de manifester. Pour autant, ce qui me pose un problème, c’est le harcèlement des petits entrepreneurs dans les rues résidentielles et le harcèlement des gens à proximité de la Colline parlementaire. Ce n’est pas de la liberté, c’est de l’intimidation, et ce n’est pas digne des Canadiens. Nous valons beaucoup mieux que ça, et il faut que nous le clamions haut et fort au Parlement.
Pour terminer, je voudrais dire qu’en ce moment, je lis et relis Camus. Les gens disent qu’ils ont le droit de faire ceci et de faire cela. Dans La Peste, Camus dit qu’il n’y a plus de destin individuel, seulement un destin collectif symbolisé par la peste et les émotions qu’elle suscite chez nous tous. C’est vrai que nous sommes frustrés et en colère, c’est vrai que le variant omicron a été très dur pour notre moral, mais il ne faut pas exploiter cela. Il faut plutôt, en tant que parlementaires, trouver des solutions. Je sais qu’il y a des gens de bonne volonté dans tous les partis ici, à la Chambre, qui comprennent que c’est en tant que nation que nous pouvons être un phare dans la nuit. Nous devons affirmer haut et fort qu’il est possible d’améliorer les choses. Voilà le genre de discussion que j’aimerais avoir, par respect et par amour pour tous les Canadiens qui ont tant souffert pendant cette pandémie.