Merci beaucoup. Comme je n'ai que cinq minutes, je serai plus efficace si je parle en anglais.
Nous faisons face en Haïti à une spirale meurtrière, et il faut se rappeler que le président Aristide n'en est pas la cause; il en est plutôt le produit. Il n'y a pas si longtemps, on estimait que c'était lui la solution. Donc, il faut vraiment mettre l'accent sur les problèmes inhérents à la région, et je tiens à remercier M. Eggleton de m'avoir permis justement de réorienter un peu la discussion.
Le vrai problème, c'est que la situation va encore beaucoup s'aggraver. J'ai été frappé par l'expression qu'a employée M. Verret, si j'ai bien compris ce qu'il a dit quand il parlait de « l'ingouvernabilité du pays ». C'est un pays où le système ne marche pas.
Voilà qui intéresse ceux d'entre nous qui sommes préoccupés par la question de la souveraineté—comme moi—mais au fond la souveraineté ne compte pas beaucoup. À l'heure actuelle, le peuple haïtien ne profite pas de sa souveraineté. Il n'en retire aucun avantage.
Les mesures prises par les Nations Unies pour stabiliser la situation sont évidemment critiques, mais elles ne suffisent. Quant à la possibilité d'une conférence nationale, j'ai vu qu'ils ont essayé d'en convoquer une dans la République démocratique du Congo. Mais cela ne marche pas dans tous les cas. Cela ne peut marcher en l'absence d'un accord de base, et cet accord n'existe pas en Haïti. Je crois malheureusement qu'il en va de même pour les commissions de la vérité, là où elles ont donné de bons résultats. Il doit y avoir une certaine stabilité avant que ce genre de mécanisme puisse améliorer les choses.
En ce qui concerne une intervention à plus long terme… et nous reconnaissons tous que le problème qui s'est posé en ce qui concerne la présence canadienne en Haïti au cours des 10 dernières années était que nous sommes restés à chaque fois suffisamment longtemps pour assurer une présence, mais pas assez longtemps pour vraiment changer la situation. À chaque fois, nous nous retirons trop rapidement. Donc, toute intervention à plus long terme doit tenir compte de ce facteur d'ingouvernabilité. C'est un pays qui est tout simplement ingouvernable.
Quant à ce qui s'est fait sur le plan international, un certain nombre d'instruments prévoyant des mesures internationales sont justement intervenus. Il y en a eu au Timor-Oriental. Il y en a eu après la conclusion des Accords de Dayton. Et nous avons l'instrument qui relève des Nations Unis, soit les accords de tutelle.
J'essaie de vous dire simplement que, par exemple, c'est l'Australie qui a piloté le dossier du Timor oriental. Quant aux Accords de Dayton, c'était les États-Unis. C'est la période post-coloniale qui a permis de conclure les accords de tutelle. Je sais que c'est un mot qu'on n'aime pas utiliser, mais dans le contexte que je cite, nous savons ce que cela veut dire. Cela veut dire simplement que des mesures d'intervention sont prises qui sortent de l'ordinaire et qui n'essaient pas de faire croire que les pays déséquilibrés qui sont visés par elles continuent à exercer leur souveraineté. Autrement dit, il faut une intervention.
Pour vous dire la vérité, je vois difficilement qu'une solution à long terme puisse se réaliser en Haïti à partir du genre de consensus dont nous parle Jean-Louis Roy… le succès de toute mesure dépend évidemment de ce consensus, mais je ne pense pas que ce soit un bon point de départ. Pour moi, cela ne sera possible que si les instances internationales se concertent et définissent ensemble des solutions novatrices.
Mais la question que je me pose est celle-ci : comment fait-on pour faire démarrer ce genre d'activité? Un pays particulier doit décider d'en être l'instigateur et ce, dans le cadre des activités des Nations Unies, à mon avis. Ce ne sera pas la France. Ce ne seront pas non plus les États-Unis. Et sans vouloir insulter personne, ce ne sera pas non plus la Francophonie, ni les pays des Caraïbes, ni l'OEA. Le seul pays qui pourrait à mon avis piloter un tel dossier et en assurer le succès serait le Canada.
J'aimerais d'abord vous demander si vous êtes d'accord pour dire qu'il faut envisager d'employeur un instrument spécial, qui supposerait une intervention inhabituelle et de courte durée par une force extérieure, de préférence une force établie par l'ONU. Deuxièmement, acceptez-vous la notion selon laquelle si nous ne prenons pas l'initiative, personne d'autre ne le fera? Et si vous êtes d'accord sur ces deux points, à votre avis, le Canada que doit-il faire pour atteindre cet objectif dans l'immédiat?
Par contre, monsieur le président, je ne voudrais pas que vous croyiez que les questions juridiques et autres qui ont été soulevées m'indiffèrent. Je pense simplement que même si ces dernières sont importantes, il y a une autre question encore plus fondamentale que nous devons approfondir si nous voulons éviter de faire face à une autre crise dans 10 ans encore.
Une voix : Bravo, bravo!