Merci beaucoup, monsieur le président. Je tiens également à vous remercier de me donner l'occasion de livrer un exposé devant le Comité aujourd'hui.
Je m'appelle Paul Taylor. Je suis président et directeur général de Professionnels hypothécaires du Canada, une association de l'industrie hypothécaire du Canada qui représente 11 500 personnes et plus de 1 000 entreprises, y compris des courtiers en hypothèques, des prêteurs hypothécaires, des assureurs hypothécaires et des fournisseurs de services à l'industrie.
La filière du courtage hypothécaire que nous représentons crée 33 % des prêts hypothécaires au Canada et plus de 50 % des prêts hypothécaires pour les accédants à la propriété, ce qui représente environ 80 milliards de dollars en activité économique annuelle. Les Canadiens choisissent de plus en plus de consulter un courtier pour obtenir un prêt hypothécaire. Selon nos données les plus récentes, la filière du courtage hypothécaire enregistre une hausse annuelle de volume de 9,6 %.
Toutefois, il est important de comprendre que ce ne sont pas tous les produits des banques traditionnelles qui sont disponibles par le truchement des courtiers hypothécaires. Les changements récents ont eu un impact négatif cumulatif sur le marché hypothécaire et au bout du compte, sur les consommateurs canadiens. Dans ce contexte, nous vous demandons d'apporter de légères modifications à l'assurance de portefeuille; j'aborderai ce point sous peu.
Comme les membres du Comité le savent probablement très bien, en date du 30 novembre, tous les prêts hypothécaires assurés en bloc sont désormais soumis aux mêmes simulations de crise que les prêts hypothécaires à ratio élevé assurés, et de nombreuses catégories importantes ne sont plus admissibles. Ces changements ont un impact disproportionné sur les prêteurs non bancaires qui comptent sur le mécanisme d'assurance de portefeuille pour leurs liquidités et la facilité d'accès aux capitaux.
À titre d'exemple de l'impact de ces changements, Genworth Canada estime qu'environ un tiers de son portefeuille total d'assurances souscrites en octobre 2016 ne serait plus admissible à l'assurance hypothécaire aujourd'hui.
Les banques peuvent prendre des prêts sur leur bilan, mais les petits prêteurs ne disposent pas du capital nécessaire pour leur faire concurrence efficacement. Il en résulte que tous les produits hypothécaires non admissibles à l'assurance de portefeuille financés par les petits prêteurs doivent passer par d'autres mécanismes privés qui rendent leurs produits plus dispendieux, donc non concurrentiels.
D'un point de vue stratégique, si l'intention de la simulation de crise est de protéger contre eux-mêmes les acheteurs surendettés, tous les consommateurs devraient être soumis à la même simulation de crise pour assurer un marché équitable. Le BSIF pourrait s'en assurer en modifiant les lignes directrices sur la sélection des risques.
De plus, le fait de fixer la simulation de crise au taux courant de cinq ans de la Banque du Canada donne à penser que l'État veut favoriser les grandes banques aux dépens des petits prêteurs. Ce taux est fixé au mode des taux affichés des cinq grandes banques. Les banques contrôlent donc le taux qui leur procure un avantage concurrentiel.
Dans ce contexte, il est important de noter que même si de nombreux prêteurs non traditionnels ne relèvent pas du BSIF, il serait inexact de dire qu’ils ne sont pas réglementés. En effet, chaque province a ses propres règlements sur le crédit hypothécaire et les prêteurs non traditionnels obtiennent statistiquement des taux de défaut de paiement équivalents ou légèrement meilleurs que ceux des grandes banques. Pour les emprunteurs hypothécaires canadiens, les prêteurs non bancaires jouent un rôle inestimable et nécessaire dans un marché concurrentiel.
Les changements apportés ont un impact négatif important sur les prix. En effet, en date du 1er janvier, le coût d'un prêt hypothécaire conventionnel a augmenté de 25 points de base ou, en dollars réels, de 2 300 $ sur une durée de cinq ans. Cela représente environ 10 400 $ sur toute la durée de l'amortissement du prêt.
En plus de ces coûts supplémentaires, les assureurs hypothécaires accroissent pour la troisième fois en trois ans les primes d'assurance sur les prêts hypothécaires non conventionnels. Cette situation est attribuable aux lignes directrices sur le niveau de suffisance du capital récemment publiées par le BSIF et au fait que dans certaines catégories de rapport prêt-valeur, ces primes font augmenter de plus d'un point de pourcentage le montant de l'hypothèque. Au bout du compte, ces coûts seront manifestement refilés au consommateur.
La simulation de crise démontre également la réduction du pouvoir d'achat d'un grand nombre de Canadiens — d'autres témoins ont d'ailleurs abordé cette question. Des problèmes régionaux ont également été créés. Un grand nombre d'entre eux seront les acheteurs d'une première maison.
Notre économiste en chef, Will Dunning, nous indique que la simulation de crise aura pour effet d’accroître de 5 à 7,5 points de pourcentage le ratio d'amortissement total de la dette des acheteurs de maison, ce qui aura des répercussions concrètes sur leur pouvoir d'achat sans réellement modifier les détails de leur situation. Les impacts dérivés d'une réduction du pouvoir d'achat de la classe moyenne pourraient avoir pour conséquence involontaire de concrétiser le scénario que ces politiques visent justement à éviter, à savoir une crise nationale de la dette provoquée par un déclin économique important.
Les nouvelles exigences en matière de capital du BSIF obligent également les assureurs à tenir compte de deux nouvelles caractéristiques d'un prêt avant de déterminer le montant de capital qu'ils doivent conserver en réserve pour l'assurer en bloc: la cote de crédit et l'emplacement géographique.
Nous craignons que ces changements créent des disparités de prix et d'accès au niveau régional qui auront un impact disproportionné sur les Canadiens de la classe moyenne qui vivent dans les collectivités jugées à risque élevé. La proposition visant à introduire le partage des risques sur le marché entraînerait aussi des disparités importantes de prix et d’accès. Bien que le Canada profite de taux de défaut de paiement historiquement faibles, à savoir un peu moins d’un tiers d’un pour cent — je pense que ce taux était 0,28 % lundi dernier —, les données ont toujours démontré que les pertes d’emplois étaient le premier déclencheur de défauts de paiement.
Dans le cadre d'une structure de partage des risques, alors que les économies régionales souffrent de ralentissement, les coûts hypothécaires locaux vont vraisemblablement augmenter en proportion. Nous pensons que c’est tout le contraire de ce que le gouvernement recherche, et contraire aussi au mécanisme social que la SCHL et le programme de titrisation sont destinés à créer.
En conclusion, les changements annoncés nuisent à la filière du courtage hypothécaire dans son ensemble, et les consommateurs canadiens se sont montrés de plus en plus enclins à utiliser les services d’un courtier hypothécaire pour avoir accès à plus de choix et de soutien et pour recevoir de l'aide pour se conformer aux exigences techniques d'admissibilité au crédit hypothécaire. L’imposition de désavantages concurrentiels aux prêteurs non traditionnels nuira à ce segment du marché hypothécaire canadien que les consommateurs ont clairement plébiscité par leurs habitudes d’achat.
Nous aimerions formuler cinq recommandations au Comité, car elles pourraient aider à atténuer les effets de ces changements.
Tout d'abord, nous recommandons de suspendre toutes les mesures réglementaires qui n'ont pas encore été mises en oeuvre.
Deuxièmement, nous recommandons d'ajuster le changement apporté le 30 novembre pour permettre d'inclure les refinancements dans l’assurance de portefeuille. Si un ratio prêt-valeur de 80 % est inacceptable, on devrait envisager de réduire le seuil à 75 % plutôt que de supprimer entièrement l’admissibilité de ces produits.
Troisièmement, nous demandons au gouvernement de reconsidérer les exigences de réserves de capital accrues mises en oeuvre en janvier sur les prêts hypothécaires assurés.
Quatrièmement, nous recommandons de mener une étude sur l’impact à long terme des prix régionalisés sur l’économie canadienne dans son ensemble, et sur les effets nocifs supplémentaires qui pourraient toucher les économies régionales déjà en difficulté.
Enfin, nous recommandons de dissocier le taux de la simulation de crise des taux affichés des cinq grandes banques. Il faudrait utiliser un mécanisme indépendant pour déterminer le taux et exiger son utilisation pour vérifier l'admissibilité de tous les prêts hypothécaires, qu'ils soient assurés ou non.
Merci beaucoup.