Merci, madame la présidente.
Aanii, Patrick Watson n'indignikaaz. Bonjour, mon nom est Patrick Watson et, en tant que directeur de la politique publique du Conseil canadien pour le commerce autochtone, je vous remercie, madame la présidente et distingués membres du Comité, de me donner l'occasion de témoigner et de répondre à vos questions aujourd'hui.
Depuis mon bureau à domicile, je reconnais la terre comme le territoire traditionnel de nombreuses nations, y compris les peuples algonquin, anishinabe et haudenosaunee, qui accueille désormais divers peuples autochtones, métis et inuits. Je reconnais et je rends hommage à leurs aînés passés, présents et émergents.
Comme l'a déclaré le chef Poitras au Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes le 3 novembre 2020, « la pandémie a mis en lumière les iniquités au pays et exacerbé des difficultés existantes. » Cette affirmation indique à quel point les peuples autochtones doivent, plus que jamais auparavant dans l'histoire canadienne, être au cœur des préoccupations du gouvernement du Canada et des Canadiens.
Depuis 1982, le Conseil canadien pour le commerce autochtone s'emploie à faciliter la pleine participation des peuples autochtones à l'économie canadienne. Notre travail est fondé sur la recherche guidée par les données et est reconnu par l'Organisation de coopération et de développement économiques, ou l'OCDE, comme un modèle d'excellence en matière de données d'affaires autochtones au Canada.
Depuis le début de la pandémie, le gouvernement du Canada instaure des mesures de soutien destinées aux entreprises. Comme l'a déclaré la présidente et directrice générale du Conseil canadien pour le commerce autochtone, Mme Tabatha Bull, lors d'un récent témoignage devant le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes et le Comité sénatorial permanent des finances nationales, on n'a pas tenu compte des circonstances particulières auxquelles font face les entreprises autochtones lorsque l'on a établi initialement les critères d'admissibilité au Compte d'urgence pour les entreprises canadiennes ou aux mesures prévues par le projet de loi C-14. Résultat: de grandes entreprises autochtones se sont trouvées initialement inadmissibles à la subvention salariale. Nous comprenons que l'on a remédié à ces lacunes. Il ne faut toutefois pas oublier que le retard de près d'un mois représente un fardeau additionnel pour beaucoup d'entreprises autochtones.
En outre, étant donné que les entreprises situées dans les réserves ne pouvaient pas se prévaloir des programmes en raison des structures particulières d'imposition et de propriété, le gouvernement a annoncé la distribution de 133 millions de dollars pour soutenir les entreprises autochtones. Toutefois, avec le projet de loi C-9, qui a prolongé la Subvention salariale d'urgence du Canada et la Subvention d'urgence du Canada pour le loyer, des questions sont demeurées sans réponses concernant l'admissibilité des entreprises autochtones, que le Conseil canadien pour le commerce autochtone a soumises au ministère de l'Industrie et à l'Agence du revenu du Canada. Nous attendons des réponses à ces questions.
Comme le Conseil canadien pour le commerce autochtone a tiré des leçons de ses efforts visant à assurer l'inclusion des Autochtones, il signale continuellement la nécessité d'une fonction d'intervenant pivot destinée aux entreprises autochtones, afin de les aider à comprendre les différents programmes et à en tirer parti, y compris les programmes conçus pour aider les exportateurs. La bureaucratie qui, souvent, ne prend pas en considération les circonstances juridiques et territorialisées particulières aux entreprises autochtones, entrave souvent l'accès de celles-ci au soutien qui leur est nécessaire pour survivre et maintenir le bien-être de leur communauté.
Envue de contribuer à l'élaboration de bonnes politiques et d'interventions efficaces de la part du fédéral durant la pandémie, le Conseil canadien pour le commerce autochtone a entrepris, en collaboration avec d'autres grands organismes autochtones nationaux, un sondage sur la COVID-19 auprès des entreprises autochtones, dans le cadre des travaux de l'Équipe spéciale COVID-19 pour les entreprises autochtones. L'objectif du sondage était de comprendre les répercussions de la pandémie de COVID-19 sur les entreprises autochtones du Canada.
En étudiant de plus près les données du sondage, nous avons constaté que les effets négatifs de la COVID-19 ont particulièrement nui aux femmes autochtones. Par exemple, plus de femmes autochtones rapportent que leur entreprise a subi des répercussions très négatives, soit 61 % de femmes propriétaires d'entreprise comparativement à 53 % d'hommes propriétaires d'entreprise. Les entreprises des femmes ont connu une baisse plus marquée de revenus en général que les entreprises des hommes: 36 % des entreprises appartenant à des femmes comparativement à 26 % des entreprises appartenant à des hommes.
Le Conseil canadien pour le commerce autochtone apprécie le fait que Services aux Autochtones Canada a indiqué qu'il financerait un deuxième sondage sur la COVID-19 auprès des entreprises autochtones cet automne, en vue d'évaluer les répercussions de la première et de la deuxième vagues de COVID-19 sur ces entreprises.
Nous espérons que les résultats aux deux sondages contribueront à l'élaboration de politiques et de programmes efficaces, qui appuieront la reprise des entreprises autochtones et, ainsi, la prospérité et le bien-être des Autochtones. Nous serions heureux de revenir témoigner devant le présent comité afin de présenter les résultats.
Cette expérience nous a appris que les programmes généraux s'appliquent souvent mal aux besoins particuliers des entreprises autochtones. Le manque d'assistance adaptée aux entreprises autochtones pour aider celles-ci à se prévaloir des mesures de soutien gouvernementales ajoute à la frustration et à la méfiance qui découlent des rapports historiques entre la Couronne et les peuples autochtones.
Voilà qui souligne la nécessité d'une stratégie de reprise économique pour les Autochtones qui est dirigée par des Autochtones, qui renforce la capacité autochtone et qui dispose de ressources adéquates pour appuyer la prospérité et le bien-être des Autochtones. C'est d'ailleurs l'une des recommandations formulées par le Comité sénatorial des finances nationales dans son rapport sur le projet de loi C-9, où il invite le gouvernement fédéral à « adopter une stratégie pangouvernementale pour soutenir les entreprises autochtones, à l’instar de ce qu’il a fait avec la Stratégie pour les femmes en entrepreneuriat et son Programme pour l’entrepreneuriat des communautés noires ». L'accès aux marchés extérieurs serait un élément important de cette stratégie pangouvernementale, de même que l'appui aux exportateurs autochtones dans le cadre de la reprise.
Ni le récent discours du Trône ni l'énoncé économique de l'automne ne fait mention d'une telle stratégie. Certes, le discours du Trône et l'énoncé économique de l'automne réaffirment de nombreux engagements importants, mais je ne peux pas passer sous silence ma déception devant le manque d'efforts pour appuyer l'autonomisation économique des peuples, des entreprises ou des communautés autochtones. Le gouvernement du Canada a raté une belle occasion de signaler aux Canadiens l'importance de la prospérité des Autochtones et de la réconciliation économique.
Dans l'immédiat, il faut appuyer les exportateurs autochtones avec un marché réservé de 5 % assorti d'un service d'intervenant pivot dans les quatre volets du programme CanExport — CanExport PME, CanExport Associations, CanExport Innovation et CanExport Investissement des communautés — pour les entreprises et organismes autochtones et les sociétés de développement économique autochtones. Un marché réservé de 5 % pour les entreprises autochtones, métisses et inuites constituerait un véritable investissement dans les exportateurs autochtones et la reprise économique autochtone. Cette proposition cadre avec le marché réservé du gouvernement du Canada, lequel fait partie de la lettre de mandat de la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement.
À moyen terme, nous aimerions que le prochain budget renferme un plan pour le gouvernement du Canada visant à renforcer de bonne façon la capacité des organismes autochtones en matière de sensibilisation aux débouchés d'exportation, de formation à la préparation à l'exportation et de missions commerciales pour les exportateurs. Ce plan devrait s'inspirer des leçons apprises que l'OCDE énonce dans son récent rapport intitulé: Linking Indigenous Communities with Regional Development in Canada, pour que ces soutiens soient adaptés à la culture, territorialisés et significatifs pour les entreprises autochtones.
Le Conseil canadien pour le commerce autochtone est prêt à collaborer avec le présent comité et Affaires mondiales Canada pour renforcer la capacité autochtone. Au cours des trois derniers mois, le Conseil a organisé des webinaires sur l'exportation destinés aux entreprises autochtones, avec le service des délégués commerciaux, Exportation et développement Canada et la Banque de développement du Canada.
Nous avons mis au point une formation unique sur la préparation à l'exportation avec le World Trade Centre de Vancouver, qui sera offerte au début de janvier 2021. Le 3 décembre 2020, nous avons co-organisé un entretien sur l'exportation pour les entreprises autochtones du Canada et de l'Australie, ce qui a offert une mission commerciale pour les exportateurs autochtones des deux pays. Le prochain dialogue d'exportateurs autochtones aura lieu le 14 janvier 2021, cette fois avec des entreprises autochtones des États-Unis d'Amérique.
J'aimerais conclure en vous invitant à prendre ceci en considération. Trop souvent, les préoccupations des entreprises autochtones font partie des considérations secondaires, ce qui oblige les organismes autochtones comme le Conseil canadien pour le commerce autochtone à prouver au gouvernement du Canada que ses interventions ne répondent pas aux besoins des peuples autochtones. Pour appuyer la reprise économique autochtone, il serait raisonnable de prévoir des marchés réservés et une fonction d'intervenant pivot pour les volets du programme CanExport pour les entreprises et les communautés autochtones.
Le Conseil canadien pour le commerce autochtone s'engage à collaborer avec le gouvernement du Canada, ses membres et ses partenaires pour aider à reconstruire et à renforcer la voie vers un Canada sain et prospère.
Je vous remercie de votre attention. Meegwetch.