Je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole au sujet de la crise des opioïdes. Mes observations porteront principalement sur le traitement par agonistes opioïdes, ou TAO, ainsi que sur l'approvisionnement en drogues sûres.
Les médicaments agonistes opioïdes, dont la méthadone, la buprénorphine et la morphine à résorption lente administrée par voie orale, sont habituellement administrés sous supervision à la pharmacie. Des doses à emporter sont données lorsque le patient réduit sa consommation d'opioïdes à risque élevé. Les quatre médicaments sont tous des opioïdes puissants à action prolongée. À dosage adéquat, ils soulagent les symptômes de sevrage et l'envie impérieuse durant 24 heures complètes.
Des études montrent que la thérapie par agonistes opioïdes réduit la consommation d'opioïdes, les infections liées aux injections et la mortalité par surdose, même chez les gens qui consomment du fentanyl. Malheureusement, seule une minorité de consommateurs de fentanyl se prévalent d'un traitement par agonistes opioïdes, et le taux de rétention des patients qui l'amorcent semble diminuer. Plusieurs stratégies pourraient permettre d'améliorer l'accès au TAO et les taux de rétention des patients qui l'amorcent.
Il faut offrir immédiatement le traitement par agonistes opioïdes sur place aux patients dans les urgences et les hôpitaux, dans les services de gestion du sevrage et dans les cliniques d'accès rapide. Pour ce faire, les urgences et les hôpitaux doivent être dotés d'un service de traitement des dépendances sur place.
Le traitement par agonistes opioïdes doit être mis à la disposition des gens, peu importe l'endroit où ils vivent. Il est possible de le faire par la voie de la prestation de soins à distance. Le programme de traitement à distance de la dépendance aux opioïdes de l'Alberta est un bel exemple de réussite et un modèle pour le reste du pays.
Il faut mettre à l'essai et évaluer les protocoles novateurs d'administration des médicaments qui procurent un soulagement rapide et important des symptômes de sevrage et de l'envie impérieuse, comme la méthadone combinée à la morphine à résorption lente administrée par voie orale.
Les cliniques communautaires qui offrent le traitement par agonistes opioïdes doivent offrir l'accès sur place à une gamme complète de services auxiliaires, notamment des soins primaires, des services de santé mentale et la gestion de cas.
J'aimerais maintenant discuter brièvement des programmes d'approvisionnement en drogues sûres. Dans le cadre de ces programmes, on distribue des comprimés d'hydromorphone aux consommateurs d'opioïdes à risque élevé en combinaison avec la prestation du traitement par agonistes opioïdes. Selon plusieurs études, ces programmes sont associés à un risque réduit de surdose. Toutefois, aucune comparaison directe n'a été effectuée entre l'approvisionnement en drogues sûres et le traitement par agonistes opioïdes en ce qui concerne les taux de surdose ou d'infection liée à l'injection. Les programmes distribuent habituellement les comprimés d'hydromorphone à titre de médicament à emporter. On prescrit parfois aux patients de 30 à 40 comprimés à emporter par jour. Les patients qui se prévalent de cet approvisionnement en drogues sûres peuvent vendre ces comprimés — on parle alors de « détournement » — ou peuvent se les injecter.
À en croire les cliniciens, les patients, les familles, les médias et les études qualitatives, le détournement des comprimés d'hydromorphone à emporter semble courant. D'ailleurs, il a contribué de façon majeure à d'autres épidémies de drogue, notamment à l'épidémie d'OxyContin dans les années 1990 et au début des années 2000. À ce qu'on dit, les comprimés d'hydromorphone ne seraient pas uniquement vendus aux consommateurs de fentanyl mais également à des jeunes et à des bénéficiaires de thérapie par agonistes opioïdes. Les comprimés d'hydromorphone ne coûtent pas cher; même les enfants qui fréquentent l'école secondaire ont les moyens de se les payer. De toute évidence, les gangs criminelles sont impliquées, et ces comprimés sont maintenant vendus dans les collectivités éloignées.
Les chercheurs au Canada n'ont pas étudié les méfaits du détournement des comprimés d'hydromorphone à emporter, mais selon les premières recherches effectuées à ce sujet, les jeunes qui consomment des comprimés d'opioïdes sur ordonnance détournés présentent un risque supérieur de s'injecter subséquemment les comprimés et de passer à l'héroïne. Personnellement, j'ai eu des patients qui sont passés de comprimés d'hydromorphone détournés au fentanyl. Le fentanyl aussi ne coûte pas cher et produit une euphorie et un soulagement des symptômes de sevrage plus prolongés que les comprimés d'hydromorphone.
L'injection non supervisée de comprimés d'hydromorphone constitue également un grave problème. Les preuves indiquent que l'injection d'opioïdes sur ordonnance augmente le risque d'infection bactérienne grave telle que l'endocardite.
Il existe plusieurs stratégies pratiques et fondées sur des données probantes que l'on peut adopter pour rendre les programmes d'approvisionnement en drogues sûres plus sécuritaires pour les patients et le public.
L'une de ces stratégies consiste à administrer sous supervision les comprimés d'hydromorphone. Des études montrent que l'administration supervisée de médicaments agonistes opioïdes réduit les méfaits du détournement et de l'injection non supervisée, tout en ayant peu d'incidence sur les taux de rétention des patients qui amorcent le traitement.
Une autre stratégie consiste à combiner l'hydromorphone à des doses optimales de médicaments agonistes opioïdes. Les médicaments agonistes opioïdes ont un effet prolongé et sont, par conséquent, plus efficaces pour soulager les symptômes de sevrage que les comprimés d'hydromorphone. Le TAO réduit également le besoin de prescrire de grandes quantités de comprimés d'hydromorphone.