Merci, monsieur le président.
Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui pour discuter de trois rapports qui viennent d'être déposés à la Chambre des communes.
Je tiens d'abord à souligner que nous sommes réunis sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
Ce lieu est aussi appelé Ottawa. J'exprime ma gratitude et mon respect à tous les peuples autochtones qui ont contribué à façonner et à protéger les magnifiques territoires qu'ils occupent partout au Canada.
Aujourd'hui, je suis accompagnée de M. Glenn Wheeler, de M. David Normand et de Mme Mélanie Joanisse, qui étaient les responsables des trois audits.
Deux des audits dont je vais parler aujourd'hui portaient sur des programmes qui appuient les peuples autochtones du Canada. Le troisième, que je vais aborder en premier, a examiné la conception et la mise en œuvre du Fonds national des corridors commerciaux. Ce fonds vise à améliorer la circulation de marchandises à l'échelle du pays en renforçant les réseaux de routes, de chemins de fer, d'aéroports et de ports maritimes. Des réseaux de transport fluides et résilients favorisent les échanges commerciaux au moyen d'importations et d'exportations, et contribuent ainsi à la santé économique du Canada.
Nous avons constaté que Transports Canada avait bien conçu et mis en œuvre le fonds. Le ministère a recueilli et utilisé des données sur l'état et l'efficacité des corridors de transport pour cerner les goulots d'étranglement et d'autres contraintes liées à la fluidité. Cette approche fondée sur des données probantes a permis de sélectionner des projets visant à combler les lacunes connues en infrastructure.
Cependant, en raison de faiblesses dans le suivi des résultats et les rapports que fait Transports Canada, il était difficile d'établir si les projets avaient les effets escomptés. Il faut des années avant que des programmes d'infrastructure comme le Fonds national des corridors commerciaux ne produisent des résultats. En raison de ce facteur de temps, il est d'autant plus important de mettre en place un système rigoureux de suivi du rendement afin que Transports Canada puisse démontrer dans quelle mesure les fonds ont contribué à améliorer la fluidité de l'infrastructure de transport du Canada.
Je vais maintenant passer à nos audits relatifs aux programmes qui visent à soutenir les peuples autochtones du Canada.
Le premier portait sur le logement dans les collectivités des Premières Nations. Nous avons constaté que Services aux Autochtones Canada, ou SAC, et la Société canadienne d'hypothèques et de logement, la SCHL, avaient fait peu de progrès pour aider les Premières Nations à améliorer les conditions de logement dans leurs collectivités.
Tant SAC que la SCHL sont tenus de travailler avec les Premières Nations afin de combler leurs besoins en matière de logement d'ici 2030. Au cours des cinq dernières années, les deux institutions ont dépensé près de 4 milliards de dollars pour construire de nouveaux logements, pour réparer des logements existants et pour renforcer la capacité des Premières Nations à gérer le portefeuille.
Pourtant, nous avons constaté qu'en 2023, 80 % des besoins restaient à combler. Le pourcentage de logements qui nécessitaient des réparations majeures ou qui devaient être remplacés est resté essentiellement inchangé, malgré les efforts fournis pour construire ou pour réparer des logements.
En 2021, l'Assemblée des Premières Nations avait évalué à 44 milliards de dollars le montant nécessaire pour améliorer le logement dans les collectivités des Premières Nations, et les besoins ne cessent d'augmenter.
Nous avons constaté que le ministère et la Société canadienne d'hypothèques et de logement, ou SCHL, n'avaient pas accordé la priorité aux collectivités où les besoins étaient les plus importants. Les communautés des Premières Nations ayant les pires conditions de logement ont reçu moins de financement que les communautés de même taille ayant de meilleures conditions de logement.
La moisissure dans les logements des Premières Nations est un risque pour la santé qui perdure depuis longtemps, et nous avons constaté que Services aux Autochtones Canada et la Société canadienne d'hypothèques et de logement ne connaissent toujours pas l'ampleur du problème. En fait, le ministère et la SCHL ne suivent actuellement pas la stratégie qu'ils ont élaborée en 2008 pour régler ce problème, et ni l'un ni l'autre ne pouvait expliquer pourquoi la stratégie n'était plus utilisée. Il n'y a pas de plan en place pour s'attaquer à ce problème.
C'est la quatrième fois depuis 2003 que nous sonnons l'alarme au sujet des logements insalubres et inadéquats dans les collectivités des Premières Nations. L'accès à un logement adéquat est un besoin humain fondamental. Après quatre rapports d'audit, je peux honnêtement dire que je suis complètement découragée que la situation ait si peu changé et que tant de membres et de familles des Premières Nations continuent de vivre dans des logements inadéquats.
Les conclusions de notre dernier rapport d'audit sur le Programme des services de police des Premières Nations et des Inuits sont tout aussi préoccupantes. Dans l'ensemble, nous avons constaté que ni Sécurité publique Canada ni la Gendarmerie royale du Canada, ou GRC, n'avaient travaillé en partenariat avec les collectivités autochtones pour fournir des services de police proactifs axés sur les collectivités. Ils n'ont pas recueilli suffisamment de renseignements pour savoir si le programme donnait les résultats escomptés, y compris pour savoir si les exigences énoncées dans les ententes sur les services de police étaient respectées.
Notre dernier audit de ce programme remontait à 2014, il y a 10 ans, et nous avons à nouveau constaté des lacunes profondes dans sa gestion. Le financement accordé au programme a beaucoup augmenté au cours des 10 dernières années. Nous avons constaté que 13 millions de dollars liés à l'exercice 2022‑2023 n'avaient pas été dépensés. Cette constatation est préoccupante dans le contexte d'un programme qui a pour objectif de veiller à la sécurité des collectivités autochtones.
Par ailleurs, nous avons constaté que Sécurité publique Canada n'avait pas d'approche pour répartir les fonds équitablement entre les collectivités. Le ministère nous a indiqué que, pour déterminer les sommes attribuées, il se fiait à la mesure dans laquelle les provinces et les territoires étaient disposés à financer leur part du programme, ainsi qu'au financement que les collectivités avaient reçu dans le passé.
Nous avons relevé un manque de collaboration et de partenariat soutenus avec les communautés. Par exemple, bon nombre d'ententes sont automatiquement renouvelées pour des périodes de 10 à 15 ans. Cela signifie que l'engagement auprès des collectivités peut être reporté très longtemps.
Nous avons également constaté que, en raison de pénuries de personnel au cours des cinq dernières années, la GRC n'a pas été en mesure de pourvoir pleinement les postes pour lesquels elle reçoit des fonds en vertu des ententes du programme. Autrement dit, les communautés inuites et des Premières Nations n'obtiennent pas le niveau de services de police proactifs et axés sur la communauté qu'elles devraient recevoir.
Qu'il s'agisse du logement, des services de police, de la salubrité de l'eau potable ou d'autres dossiers critiques, il se dégage de nos audits des programmes fédéraux visant à soutenir les peuples autochtones du Canada une succession d'échecs inquiétants et persistants. L'absence de progrès démontre clairement que l'approche passive et cloisonnée du gouvernement est inefficace et, en fait, contraire à l'esprit d'une véritable réconciliation. Un changement fondamental s'impose de toute urgence pour favoriser des progrès importants dans l'offre d'un soutien adéquat aux familles et aux communautés autochtones de tout le pays, en particulier à celles qui en ont le plus besoin et qui sont trop souvent laissées pour compte à l'heure actuelle.
En omettant de prendre des mesures concrètes pour transférer pleinement aux peuples autochtones les pouvoirs et les compétences qui leur reviennent, le gouvernement fédéral ne respecte pas l'engagement qu'il a pris d'aider ces peuples à atteindre l'autodétermination. Il est important de comprendre que ces problèmes n'ont pas été hérités du passé. Ils sont actuels et perpétuels, et ils ont des conséquences directes que les gens vivent au quotidien, en plus d'entraver les engagements que le Canada a pris en faveur de la vérité et de la réconciliation.
Ceci conclut ma déclaration d'ouverture. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du Comité.