Merci beaucoup, monsieur le président.
En 2003 et 2004, j'ai eu le plaisir de coprésider la Commission sur la démocratie législative au Nouveau-Brunswick en compagnie de M. Lorne McGuigan, qui n'a malheureusement pas pu être ici aujourd'hui. Évidemment, nous gardons toujours, au fil des ans, une oreille attentive quant à ces questions, mais il est vraiment intéressant de revenir sur le sujet 12 ans plus tard. Je vous remercie beaucoup de cette invitation.
La Commission était composée de huit citoyens et citoyennes que je qualifierais de plus ou moins ordinaires. Il y avait dans le groupe des gens qui avaient de l'expérience en politique active et d'autres qui n'en avaient pas, mais, chose certaine, il n'y avait pas d'expert en systèmes électoraux. Nous avons donc beaucoup appris et cheminé. Nous avons fort heureusement bénéficié de l'appui de M. Bill Cross et de son équipe, dont faisait partie Mme Everitt, que j'ai le plaisir de retrouver. Pour étudier ces questions, nous avons bénéficié d'un fort appui de la communauté scientifique et universitaire. Nous avons tenu plusieurs séances de travail pour former les membres de la Commission, mais aussi pour faire part de ces informations à la population.
Au départ, les membres de la Commission étaient plutôt sceptiques quant à la nécessité de changer le système électoral de façon considérable. Cela dit, nous nous intéressions à bien d'autres enjeux. Je vais y revenir. Évidemment, nous avons cheminé. La question est complexe. Le vote est un sujet sensible et important pour la population. Après avoir entendu toutes sortes de points de vue et d'analyses, nous avons finalement recommandé un système de représentation proportionnelle mixte. Nous avons fait d'autres recommandations, bien sûr.
Qu'est-ce qui nous a amené à changer un peu de position sur la question?
L'écart entre le nombre de votes remportés et le nombre de sièges obtenus à l'Assemblée législative ou au Parlement saute aux yeux. Il est souvent considérable. C'est vraiment une faille majeure de notre système électoral, et il faudra corriger cela, quelles que soient nos convictions à d'autres égards.
Par ailleurs, on observe au fil des décennies une diminution du taux de participation de la population aux élections, ce qui est préoccupant.
Il y a aussi une sous-représentation chronique des femmes, encore aujourd'hui. Cela était une préoccupation importante pour les membres de la Commission.
En ce qui a trait à la faible représentativité de l'Assemblée législative, nous avons parlé des femmes, mais il a aussi été question des tierces parties, d'autres minorités. Le fait qu'une assemblée législative ne soit pas vraiment représentative est problématique.
Ce sont les principaux facteurs qui nous ont amenés à cheminer et à changer notre position en faveur d'un système de représentation proportionnelle mixte. C'est donc ce système que nous avons recommandé.
À quels enjeux la Commission a-t-elle accordé le plus d'importance dans le cadre de ce processus?
Certains systèmes, notamment le vote unique transférable, sont extrêmement alléchants. Pour les citoyens, c'est puissant, c'est extraordinaire, mais dans la pratique, c'est une révolution. Cela peut avoir des conséquences sur la stabilité des gouvernements. Contrairement à ce qu'a fait la Colombie-Britannique à la même époque, nous n'avons pas opté pour ce système, en dépit du fait qu'il était vraiment attrayant pour les citoyens. La stabilité des gouvernements est un facteur que nous avons pris en considération. Il y a plus d'une façon de favoriser cette stabilité, notamment le parti unique et les coalitions. Les coalitions politiques ne font pas partie de notre culture, mais elles fonctionnent très bien dans d'autres pays.
En ce qui concerne les enjeux, une plus grande représentativité de l'Assemblée législative est nécessaire. Il en va de la qualité de la gouvernance, comme le démontrent de nombreuses études, dans d'autres circonstances.
Nous voulions également trouver des façons d'accroître l'engagement des citoyens et des citoyennes, c'est-à-dire de les amener à participer davantage à la gouvernance de notre province.
En ce qui a trait à l'idée d'un référendum, elle était alléchante au départ, mais elle a perdu des plumes au fur et à mesure que progressaient nos discussions. Les référendums peuvent être des outils extrêmement dangereux. On pourrait prendre le Brexit comme exemple. La Commission est devenue clairement moins favorable aux référendums, qui posent des risques importants pour la démocratie, sauf lorsqu'il s'agit de questions plus anodines, moins sensibles, qui ont une moins grande charge émotive et qui sont plus sèches ou moins complexes. Toutefois, de façon générale, pour ce qui est de notre démocratie, ce n'est pas la panacée, au contraire.
Évidemment, ce sont mes opinions personnelles. Nous voilà 12 ans plus tard, et je crois que le changement est encore plus nécessaire au fédéral qu'il ne l'est ou qu'on ne l'a observé au palier provincial. Le risque de la régionalisation du vote en particulier, la régionalisation partisane du vote, est très grand. Nous jouons vraiment avec le feu. Jusqu'à maintenant, nous avons eu de la chance, il ne s'est pas produit d'accidents historiques, comme je les appelle, mais il est très clair que notre système actuel nous rend vulnérables à ce type de risque.
Le risque d'un gouvernement fédéral non représentatif ou d'un Parlement non représentatif, que ce soit sur les plans géographique, idéologique ou démographique, est encore plus grand à l'intérieur d'un système comme celui que nous avons. Il y a donc nécessité de faire des changements au sein de notre système électoral, particulièrement au palier fédéral, mais aussi au provincial. Cela me semble très clair.
Au Nouveau-Brunswick, si on additionne les votes recueillis aux dernières élections, le Parti conservateur et le NPD ont obtenu, si ma mémoire est bonne, 43 % des votes, et pourtant, ces partis n'ont aucun représentant au Parlement du Canada. L'écart entre le pourcentage de votes et le nombre de sièges est clair, peu importe l'allégeance. Cela ressort très clairement. Nous avons connu, dans la province, des situations où un parti ayant obtenu moins de votes qu'un autre a été porté au pouvoir. Cela ne respecte pas la volonté de la population, c'est très clair, et c'est évidemment dangereux à plusieurs égards.
Au Canada, un parti pourrait gouverner sans aucune représentation d'une région, ou avec une très faible représentation. Un parti pourrait facilement gouverner sans qu'une région soit représentée, ou alors qu'elle est très peu représentée. Ce n'est pas sain. Qu'il y ait une domination des deux plus importantes régions au sein du gouvernement fédéral et que les autres régions en soient pratiquement absentes, ce n'est vraiment pas sain et c'est dangereux pour le Canada.
Un système qui s'appuie sur une forme de représentation proportionnelle constitue vraiment la seule façon d'assurer une meilleure représentation des régions, des idéologies, de la démographie et des intérêts divers, quels qu'ils soient, au sein du Parlement du Canada.
J'ai parlé également de la représentativité des valeurs canadiennes au Parlement. Nous avons tout intérêt à ce que les différentes tendances soient représentées et à éviter que, à un certain moment de notre histoire, pour toutes sortes de raisons qui peuvent relever de la conjoncture aussi, une tendance minoritaire en ce qui touche les valeurs canadiennes se retrouve au pouvoir. Cela pourrait entraîner un bouleversement des valeurs et du fonctionnement de notre pays. Ces situations peuvent se produire assez facilement.
En ce qui a trait à la représentativité des femmes et des tiers partis, notre système actuel n'y est pas très favorable. De fait, je crois qu'aucun gouvernement au Canada, ni au fédéral ni au provincial, ne compte plus d'un tiers de femmes parmi sa députation, et ce, malgré des efforts très importants. C'est un signal très clair qu'il faut faire des changements de ce côté.
Je vais parler aussi des minorités et j'utiliserai l'exemple de la Nouvelle-Écosse, où la communauté acadienne a engagé une poursuite en cour. Je ne sais plus de quel palier de la cour il s'agit. Avec le redécoupage des circonscriptions électorales, la communauté acadienne se retrouve minoritaire partout et court donc un risque très élevé de ne pas avoir de représentants à l'Assemblée législative provinciale. Je crois que notre système de représentation doit être sensible aux enjeux des minorités.
Nous pourrions parler aussi des Premières Nations. Je crois que nous devons innover en ce qui a trait aux modèles de représentation pour nous assurer que ces communautés, que ces minorités, sont bien représentées au sein du Parlement du Canada ou des assemblées législatives.
Au Nouveau-Brunswick, nous avons élaboré différentes formules, dont ce que nous appelons les cartes électorales superposées, dans le milieu scolaire. Des modèles existent pour bien représenter les communautés et faire en sorte qu'elles se sentent représentées dans les structures décisionnelles quelles qu'elles soient.
Un autre élément majeur est de favoriser l'engagement citoyen et de rehausser la crédibilité du processus électoral. C'est extrêmement important.
Le financement des partis politiques est d'une importance capitale. En ce qui concerne le financement public, il n'y a qu'à observer ce qui se passe au sud de notre frontière, aux États-Unis. Nous ne voulons pas nous retrouver dans ce type de système. D'un point de vue démocratique, il y a des risques incroyables. Nous devons profiter de l'exercice proposé par ce comité pour revenir sur le financement des partis politiques.
Aussi, il est extrêmement important de reconnaître l'importance du rôle que jouent Élections Canada et le directeur général des élections. Ce dernier doit être bien outillé pour faire une surveillance extrêmement rigoureuse, sinon la crédibilité du processus électoral en souffrira, avec tout le cynisme et le désengagement que cela implique.
Je pense aussi qu'il est temps d'aller du côté des outils électroniques. Il faut favoriser la participation au vote. Dans bien des cas, voter peut être difficile.
Il faudrait également penser à la possibilité de réduire l'âge pour voter. La question se discute actuellement au Nouveau-Brunswick. On peut dire que les jeunes, à partir de 16 ans, sont aussi bien et même mieux informés que les personnes âgées de plus de 16 ans. Je crois qu'il faut étudier cette question.
Je reviens sur la question des référendums. D'un point de vue démocratique, c'est très risqué. Il faut faire attention. Les risques sont énormes. Il ne faut pas tomber dans ce piège qui, en apparence, est attrayant, mais qui comporte des risques énormes.
En conclusion, il faut d'abord cibler les objectifs que nous souhaitons atteindre. Les discussions doivent clarifier ce que nous souhaitons atteindre. À cet égard, plusieurs modèles peuvent nous aider.
Merci.