Merci beaucoup.
La Manitoba Motion Picture Industry Association, ou MMPIA, souhaite la bienvenue à Winnipeg au Comité permanent de la Chambre des communes. Nous sommes heureux de vous faire part de nos commentaires sur votre étude sur le rôle d'un radiodiffuseur public au XXIe siècle, et nous sommes très heureux de le faire dans notre ville natale, sous un soleil brillant.
La MMPIA a été fondée en 1987 à titre d'association à but non lucratif pour représenter les intérêts de l'industrie de la production télévisuelle et cinématographique indépendante au Manitoba. À l'époque, la production annuelle de l'industrie était inférieure à 1 million de dollars. Aujourd'hui, les niveaux de production dépassent les 100 millions de dollars. On estime que 1 000 Manitobains travaillent directement dans l'industrie, soit pour le long métrage, les nouveaux médias et la télévision. De quelques douzaines de membres qu'elle comptait à l'origine, notre association en compte maintenant 350, y compris des particuliers, des sociétés de production, des groupes syndicaux, des distributeurs, des radiodiffuseurs, des fournisseurs et des exposants. En tout, notre association représente 1 400 personnes, dont les membres des communautés autochtone et franco-manitobaine.
Le rôle joué par notre association pour la défense de l'industrie est augmenté par ses programmes de développement conçus pour édifier des entreprises et l'industrie manitobaines. Elle effectue des études d'impact économique, rend hommage à l'industrie par le biais de ses prix Blizzard bisannuels qui, bien entendu, se tiennent en février, et sert également de centre d'information.
Nous sommes fiers de nos réalisations. Nous sommes reconnaissants du fort appui que nous recevons du reste du Manitoba, des gouvernements provinciaux et municipaux et des gens. Une grande partie de notre succès est attribuable à la fierté que les Manitobains éprouvent envers leur province et à la générosité avec laquelle ils partagent leurs foyers, leurs rues et leur milieu naturel environnant avec nos équipes de production.
Ensemble, nous avons produit des histoires du Manitoba comme Cowboys and Indians: the J.J. Harper Story, A Bear Named Winnie, et le Dracula: Pages From a Virgin's Diary du Ballet royal de Winnipeg, toutes pour Radio-Canada. Nous avons faitElijah et le documentaire Brawl pour CTV l'an dernier. La série Falcon Beach de Global est produite et se déroule au Manitoba. Les films Niagara Motel, Saddest Music in the World, de Guy Maddin et Capote, gagnant d'un Oscar, montre l'envergure de cette partie de l'industrie.
Le Manitoba a contribué à l'édification de la radiodiffusion canadienne. La famille Asper et son empire CanWest de même que la famille Craig qui a créé A-Channel en sont originaires. Le réseau APTN a été fondé et est situé ici. La famille Moffatt a lancé CKY et fondé le Women's Network à Winnipeg. Les dirigeants Peter Herrndorf, Slawko Klymkiw, Diana Swain et Jane Chalmers de CBC ont tous commencé leur carrière ici. L'émission d'actualités du Manitoba 24 Hours s'est classée en tête des émissions de nouvelles régionales de CBC pendant de nombreuses années.
Au cours de la préparation de cet exposé, nos membres nous ont rappelé qu'ils ont des opinions passionnées sur le rôle du radiodiffuseur public et la récente performance de Radio-Canada. Leurs attentes sont élevées.
Tout d'abord, Radio-Canada a besoin d'un financement public adéquat. Les membres de notre association estiment qu'un radiodiffuseur public est essentiel à la santé politique et culturelle du pays et qu'il devrait être financé par le gouvernement de manière à pouvoir remplir son mandat. L'histoire de Radio-Canada compte de nombreuses choses louables, mais cet exposé concerne son rôle au XXIe siècle, et nous allons nous concentrer là-dessus.
On s'inquiète beaucoup du fait qu'une réduction du financement public, les augmentations de coûts et une fragmentation de l'auditoire aient miné la capacité de Radio-Canada à remplir son mandat. On s'inquiète également du fait que ses priorités et sa vision soient déformées par sa quête de dollars de publicité parce que la télévision de Radio-Canada — toute la télévision anglaise — doit dépendre d'un revenu gagné pour plus de la moitié de son financement annuel. Nous soumettons respectueusement que le Canada doit décider s'il veut un radiodiffuseur public ou non et qu'à l'heure actuelle, en dépit des vaillants efforts de nombreux employés de Radio-Canada, elle est une organisation hybride qui ne connaît le succès ni comme radiodiffuseur public ou réseau commercial.
Comme l'a fait remarquer l'ACPFT dans son exposé à ce comité, le financement consenti par le Canada à Radio-Canada la place au seizième rang parmi 18 radiodiffuseurs publics du monde occidental, à 33 $ par Canadien comparativement à la moyenne de 80 $ par personne.
Nous ne croyons pas que le financement public de Radio-Canada devrait nécessairement inclure une portion garantie du Fonds canadien de télévision. L'arrangement par lequel Radio-Canada reçoit 37 p. 100 du FCT semble n'être qu'une demi-mesure, qui offre à Radio-Canada une certaine compensation pour le manque d'appui gouvernemental, mais aux dépens du secteur privé et des réalisateurs indépendants, pour qui le FCT a été créé.
Pour ce qui est de l'auditoire de Radio-Canada et de sa vision, un financement public adéquat n'est que la première mesure sur la voie d'un radiodiffuseur public canadien fort. Pour que Radio-Canada puisse remplir son mandat d'être typiquement canadienne, de rendre compte de la diversité régionale du pays et de contribuer activement à l'expression culturelle et à l'échange des diverses formes qu'elle peut prendre, elle doit identifier son auditoire spécifique et créer ensuite des émissions qui mobilisent et divertissent cet auditoire.
On a beaucoup fait état des effets négatifs de la fragmentation des téléspectateurs, mais des radiodiffuseurs spécialisés comme HBO aux États-Unis ont réussi en desservant un auditoire plus petit mais loyal avec une programmation distincte, audacieuse. Il n'est pas dit dans le mandat de Radio-Canada qu'elle doit attirer plus d'auditoire que le dernier succès américain; il est dit qu'elle devrait fournir en contrepartie un produit canadien.
Des radiodiffuseurs publics comme PBS reconnaissent leur rôle de ressource communautaire. Voici comment ils se décrivent: « Ressource communautaire à qui on fait confiance, PBS utilise le pouvoir de la télévision non commerciale, d'Internet et des autres médias pour enrichir la vie de tous les Américains par le biais d'émissions de qualité et de services éducatifs qui informent, inspirent et divertissent. »
Voici comment la BBC définit son rôle: « La BBC existe pour enrichir la vie des gens grâce à des programmes et services de qualité qui informent, instruisent et divertissent. »
Notre association est impatiente de voir une Société Radio-Canada dotée de ressources qui lui permettront de collaborer avec des producteurs indépendants de tout le Canada pour créer du divertissement innovateur dans le domaine des dramatiques, du documentaire, des arts, des sports et des actualités. Ensemble, nous fournirons aux Canadiens des émissions uniques et leur construirons un auditoire.
Pour ce qui est des régions, le mandat de Radio-Canada veut que la Société « reflète la globalité canadienne et rende compte de la diversité régionale du pays, tant au plan national qu'au niveau régional, tout en répondant aux besoins particuliers des régions ». Nous estimons qu'on devrait plutôt dire « refléter la globalité canadienne par le biais de la diversité régionale du pays, tant au plan national qu'au niveau régional ».
Radio-Canada peut s'acquitter de son mandat et servir le public en collaborant avec des producteurs indépendants pour concevoir une programmation locale dans les régions. Des émissions d'actualité, des documentaires, des émissions artistiques et des dramatiques peuvent être produits localement et diffusés à l'échelle locale ou nationale.
Nous proposons que Radio-Canada consacre 20 heures par semaine à la programmation locale à chacune de ses stations. Un réel partenariat entre les producteurs et les bureaux locaux de Radio-Canada offrirait aux auditoires régionaux une programmation unique et un engagement envers leur radiodiffuseur public. Pensez au modèle que représente la radio de Radio-Canada et sa puissance dans les régions. Notre association propose de ramener Radio-Canada d'où elle vient, à ses racines.
Nous félicitons Radio-Canada pour la série Little Mosque on the Prairie, mais regrettons que cette émission — créée par une société de production et un écrivain de Regina, qui se déroule en Saskatchewan et qui était à l'origine filmée en Saskatchewan — ait été déménagée à Hamilton, en Ontario, par Radio-Canada. À l'instar de Corner Gas de CTV, la série a représenté un énorme débouché sur le plan de la production régionale qui aurait pu revigorer l'industrie de Regina et ramener Radio-Canada dans cette ville. La décision de la produire à Hamilton soulève la question de savoir si Radio-Canada valorise sa relation avec les régions du Canada et ce que celles-ci ont à offrir.
Les auditoires manitobains méritent des histoires typiquement manitobaines. Radio-Canada pourrait servir de canal entre les créateurs locaux et les auditoires locaux. Cette façon de faire constitue un moyen de rendre Radio-Canada essentielle aux Canadiens.
Pour ce qui est de la relation avec les producteurs régionaux, nous invitons instamment Radio-Canada à améliorer sa relation avec ceux-ci. Notre association estime qu'un accroissement des ressources et du pouvoir des bureaux régionaux de Radio-Canada contribuerait au développement de cette importante relation.
Nous invitons Radio-Canada à s'impliquer plus activement dans notre communauté et à travailler avec le secteur de la production indépendante pour créer une capacité et fournir une programmation de grande qualité aux Manitobains et à d'autres. Nous voulons établir une relation à long terme.
Nous estimons que le bureau local de Radio-Canada ne reçoit ni un mandat clair pour concevoir une programmation ni les ressources ou l'appui financiers nécessaires pour y arriver. À l'heure actuelle, les producteurs désireux de travailler avec Radio-Canada doivent se rendre eux-mêmes à Toronto; la tasse de café à 1 000 $ est vraiment une réalité pour les producteurs manitobains.
Si l'on regarde le bilan passé du travail de Radio-Canada avec les producteurs manitobains au cours des dix dernières années, on constate que l'investissement total de Radio-Canada dans les productions manitobaines est tombé derrière celui de quatre autres radiodiffuseurs — dans l'ordre, CanWest Global, CTV, Corus et Alliance Atlantis.
La nouvelle technologie et des centres de production régionaux haut de gamme comme Winnipeg, Vancouver et Halifax confirment qu'il n'est pas besoin de centralisation pour réaliser une production de qualité. Le Manitoba offre également des incitatifs financiers sous forme de crédit d'impôt provincial très attrayant.
Le bureau de développement de l'Ouest de CTV, qui est ici à Winnipeg, est un bon modèle. À l'origine, il faisait partie d'un ensemble modeste d'avantages, mais le bureau et le fonds de développement qui l'ont accompagné sont devenus un cordon de sécurité entre notre collectivité et CTV. Il en est résulté une programmation manitobaine qui s'adresse aux Manitobains, comme la suite Manitoba Moments, et des productions à plus grande échelle réalisées par des Manitobains qui sont diffusées partout au pays. Il y a aussi eu un effet de tremplin pour de nombreux jeunes producteurs et réalisateurs, CTV ayant investi en eux pour des productions locales de plus petite envergure et leur ayant par la suite donné l'occasion de réaliser des projets d'ampleur nationale. Une confiance s'est établie entre les réalisateurs régionaux et CTV en raison de la présence de cette dernière dans notre collectivité.
Doter le bureau régional de la SRC à Winnipeg de gens d'expérience, de véritables pouvoirs, de fonds de développement et d'une programmation à caractère purement régional ferait naître de bien meilleures collaborations avec les réalisateurs et créateurs de talent du Manitoba et une programmation distinctive pour la SRC.
Par le passé, la SRC s'était donné comme priorité d'encourager les jeunes Canadiens talentueux. La MMPIA juge qu'il y a moins de chances pour les nouveaux conteurs manitobains de travailler à la SRC aujourd'hui. Nous invitons la SRC à renouveler son rôle en développant la diversité du talent canadien.
Puisqu'il est question de travailler pour la SRC, les membres de la MMPIA ont soulevé les questions suivantes pour ce qui est de collaborer effectivement avec divers départements de la SRC. La première question est celle de la clarté. Les producteurs indépendants ont besoin d'un énoncé clair du plan de programmation de la SRC de façon à pouvoir savoir ce qu'il faut présenter à la SRC et comment l'aider à combler ses besoins en matière de programmation.
Une autre question est celle des décisions et des paiements en temps opportun. Les petites maisons de production, tout particulièrement dans les régions, ont besoin de réponses rapides de la SRC pour faire avancer leurs projets et garder leurs entreprises en santé.
Finalement, pour ce qui est des questions liées aux droits et les conditions d'échange, l'ACPFT, l'Association canadienne de production de films et de télévision, a demandé la négociation d'une entente commerciale entre les producteurs indépendants du Canada et la SRC. Nous sommes d'accord. La CBC/SRC devrait adopter des pratiques commerciales justes et équitables pour ce qui est des modalités des contrats, comme verser des redevances adéquates, ne pas exiger des contrats de licence inutilement longs et un partage équitable de l'exploitation des droits. En outre, la CBC/SRC devrait être à la tête d'un mouvement visant à trouver des modèles de financement pour la création d'une programmation canadienne indépendante qui viendra renforcer sa relation avec les producteurs et favoriser la croissance et la viabilité du secteur des productions indépendantes.
Pour ce qui est du réseau national de la SRC, bien que nous estimions que la SRC devrait appuyer une programmation régionale et locale, nous croyons également qu'en tant que radiodiffuseur public national du Canada, elle devrait présenter une programmation nationale novatrice, divertissante. Nous constatons que la programmation télévisuelle la plus divertissante est novatrice, y compris la dramatique qui connaît le plus grand succès commercial aux États-Unis. « L'expression culturelle et l'échange des diverses formes qu'elle peut prendre », qui fait partie du mandat de la SRC, ne se fait que par le divertissement, quel qu'en soit le genre. Nous croyons aussi que la SRC devrait offrir aux téléspectateurs des émissions internationales qui correspondent à son mandat, des émissions qui intéresseront son auditoire et que l'on ne peut voir sur les réseaux commerciaux.
Robert Rabinovitch a déclaré devant notre comité le 15 février, dans le cadre de l'examen de l'avenir du Fonds canadien de télévision, ce qui suit: « Notre objectif à CBC/Radio-Canada n'est pas d'obtenir systématiquement la part d'auditoire la plus importante, mais plutôt de présenter aux Canadiens des émissions canadiennes significatives ». Mais les responsables de la programmation à la SRC ont été obligés de viser le plus grand auditoire possible en mettant à la programmation des téléréalités génériques et des superproductions américaines. Ces genres sont largement diffusés sur les réseaux commerciaux et ne constituent pas une programmation unique. Ils sont là pour l'argent de la publicité.
La MMPIA croit que le gouvernement devrait donner à la SRC les ressources dont elle a besoin pour prendre des risques. Nous sommes d'accord avec la recommandation de l'ACPFT, à savoir que le rôle et le mandat de la SRC devraient faire « l'objet d'examens réguliers pour s'assurer qu'elle demeure pertinente pour les Canadiens à mesure que l'environnement de la radiodiffusion et des communications change ». Nous croyons que le succès de la SRC devrait se mesurer à son incidence plutôt qu'à des nombres.
Pour ce qui est des variétés et des documentaires à la SRC, le Manitoba est depuis longtemps un centre des arts, et les producteurs manitobains ont produit de nombreuses émissions de variétés pour la SRC, y compris la production internationale qui a mérité un Emmy, Dracula: Pages from a Virgin's Diary, une collaboration du cinéaste Guy Maddin, du chorégraphe Mark Godden et des danseurs du Royal Winnipeg Ballet. Nous avons également fait Appassionata et The Tales of the Magic Flute.
L'annulation de Opening Night, l'émission très suivie des arts de la scène de la SRC, a été ressentie dans notre collectivité. La MMPIA craint que la programmation des arts de la scène, un lien essentiel pour l'expression culturelle des Canadiens, ait perdu sa place sur les ondes publiques.
Dans le même ordre d'idées, nous constatons qu'il y a moins de documentaires qui sont diffusés à la SRC. Les documentaires ont été et continuent d'être un pilier de la télévision canadienne et de la SRC. Nous invitons la SRC à faire preuve de leadership dans ce domaine et à collaborer avec les producteurs indépendants afin de façonner le genre documentaire pour le XXIe siècle.
Pour ce qui est du rôle de la SRC, les membres de la MMPIA s'inquiètent du fait que la SRC soit en mode de survie et que son mandat ait été mis de côté pendant que les comptes se font payer. Le problème, c'est que sans le mandat, il est difficile de justifier que les contribuables acquittent ces factures. C'est un cercle vicieux. Nous félicitions chaleureusement les employés dévoués de la SRC qui ont réussi à garder la SRC en vie malgré toutes ces années de compressions, mais nous ne pensons pas que de tout simplement survivre soit la norme qui est acceptable.
Nous demandons que le comité recommande un financement stable, à long terme pour la SRC, conjugué à des examens réguliers. Nous demandons que la SRC soit autorisée à devenir le radiodiffuseur public du Canada, à offrir une programmation qui soit une solution de rechange aux émissions principalement américaines des réseaux commerciaux; qu'on l'encourage à prendre des risques et à travailler d'un bout à l'autre du pays avec les Canadiens; et qu'elle soit jugée à la réalisation de son mandat et au rôle qu'elle joue dans notre culture et notre société.
Nous suggérons que la SRC revoie le mandat, présente un plan et le publie. Nous allons encourager tous nos membres à le lire et à avoir le débat inévitable qui s'y rattache. Par contre, les Canadiens vont se parler de notre pays et de notre culture, et cela semblerait suffisant pour nous mettre sur la bonne voie.
La MMPIA remercie sincèrement le comité de lui avoir donné la possibilité de contribuer à cet important processus. Nous aimerions maintenant répondre à vos questions.
Merci.