Monsieur le Président, je suis heureux de participer, au nom des électeurs de Surrey-Centre, au débat sur le projet de loi C-51, en particulier en ce vendredi qui sera peut-être le dernier jour de la session, afin de parler du renforcement et du rétablissement de la démocratie au Canada, que nous ne devons pas tenir pour acquise.
Le projet de loi C-51 modifie la Loi électorale du Canada et la Loi de l'impôt sur le revenu. Je sais que les députés de ce côté-ci ont de nombreuses questions à poser, et j'espère que nous aurons la possibilité de le faire, mais nous aimerions poser des questions au leader du gouvernement à la Chambre.
Nous savons pour quelle raison la Chambre a été saisie de ce projet de loi. Il fait suite à la la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Miguel Figueroa. Miguel Figueroa est le dirigeant du Parti communiste du Canada, qui a été fondé en 1921 et qui était un parti enregistré en vertu de la Loi électorale du Canada, depuis le début de l'enregistrement des partis politiques en 1974.
Aux élections fédérales de 1993, cependant, le parti a perdu son statut de parti enregistré et tous les avantages qui en découlaient, parce qu'il a présenté moins de 50 candidats. À la suite de sa radiation, le parti a dû liquider ses biens, rembourser toutes ses dettes et remettre ce qui lui restait au directeur général des élections.
M. Figueroa a entamé des poursuites contre le procureur général, afin de faire reconnaître que certaines dispositions de la Loi électorale du Canada allaient à l'encontre de certaines dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés et qu'elles étaient, par conséquent, nulles et non avenues.
Le premier jugement a été prononcé en mars 1999 par la Cour de justice de l'Ontario, qui a statué que l'obligation de présenter 50 candidats était une exigence draconienne et violait l'article 3 de la charte, qui reconnaît le droit de vote et d'éligibilité aux élections. Toutefois, cette décision n'a pas plu aux libéraux, qui ont eu gain de cause en appel.
En août 2000, la Cour d'appel de l'Ontario a déclaré que l'exigence fixant à 50 le nombre de candidats était dans les limites du raisonnable. M. Figueroa s'est alors adressé à la Cour suprême du Canada, qui a tranché en sa faveur et fait tomber le seuil des 50 candidats. Selon la cour, cette exigence était inéquitable à l'égard des petits partis, dans la mesure où elle les empêchait de profiter des avantages consentis aux partis inscrits. On a jugé que ce traitement inégal porte atteinte aux droits des citoyens de participer de façon significative au processus électoral, comme le prévoit l'article 3 de la charte.
La cour a cependant suspendu l'application du jugement jusqu'au 27 juin 2004, afin de permettre au Parlement d'apporter les changements nécessaires à la Loi électorale du Canada.
Il est intéressant de constater que, lorsqu'il est question de la Loi électorale du Canada, le gouvernement ne cesse d'interjetter appel des décisions des tribunaux qui laissent entendre que l'on empiète sur les droits démocratiques des Canadiens, mais que, lorsqu'il est question des mariages homosexuels, les mêmes libéraux ne mettent pas de temps à dire que les tribunaux se sont prononcés et modifient immédiatement les lois.
Dans le souci de rétablir et d'améliorer la démocratie, ils ne cessent d'interjeter appel des décisions des tribunaux. Il semble que priver les Canadiens du droits que leur confère la Constitution de s'exprimer à l'occasion des élections fédérales mérite de faire l'objet d'un appel à un tribunal supérieur, mais que détruire la common law établie de longue date et régissant les liens sacrés du mariage ne vaut pas la peine que l'on intervienne. Un peu de sérieux!
Selon des documents du ministère, l'objectif principal du projet de loi C-51 est d'établir un bon équilibre entre un traitement équitable des partis et le besoin de préserver l'intégrité du processus électoral. Nous constatons donc que, bien que le projet de loi laisse tomber la règle des 50 candidats, il propose aussi de nouvelles exigences applicables à tous les partis. Ces nouvelles exigences visent à empêcher l'enregistrement de partis n'ayant pas l'intention de participer au processus électoral.
Voici une liste des nouvelles exigences en matière d'enregistrement: le parti doit compter au moins 250 membres ayant signé une déclaration dans laquelle ils affirment qu'ils sont membres du parti et qu'ils appuient son enregistrement; un des objectifs essentiels du parti doit être de participer aux affaires publiques en soutenant la candidature et en appuyant l'élection d'un ou de plusieurs de ses membres, et le chef du parti doit faire une déclaration à cet effet; le parti doit effectivement soutenir une candidature à une élection. L'enregistrement d'un parti qui ne soutient aucune candidature à l'occasion d'élections générales sera automatiquement annulé. Enfin, le parti doit compter au moins trois dirigeants, en plus du chef.
La reconnaissance et l'enregistrement des partis politiques aux termes de la loi constituent une évolution assez récente. L'enregistrement a débuté au début des années 70 dans le cadre de divers changements apportés à la Loi électorale du Canada.
L'enregistrement offre des avantages et des occasions considérables aux partis politiques. Parmi les avantages, mentionnons le droit à des reçus pour déduction fiscale, le remboursement des dépenses électorales, du temps d'antenne gratuit, l'accès aux listes des électeurs à chaque année et l'inscription du nom des candidats sur les bulletins de vote.
En 1993, le gouvernement de l'époque a donné suite au rapport de la Commission royale d'enquête sur la réforme électorale et le financement des partis, appelée commission Lortie, en modifiant la Loi électorale du Canada. C'est le projet de loi C-114 qui a rendu obligatoire le désenregistrement des partis politiques qui ne réussissent pas à faire élire au moins 50 candidats lors d'élections générales. Ce projet de loi compliquait également la vie des petits partis en haussant le dépôt des candidats de 200 $ à 1 000 $. Ce dépôt constituait en fait un obstacle de 50 000 $ pour les partis désireux de participer au processus démocratique.
Ce projet de loi imposait également des limites en matière de publicité par des tiers et a été appelé la loi du bâillon. Toutefois, ces limites ont récemment été déclarées inconstitutionnelles. Cette mesure législative n'avait été débattue que 15 minutes à la Chambre et avait été adoptée avec ruse, à la fin de la séance du vendredi, juste avant deux semaines de relâche.
Le quotidien Globe and Mail a déclaré que cette mesure législative était la pire violation depuis nombre d'années de la liberté d'expression des Canadiens et a laissé entendre qu'il s'agissait d'une tentative de la part des politiciens fédéraux, particulièrement de ce côté-ci de la Chambre de se maintenir au pouvoir.
Si la règle des 50 candidats visait à éliminer les petits partis et leurs voix dissidentes, elle a remarquablement réussi à entraver le processus démocratique.
De plus en plus de Canadiens se désintéressaient du gouvernement et des partis politiques de la vieille garde. Cette désaffectation a entraîné l'émergence de partis marginaux ou protestataires. Ils ont rempli et, à cet égard, continuent de remplir, bien qu'à un degré moindre, une fonction importante. Ils permettent l'expression d'idées auxquelles tiennent certains électeurs. Ils permettent aux Canadiens d'être entendus, leur donnant une voix qui risquerait d'être perdue au sein des grands partis.
Le vote de protestation est plus substantiel que la plupart des gens ne le croient, même dans cette enceinte. Lors des élections fédérales de 1998, exactement 584 521 Canadiens ont voté pour des partis marginaux ou des candidats indépendants. Pour mettre les choses en perspective, ajoutons que seulement 540 941 Canadiens ont voté lors des élections au Manitoba.
Onze partis marginaux ont présenté des candidats aux élections de 1988. Il s'agissait entre autres de vieux partis tels que le Crédit social et le CCF ainsi que d'une nouvelle formation qui allait devenir un important joueur sur la scène politique fédérale, le Parti réformiste du Canada, qui a apporté une contribution valable dans l'arène politique.
L'application stricte de la règle des 50 candidats a quelque peu changé la donne lors des élections de 2000. Seuls six partis marginaux ont présenté des candidats, mais ils ont obtenu quelque 300 000 votes.
Chaque fois que la Loi électorale du Canada est modifiée, on dirait qu'il est plus compliqué de créer de nouvelles formations politiques. Les libéraux ont façonné la loi de manière à ce que le monopole du pouvoir n'échappe jamais aux grands partis. Cela cause du tort aux petites formations politiques et aux candidats indépendants.
Pour que de véritables débats aient lieu et au nom de la démocratie, nous avons besoin de formations politiques représentant un large éventail d'intérêts. Nombre de Canadiens s'abstiennent de voter parce qu'ils ont l'impression que les grands partis ne s'intéressent pas à eux. Depuis les élections fédérales de 1980, le taux de participation a reculé de façon régulière, passant de 75 p. 100 à 61 p. 100, creux sans précédent atteint lors des élections fédérales de 2000. Qu'advient-il des électeurs potentiels, les 39 p. 100 restants? Le problème est grave.
Si nous voulons vraiment augmenter le taux de participation aux élections, nous devons avoir un système équitable. Nous devrions faciliter la tâche aux petites formations pour qu'elles puissent se faire inscrire, participer au débat, bénéficier d'une couverture médiatique et obtenir des fonds publics.
Les libéraux dédaignent les petites formations politiques. Leur arrogance est doublée de dédain. Ils ne voient pas que la démocratie ne s'arrête pas au pouvoir. La démocratie fait aussi intervenir le partage d'idées, le respect et la protection des droits d'autrui, surtout les minorités et les opinions minoritaires. Les membres des petits partis ne sont pas assez naïfs pour croire qu'ils remporteront les prochaines élections. Toutefois, le fait de savoir qu'ils ne formeront pas le prochain gouvernement ou de s'attendre à ne pas obtenir ne serait-ce qu'un siège ne diminue pas leur enthousiasme à l'égard du processus démocratique.
La participation aux élections permet aux petites formations politiques de faire valoir la popularité de leurs programmes. C'est ainsi qu'elles peuvent augmenter le nombre de leurs membres ou inspirer les politiques des grandes formations. Les petites formations fournissent aussi aux électeurs mécontents des grands partis l'occasion de protester dans la boîte de scrutin, ce qui peut faire pencher la balance lorsque la lutte est chaude.
La réforme démocratique constitue un principe fondamental de mon parti politique, le Parti réformiste du Canada, maintenant l'Alliance canadienne, depuis 16 ans. Contrairement au parti d'en face, la réforme démocratique n'est pas pour nous une envie temporaire qui nous prend lorsque nous cherchons à obtenir l'appui des simples députés, lorsqu'il y a une course à la direction ou lorsqu'il y a des élections tous les trois ans et demi, c'est un thème constant pour notre parti depuis 1987.
Tout le monde devrait participer à la démocratie, y compris les petits partis. La règle des cinquante candidats de la Loi électorale du Canada est une attaque contre les petits partis et, en plus, elle limite et met en péril le droit à la libre expression politique et le droit d'association, deux droits garantis par la Charte des droits et libertés. Elle vise à perpétuer la domination des grands partis politiques en entravant la création de petits ou de nouveaux partis.
La tentative du gouvernement de contourner la décision rendue en faveur de la règle des cinquante candidats donne à penser que les libéraux sont carrément hostiles à la démocratie; d'ailleurs, ils font figure de dictature élue au Canada. Nous savons comment le prochain chef du Parti libéral a mis en scène un lent coup d'État au sein de son parti. Avec ses vieux copains, il a pris le contrôle des associations de circonscription. Ils ont forcé la main de leur caucus, premier ministre compris. Ils ont fait fuir en les terrorisant les candidats en lice à la direction du parti. Le premier ministre pourrait bien finir par être évincé avant la fin de son mandat.
Les libéraux ont cherché à faire en sorte qu'il soit aussi difficile que possible pour n'importe quel groupe politique de les menacer lors des élections. Malgré cela, le prochain chef du Parti libéral se montre sceptique face à la reforme démocratique. Je ne sais pas comment il peut affirmer être favorable à la réforme démocratique.