Monsieur le Président, on dit que seul un soldat peut comprendre la nature profonde de la guerre et des conflits. C'est tout aussi vrai aujourd'hui qu'il y a 95 ans. Pour beaucoup d'entre nous qui siégeons à la Chambre aujourd'hui, la guerre et les conflits sont peut-être des concepts flous. Au fur et à mesure que le temps passe et que nos liens vivants avec les guerres et les conflits passés se rompent, pour comprendre, nous devrons de plus en plus nous fier aux récits transmis d'une génération à l'autre, d'une famille à l'autre, ainsi qu'à nos livres d'histoire et aux écrits et poèmes des soldats.
La Première Guerre mondiale était le résultat d'une série d'alliances complexes, de tensions exacerbées et d'efforts visant à préserver des empires sur le déclin ainsi qu'à protéger des territoires et des activités commerciales. Il est d'ailleurs révélateur que l'assassinat d'un archiduc ait mené à une telle dévastation et à la mort de millions d'êtres humains. Les jeunes hommes qui ont pris les armes et se sont mis corps et âme au service de leur pays personnifient la valeur et l'honneur.
Dans un poème célèbre, Jorge Luis Borges explique les choses avec une limpidité cristalline lorsqu'il écrit:
Il leur échut de vivre une époque étrange.
La terre avait été partagée en pays différents,
chacun pourvu de fidélités, de souvenirs aimés,
d'un passé sans doute héroïque, de droits, de griefs,
d'une mythologie particulière, de héros coulés en bronze, d'anniversaires,
de démagogues et de symboles.
Cette division, chère aux cartographes, encourageait les guerres.
Il est vrai qu'au début du siècle dernier, de jeunes Canadiens ont quitté leur foyer, faisant leurs adieux à leur père et à leur mère, faisant peut-être aussi leurs adieux à une amoureuse ou à une épouse. Ils sont partis en guerre. Certains se sont enrôlés par devoir et pour l'aventure. Ce qui les attendait n'avait rien d'une aventure, mais ils étaient liés par leur devoir. Ils ont vécu dans des tranchées gorgées de pluie, supporté l'âpre froidure de l'hiver et, chaque jour, contemplé la perspective de leur propre fin. Ils ont vécu dans des conditions que nous ne pourrons jamais tout à fait concevoir.
Ils ont fait tout cela pour servir leur pays, et ils sont beaucoup trop nombreux à avoir versé leur sang pour nous. C'est pourquoi aujourd'hui nous nous rappelons la crête de Vimy. Nous nous rappelons Passchendaele. Nous nous rappelons Dieppe. Nous nous rappelons la bataille de l'Atlantique. Nous nous rappelons toutes les batailles, de Kapyong à Kandahar. Nous ne devons cependant pas glorifier la guerre ou nous en réjouir, car ce serait déshonorer ceux qui se sont tant sacrifiés. Les jeunes hommes qui ont répondu à l'appel au combat et qui ont pris les armes pour défendre une cause qui les dépassait auraient certainement préféré la paix à la guerre.
La Chambre me permettra, je l'espère, de rendre hommage aux femmes qui ont contribué à l'effort de guerre; elles ont joué un rôle immense et, je dirais même, décisif. En août 1914, les femmes canadiennes ont vu leur vie changer. À cette époque, elles étaient souvent confinées au foyer et reléguées aux tâches ménagères et au soin des enfants. La guerre outremer les a littéralement envoyées sur le marché du travail, où le départ de tant de jeunes gens au front créait un vide considérable. Il y avait beaucoup à faire. Les femmes ont travaillé dans des usines de munitions et des chantiers maritimes et sont devenues infirmières tout en continuant de s'occuper de leurs enfants. Ce sont des héroïnes, elles aussi. Elles aussi se sont beaucoup sacrifiées. Nous nous rappelons le service qu'elles ont rendu au Canada et à l'étranger et les remercions d'avoir ouvert la voie aux innombrables jeunes femmes qui leur ont succédé.
Je veux conclure en rendant hommage à l'une de ces femmes. Nichola Goddard a été la première militaire canadienne à tomber au combat. C'était une femme courageuse et forte de caractère. Elle aimait sa famille, son mari et son pays.
Nichola Goddard était née en Papouasie-Nouvelle-Guinée, de parents canadien et britannique, dont l'amour de l'éducation et de l'aventure les ont emmenés à enseigner partout au Canada et plus tard à Charlottetown.
La capitaine Goddard a ainsi eu l'occasion de passer une partie de son enfance à des endroits comme Black Lake et Lac La Ronge en Saskatchewan. Elle a fréquenté l'école secondaire de premier cycle à Edmonton et de deuxième cycle à Antigonish. Elle a étudié au Collège militaire royal à Kingston. Elle est devenue soldate et elle a rapidement gravi les échelons jusqu'au grade de capitaine. Elle a servi au sein du Princess Patricia's Canadian Light Infantry et son unité d'appartenance était le 1er Régiment de la Royal Canadian Horse Artillery.
En janvier 2006, la capitaine Goddard arrivait en Afghanistan, pour y mourir le 17 mai 2006. La capitaine Goddard était debout dans la tourelle d'un véhicule d'assaut léger, lorsqu'une grenade propulsée par fusée a frappé ce dernier en début de combat. Elle est morte sur le coup, laissant dans le deuil plusieurs personnes, dont son père et sa mère, dévastés par la perte de leur fille. Une mère, un père, un mari, des soeurs — tous déchirés par diverses émotions, mais immensément fiers de sa bravoure et de son dévouement à servir les autres.
Aujourd'hui, comme en d'autres jours, nous nous rappelons de Nichola Goddard et de tous les hommes et les femmes qui ont servi leur pays et ont payé le prix ultime.
Nous nous souviendrons.