Monsieur le Président, c'est un honneur de prendre la parole ce soir au sujet du projet de loi C‑39. Ce projet de loi vise à repousser d'un an l'admissibilité à l'aide médicale à mourir pour les personnes ayant pour seule cause sous-jacente une maladie mentale qui, autrement, se concrétisera le 17 mars prochain.
Je dois d'abord exprimer ma déception quant au moment choisi pour présenter le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui. En effet, il ne reste que quelques jours à la Chambre des communes pour en débattre et pour voter, afin qu'il soit transmis au Sénat et qu'il franchisse toutes les étapes avant le 17 mars. Il s'agit de la date à laquelle les personnes dont la seule cause sous-jacente est la maladie mentale pourront se prévaloir de l'aide médicale à mourir.
Dans l'état actuel des choses, ce projet de loi de dernière minute ne fera que créer une nouvelle date butoir arbitraire de mars 2024 pour remplacer l'échéance actuelle, mars 2023. Il n'y a aucun fondement scientifique ni aucune preuve pour justifier ce report de 12 mois, sauf le remaniement des échéanciers gouvernementaux. Toutefois, je suis reconnaissante du fait que la disposition n'entrera pas en vigueur le mois prochain si tous les députés votent en faveur de ce projet de loi et si le Sénat l'adopte.
L'échéancier a tout d'abord été fixé lorsque le gouvernement a accepté un amendement du Sénat au projet de loi initial sur l'aide médicale à mourir, le projet de loi C‑7.
Même si, lorsqu'il a comparu devant le comité, il avait initialement exprimé des préoccupations concernant les risques d'offrir l'aide médicale à mourir de façon sécuritaire aux personnes atteintes d'une maladie mentale, le ministre de la Justice a accepté l'amendement du Sénat visant à étendre le régime à ces personnes et coupé court au débat sur la question lorsque le projet de loi C‑7 est revenu à la Chambre. Maintenant, le ministre demande au Parlement d'intervenir pour remédier à un problème qu'il a lui-même créé.
Je compte appuyer ce projet de loi, non pas parce que j'estime que le gouvernement fait bien les choses, mais parce que si je ne l'appuie pas, si la majorité des députés de l'appuient pas, il deviendra possible, à compter du 17 mars, de demander l'aide médicale à mourir en invoquant, pour seul motif, un problème de santé mentale.
Il est désolant que les personnes atteintes d'une maladie mentale se tournent vers l'aide médicale à mourir parce qu'on les abandonne. Selon un sondage réalisé par l'Ontario Medical Association en 2021, 91 % des psychiatres de l'Ontario s'opposaient à ce que l'on étende l'admissibilité à l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes d'une maladie mentale. Seulement 2 % approuvent l'idée.
Le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir a entendu un éventail d'experts sur le sujet, des cliniciens, des psychiatres et des défenseurs de la santé mentale. Tous ont exprimé la même préoccupation. Il est impossible de déterminer cliniquement qu'un patient ne pourra jamais se remettre d'un problème de santé mentale. Ces cas ne peuvent donc, par aucune norme objective, répondre au critère de fin de vie. Le Dr John Maher, psychologue clinicien et éthicien médical, a dit au comité: « Les psychiatres ne savent pas, et ne peuvent pas savoir, quel patient verra son état s'améliorer et vivra une bonne vie pendant des décennies. Les maladies du cerveau ne sont pas comme des maladies du foie. »
Les Canadiens sont horrifiés, à juste titre, par les nouvelles décrivant le nombre croissant de leurs concitoyens qui demandent l'aide médicale à mourir dans des circonstances pour lesquelles elle n'avait jamais été prévue. De multiples anciens combattants canadiens qui se sont battus pour notre pays ont affirmé que, après avoir réclamé de l'aide au ministère des Anciens Combattants, des employés de ce ministère ont fait pression sur eux pour qu'ils envisagent l'aide médicale à mourir. On a appris que la question a été soumise à la GRC aux fins d'enquête et que le ministère des Anciens Combattants mène un examen interne. À Mississauga, une personne qui gère une banque alimentaire a indiqué que des clients posaient des questions sur le suicide assisté pour des raisons autres que des maladies physiques.
Malgré ces histoires, le gouvernement était déterminé à respecter l'échéance initiale de mars 2023. Heureusement, les Canadiens sont intervenus en appelant tous les députés fédéraux, en leur envoyant des courriels et en leur écrivant. Ils nous ont demandé de revoir notre position à cet égard, et ils ont exercé des pressions sur le gouvernement. Les gens tenaient à protéger les plus vulnérables, et ils avaient raison. Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui est le fruit de leurs efforts.
J'ai été très touchée par certains des messages que j'ai reçus des gens de ma circonscription, Kelowna—Lake Country. J'essaie souvent d'être leur porte‑parole à Ottawa.
Judith, de Kelowna, m'a écrit pour me faire part de ses inquiétudes après avoir entendu parler du report de l'élargissement prévu de l'aide médicale à mourir pour les personnes souffrant de maladie mentale comme seul problème de santé invoqué. Elle sait que de nombreuses personnes ont fait part de leurs préoccupations au gouvernement et elle s'étonne que les libéraux ne fassent que reporter cet élargissement.
Les collectivités ne disposent pas toutes des mêmes services de santé mentale, surtout dans les régions rurales. La semaine dernière, j'ai rencontré un jeune homme qui était bouleversé à l'idée que l'on envisage de rendre l'aide médicale à mourir accessible aux personnes dont le seul problème de santé invoqué est la maladie mentale. Sa défunte mère avait lutté contre la maladie mentale, et il était furieux d'apprendre que le gouvernement libéral n'avait pas annulé purement et simplement l'option permettant aux gens de demander l'aide médicale à mourir selon ce critère. Cette mesure législative ne fait que retarder cette option.
En réalité, ce sont le tollé et l'inquiétude du public à ce sujet qui ont forcé le gouvernement à prendre reporter initialement l'aide médicale à mourir pour les personnes souffrant de maladie mentale comme seul problème de santé invoqué. Des personnes que je connais ou que j'ai rencontrées m'ont fait part d'histoires de santé mentale que je pourrais raconter à la Chambre, mais je ne le ferai pas parce que je n'arriverais pas à les raconter jusqu'au bout.
Je ne veux pas abandonner les gens, mais le gouvernement abandonne les personnes atteintes de maladie mentale. Nous devons tâcher d'aider les gens et de leur donner de l'espoir. Nous devons nous concentrer sur le traitement des maladies mentales, plutôt que sur l'aide médicale à mourir. Les conservateurs ne veulent pas laisser tomber les gens.
Comme je l'ai dit plus tôt, ce projet de loi ne fait que créer un nouveau délai arbitraire. Le Parlement ferait mieux de s'acquitter de sa responsabilité envers les Canadiens, en particulier les Canadiens vulnérables qui se sentent perdus dans leur vie, en abandonnant ce dangereux élargissement de l'aide médicale à mourir aux personnes dont la maladie mentale est la seule affection sous-jacente. Nous ne pouvons pas, et ne devons pas, abandonner les personnes atteintes de maladie mentale. Nous devons le dire clairement et offrir du soutien pour les aider et les traiter.
L'aide médicale à mourir ne doit pas devenir la solution la plus simple pour les personnes atteintes de maladie mentale. Au lieu de proposer des changements visant à élargir l'accès à l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladie mentale, les libéraux devraient plutôt se concentrer sur des propositions visant à renforcer le soutien en matière de santé mentale pour les Canadiens, qui sont nombreux à être confrontés aux défis du monde d'après la pandémie ainsi qu'aux répercussions des huit années de règne libéral, qui ont divisé les familles et les voisins, et des politiques inflationnistes, qui grèvent les revenus de nos concitoyens.
Les libéraux n'ont pas tenu la promesse qu'ils avaient faite lors des élections précipitées de l'été 2021 au sujet du transfert permanent de plusieurs milliards de dollars aux provinces et aux territoires pour la santé mentale, transfert qui devait leur permettre de disposer du financement et du soutien nécessaires pour développer les soins de santé mentale. Nous vivons une crise de la santé mentale, et pourtant la promesse des libéraux semble avoir été reléguée au second plan.
Il faut se rappeler que c'est le député conservateur de Cariboo—Prince George qui a été le fer de lance de la ligne de prévention du suicide à trois chiffres au Canada, le 988. Les parlementaires ont appuyé cette motion à l'unanimité à la Chambre des communes. C'était il y a plus de 900 jours, et la ligne n'existe toujours pas.
Ce n'est pas surprenant, étant donné que les libéraux ont confié à leur organisme fourre-tout, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, la tâche de la mettre en place. Qu'ont fait les libéraux à la place?
Ils n'ont pas présenté de mesure législative pour annuler l'élargissement de l'aide médicale à mourir aux personnes ayant comme seul problème médical invoqué un trouble mental, ils l'ont simplement retardé. La mise en place des systèmes de soutien en matière de santé mentale dont les Canadiens ont besoin pour vivre une vie saine et épanouie sera une priorité absolue pour les conservateurs au cours de la présente législature et lorsqu'ils formeront le prochain gouvernement.
Les gens méritent des ressources en santé mentale pour les aider. Les gens méritent de l'espoir. Les familles méritent de l'espoir. C'est là-dessus que nous concentrerons nos efforts.