Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur la question de privilège soulevée le 19 novembre dernier par le député de Mont-Royal concernant l’envoi d’un dix-pour-cent à certains de ses électeurs par le député d'Elgin—Middlesex—London. Dans ce bulletin, on comparait les positions du Parti conservateur du Canada et du Parti libéral du Canada concernant certains aspects de la politique canadienne au Moyen-Orient.
Je remercie l'honorable député de Mont-Royal d'avoir soulevé cette importante question. Je remercie également le secrétaire parlementaire du premier ministre et de la ministre des Affaires intergouvernementales, le whip du Bloc québécois, le député de Windsor-Ouest, le député de Saint-Laurent—Cartierville, le leader du gouvernement à la Chambre des communes et le député d'Eglinton—Lawrence pour leurs observations.
Lors de son intervention, le député de Mont-Royal a dit qu’un bulletin parlementaire portant censément sur trois sujets, à savoir la lutte contre l’antisémitisme, la lutte contre le terrorisme et l’aide à Israël, avait été envoyé à certains de ses électeurs, de même qu’aux électeurs d’autres circonscriptions comptant une communauté juive identifiable.
Il a ajouté que cet envoi contenait non seulement de l’information « fausse et trompeuse », mais aussi de l’information « calomnieuse, dommageable et préjudiciable » pour le Parti libéral et, de ce fait, pour lui-même.
Le whip du Bloc québécois, l'honorable député de Windsor-Ouest, l'honorable député de Saint-Laurent—Cartierville ainsi que l'honorable député d'Eglinton—Lawrence ont tous appuyé cet argument.
Dans sa réponse, l'honorable secrétaire parlementaire du premier ministre a expliqué en détail le contenu du dix-pour-cent en question et en a défendu la véracité. Pour sa part, l'honorable leader du gouvernement à la Chambre des communes a souligné que tous les partis ont recours à ce type de communication.
Comme les députés le savent, lorsque le Président est appelé à se prononcer sur une question de privilège, il n’est pas chargé d’établir les faits; son rôle se limite plutôt à conclure si, de prime abord, la question dont la Chambre est saisie mérite qu’on l’examine en priorité. La tâche du Président s’avère particulièrement difficile dans les cas où un député allègue qu’il a subi de l’ingérence dans l’exercice de ses fonctions parlementaires. Comme il est mentionné dans l’ouvrage de O’Brien et Bosc, à la page 111:
Il est impossible de codifier tous les incidents qui pourraient être considérés comme des cas d'obstruction, d'ingérence, de brutalité ou d'intimidation et, par conséquent, constituer une atteinte aux privilèges de prime abord. On trouve toutefois, parmi les questions de privilège fondées de prime abord, l'atteinte à la réputation d'un député, l'usurpation du titre de député, l'intimidation d'un député et de son personnel ainsi que de personnes appelées à témoigner devant un comité et la communication d'informations trompeuses.
La présidence a examiné les nombreux documents produits dans cette affaire. Après avoir entendu tous les arguments présentés, je dois me ranger à l’avis des quelques députés qui ont laissé entendre qu’on ne pouvait faire abstraction du rôle déterminant du contexte pour ce qui est de l’effet cumulatif net des termes employés dans cet envoi. Selon moi, cette situation a entraîné des répercussions négatives qui ont atteint le député de Mont-Royal d’une manière très directe et personnelle.
Il n’appartient pas à la présidence de commenter l’exactitude ou l’inexactitude des comparaisons établies dans l’envoi collectif dont s’est plaint le député de Mont-Royal. Cela dit, toutefois, elle n’hésite pas à conclure que toute personne raisonnable ayant lu le bulletin en question — y compris, bien entendu, les électeurs de Mont-Royal — a probablement eu l’impression qu’il y avait eu un changement de cap dans la position bien établie et bien connue du député sur ces sujets.
Par conséquent, je dois conclure que le député de Mont-Royal a, de prime abord, présenté une argumentation convaincante voulant que l’envoi constitue une ingérence ayant une incidence sur sa capacité d’exercer ses fonctions parlementaires, car le contenu porte atteinte à sa réputation et à sa crédibilité.
En s’appuyant sur une décision rendue le 19 novembre dernier à l’égard du député de Sackville—Eastern Shore et sur d’autres décisions rendues en 2005 au sujet d’envois, et je suggère aux députés de consulter la décision du Président rendue le 3 novembre 2005, aux pages 9489 et 9490 des Débats, la présidence estime qu’il y a de prime abord atteinte au privilège. J’invite donc le député de Mont-Royal à présenter sa motion maintenant.