Monsieur le Président, c'est un honneur de pouvoir prendre la parole sur cet important enjeu qui concerne le traitement du Québec par le gouvernement fédéral au cours des dernières années.
Je me permets de dire d'emblée que nous avons regardé attentivement la motion. Dans un premier temps, on a contacté le Bloc pour discuter d'un changement possible au libellé. Je m'excuse d'avance auprès des extraordinaires traductrices et traducteurs qui nous accompagnent, parce que je vais valdinguer entre les deux versions de la motion. Dans la version française, on lit:
Que, de l’avis de la Chambre, le gouvernement a fait la démonstration dans son discours du Trône et dans son budget que le fédéralisme ne répond pas aux aspirations et aux besoins du Québec en ne s’engageant pas [...]
J'aurais traduit spontanément « aspirations et besoins » par « hopes and needs », mais on a été fort surpris de trouver dans la version anglaise des termes assez différents: « goals and requirements ». C'est comme si les gens étaient obligés, en regardant cela, d'épouser le but ultime du Parti québécois, qui est la souveraineté du Québec. Ce n'est pas une question, en anglais, de « besoins », mais plutôt de « requirements » dans le sens d'exigences.
On se rappelle tous l'historique des différences de traduction au Canada. Un gouvernement du Québec parlant d'égalité ou d'indépendance a jadis rédigé une liste des demandes du Québec, ce qui a fort malencontreusement été traduit par « Quebec demands ».
On connaît la suite des choses; cela a soulevé une polémique. Pour avoir enseigné la traduction pendant de nombreuses années, je peux dire que cet exemple est utilisé en première année de traduction pour illustrer à quel point il faut faire attention aux mots.
Nous avons contacté le Bloc pour valider la possibilité, sur le plan administratif, d'apporter un changement à la traduction. On nous a opposé une fin de non-recevoir, ce qui était pour nous une indication que ce dont il s'agissait ici était moins une question d'affirmer que le Québec n'avait pas eu sa juste part, que de jouer un jeu politique. Avec le Bloc, tout est stratégie, tout est tactique.
On dit souvent que ce sont le gouvernement conservateur et son premier ministre qui sont mus par cette idéologie consistant à toujours chercher un angle. Dès que le Bloc nous a refusé quelque chose d'aussi simple, on a commencé à s'inquiéter.
Ne perdant jamais espoir, le chef du Nouveau Parti démocratique, le député de Toronto—Danforth, a contacté le chef du Bloc québécois pour lui proposer un amendement. Il a dit au chef du Bloc que si son but réel était de blâmer le gouvernement pour son comportement à l'égard du Québec, et non de dire que les problèmes énumérés ici résultent du fédéralisme tout court, il était d'accord avec lui. Je ne présente pas d'amendement maintenant, mais je vais le faire plus tard.
Il a proposé la petite modification suivante: après le mot « fédéralisme », on ajouterait: « tel que pratiqué notamment par les conservateurs ». Le mot « notamment » fait référence à des petits bouts d'hypocrisie comme ce qu'on entend aujourd'hui des libéraux. Par exemple, le porte-parole des libéraux en matière de finances s'est levé tantôt pour exprimer haut et fort son désaccord sur le fait que les conservateurs ne veulent pas verser au Québec les 2,2 milliards de dollars pour le compenser d'avoir harmonisé sa taxe de vente avec la TPS.
Lors de mon passage en ondes à Larocque Lapierre avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, j'ai eu l'occasion de souligner que ce sont les libéraux qui ont d'abord refusé de compenser le Québec pour cette harmonisation.
Le Québec a été la première province à harmoniser sa taxe de vente avec celle du fédéral. Quand les provinces Maritimes, par pur hasard à l'aube d'une élection fédérale, ont reçu une énorme compensation, Bernard Landry a, avec raison, grimpé dans les rideaux en disant qu'il y avait un problème. Il se demandait pourquoi ces provinces avaient reçu une compensation et pas le Québec. C'est alors qu'il a fixé la quote-part du Québec.
Les libéraux n'ont rien voulu savoir. On s'entend bien. Rien.
Le député de Markham-Unionville, le porte-parole des libéraux en matière de finances, s'est levé tout à l'heure dans cette Chambre pour critiquer le fait que le gouvernement fédéral ne compense pas le Québec pour l'harmonisation, alors que, pendant des années et des années, les libéraux ont refusé de le faire.
Nous avons dit que, avec cette modification et le libellé tel que proposé, la rédaction permettait d'inclure évidemment des gestes comme celui-là. On parlait du fédéralisme tel que pratiqué notamment par les conservateurs.
Avec cette modification, cela aurait été très facile d'être d'accord avec la proposition du Bloc parce que c'est un fédéralisme de division. C'est le fédéralisme d'exclusion, tel que pratiqué par les conservateurs aujourd'hui et les libéraux avant eux qui est à la source du problème.
Le NPD préconise un fédéralisme d'inclusion qui reconnaît des asymétries et des différences puisque, effectivement, il y a une seule province — le Québec — qui est en majorité francophone. C'est pourquoi le NPD, par exemple, a un projet de loi sur la table qui est en train de viser à une meilleure protection du fait français pour étendre par exemple la notion du droit d'avoir une convention collective en français et des communications avec l'employeur en français dans des lieux de travail qui relèvent de la compétence du gouvernement fédéral.
Si, par exemple, vous travaillez pour une compagnie de téléphonie cellulaire, c'est de juridiction fédérale. Donc, vous n'avez pas, en ce moment, la protection de ces droits du travail au plan linguistique. Nous voulons étendre cette protection. Les bloquistes ont voté en faveur de notre projet de loi sur les garderies. Il y a une clause tellement catégorique en ce qui concerne l'exclusion du Québec. Le Bloc a appuyé le projet de loi. Donc, il est possible, quand on veut, de bâtir un pays qui tient compte et qui nourrit cette différence, plutôt que de toujours ostraciser et faire en sorte que les gens se sentent exclus.
Quand le Bloc a refusé cette modification amicale proposée par le chef du NPD, on a compris. On a compris que, comme d'habitude, le Bloc préfère s'encarcaner et s'enfermer dans son idéologie, trop heureux de pouvoir jouer le même genre de jeu que celui joué par les libéraux. Je me souviendrai toujours de la députée de Beaches—East York qui a présenté une motion ici à la Chambre il y a deux ans, dans laquelle, au tout début, elle parlait des droits des femmes. Rappelons-le, c'est le même Parti libéral qui, l'année dernière, a voté avec les conservateurs pour enlever aux femmes le droit d'avoir un salaire égal pour un travail d'une valeur égale.
Donc, elle a fait un petit laïus sur le droit des femmes et, à la fin de sa motion, elle a planté les autres partis de l'opposition. Quelle surprise, les gens ont voté contre. Qu'en a-t-elle fait? Elle a pris le texte du début, elle a excisé la fin. Elle l'a mis sous la forme d'un fameux 10 p. 100, ces textes condamnables qui sont envoyés d'une manière malhonnête par des gens comme elle. Cela a été envoyé. Elle a dit: « Voyez, les autres partis ont voté contre les droits des femmes ».
On voit la même tendance du côté des conservateurs. Je me souviens d'une situation impliquant le Bloc. C'était une question de principes. Je ne partageais pas leur point de vue. Je trouvais que le projet de loi envoyait un bon signal qu'on était fermement contre toute la problématique en ce qui concerne le rapt d'enfants. Pour des raisons juridiques et idéologiques, le Bloc s'était prononcé contre. Je respecte cela complètement, même si je ne partage pas leur point de vue.
Les conservateurs les ont attaqués avec des 10 p. 100. C'est la terminologie pour ces petits pamphlets que l'on envoie. Le mot « pamphlet » est utilisé sciemment. C'est tout juste s'ils n'accusaient pas les bloquistes d'être des pédophiles et des gens favorables aux sévices à l'endroit des enfants. C'est évidemment inadmissible. J'étais le premier à critiquer les conservateurs et à défendre le Bloc même si, effectivement, mon point de vue sur le vote à exercer dans ce cas-là était contre celui du Bloc.
Toutefois, ici, on voit le Bloc à son pire. Ne cherchons pas à travailler avec d'autres pour obtenir quelque chose. On n'a pas besoin de chercher loin, monsieur le Président. Dans le Journal La Presse d'aujourd'hui, sous la plume de Vincent Brousseau-Pouliot, on retrouve un article qui s'intitule « Plan de relance fédéral: le Québec et l'Ontario perdent ». C'était aujourd'hui dans La Presse. On y apprend ceci pour ce qui est de la réponse à la question de savoir si le Québec reçoit une part équitable des dépenses d'infrastructures du plan de relance du gouvernement fédéral.
La réponse est que le Québec est sous-financé de 2 p. 100 par rapport à sa population. Il y a un écart de deux points de pourcentage, c'est-à-dire que nous avons eu 21,2 p. 100 des fonds, alors que nous représentons exactement 23,2 p. 100 de la population. Il nous manque donc une part qui représenterait à peu près 10 p. 100 de nos dépenses totales. Deux pour cent de 20 p. 100, c'est 10 p. 100. Deux points manquants sur 20 p. 100, c'est 10 p. 100, on s'entend.
C'est ça, le problème avec le Bloc. Au lieu de chercher honnêtement, visière levée, à obtenir un résultat favorable pour le Québec, les bloquistes sont comme des enfants dans une pièce de théâtre à l'école primaire, avec leurs sabres de bois, leurs chapeaux faits de pages de journaux pliées, en train de dire à quel point ils sont de vrais combattants. C'est du chiqué! C'est totalement factice!
Lorsqu'on entend les libéraux prononcer des phrases comme celle qui est sortie de la bouche du député de Hull—Aylmer, on reste pantois et on réalise à quel point le Nouveau Parti démocratique et son chef forment la seule alternative réelle à des années de chicanes au Canada, tantôt conservatrices, tantôt libérales.
La phrase qu'il a prononcée en est une pour les archives. Le député de Lévis—Bellechasse l'a interpellé sur une de ses affirmations en ce qui concerne les dépenses. Ce sera dans les transcriptions, dans ce que nous appelons le hansard, ce sera donc facile à vérifier. Le libéral interpelle donc le conservateur et lui dit ceci: « Il semble que maintenant, des fédéralistes de l'autre côté ripostent, alors qu'ils sont censés être avec nous contre le Bloc. ». Je cite mot pour mot le député de Hull—Aylmer qui a parlé tantôt. C'est hallucinant!
Ainsi, par définition, peu importe ce que le Bloc québécois dira, le Parti libéral du Canada sera contre en partant, parce que les libéraux sont fédéralistes et que les députés du Bloc québécois sont souverainistes. Il fallait entendre cela. Cela ne s'invente pas et cela va être écrit en toutes lettres. De plus, même si on essaie de changer les mots, l'enregistrement numérique sera au moins disponible afin que les gens puissent bien vérifier que ce que je viens de dire est textuellement exact.
C'est incroyable d'en être rendu là. Mais le Bloc va continuer à prétendre représenter les intérêts du Québec, oubliant par le fait même que bon nombre de ses prises de position sont négatives pour le Québec.
L'environnement est l'un des sujets débattus par le Bloc à la Chambre aujourd'hui. Je peux en parler car j'étais ministre de l'Environnement du Québec tout le temps où le député fédéral de Saint-Laurent—Cartierville, celui-là même qui était le chef du Parti libéral jusqu'à récemment, était ministre fédéral de l'Environnement.
Je peux dire, et cela aussi est dans les archives, que ce n'était pas une partie de plaisir. Rappelons qu'Eddie Goldenberg, l'ancien chef de Cabinet de Jean Chrétien, a avoué que les libéraux avaient signé le Protocole de Kyoto « pour galvaniser l'opinion publique ».
Les libéraux ont donc signé le Protocole de Kyoto comme stunt de relations publiques. C'est d'ailleurs pour cela que le Canada a connu le pire résultat, le pire bilan au monde parmi tous les signataires du Protocole de Kyoto, pendant que les libéraux étaient au pouvoir. Cela s'est poursuivi sous les conservateurs, mais les libéraux ont affiché la pire augmentation des gaz à effet de serre de tous les pays signataires du Protocole de Kyoto. Cela se comprend. M. Goldenberg a avoué qu'il n'y avait aucun plan pour respecter les objectifs du Protocole de Kyoto, aucune intention réelle de les respecter. C'est toujours comme cela, avec les libéraux: des effets de toge, des miroirs aux alouettes, des tendances à essayer de dire aux gens ce qu'on pense qu'ils veulent entendre dans le but de se faire élire. Ça, c'est le bilan du Parti libéral du Canada.
Le NPD propose d'être plus constructif. Les gens intéressés peuvent se rendre dans notre site Internet et consulter la déclaration de Sherbrooke qui a été adoptée par le NPD, et qui offre justement une nouvelle et une autre vision de notre extraordinaire pays, une vision où le Québec aurait effectivement l'entière capacité de gérer ses affaires à l'intérieur du Canada.
Ça vaut la peine que les gens s'y intéressent.
Revenons à la motion présentée aujourd'hui et voyons si les bloquistes sont sincères. En matière d'environnement, il n'y a pas pire erreur commise que l'exploitation que l'on fait des sables bitumineux. Si on n'internalise pas les coûts environnementaux des sables bitumineux, on importe un nombre artificiellement élevé de dollars américains. Il faut inclure les coûts environnementaux lorsqu'on produit quoi que ce soit. Il faut donc que le prix du marché reflète l'internalisation de ces coûts.
Depuis qu'ils sont là, ils ont construit Keystone, Southern Lights, Alberta Clipper, Keystone II et un autre qui s'en va vers la Chine. Selon une analyse objective externe, à lui seul, Keystone représente l'exportation de 18 000 emplois. Cela représente aussi l'exportation en vrac d'une richesse pour le Canada, de la même manière qu'on exportait des billots de bois non traité pour y ajouter de la valeur aux États-Unis et les réimporter par la suite sous forme de mobilier. C'était brillant comme stratégie. Le Canada a toujours agi de cette façon et continue de le faire.
Le Bloc ne peut pas se battre pour la sécurité énergétique future du Canada, puisqu'il ne croit pas au Canada. Les bloquistes croient qu'en matière d'environnement, la souveraineté est la solution, comme si la pollution s'arrêtait à la frontière. Il y a justement un film qui vient d'être mis à l'affiche à ce sujet. Le Québec était un précurseur de l'interdiction de l'utilisation de certains pesticides à des fins cosmétiques. L'Ontario lui a emboîté le pas. Nous avions proposé d'étendre cela au Canada, mais le Bloc a voté contre cette proposition en disant que la pollution était provinciale; comme si le fait de mettre une barricade autour du Québec empêchait la pollution de circuler. Depuis six ans, le Bloc québécois n'a toujours pas pris position contre le projet Rabaska. Tous les écologistes du Québec ont interpellé le Bloc québécois afin qu'il prenne position contre ce projet. Pourtant, il refuse de le faire.
Le Parti québécois était en faveur de la reconstruction de la centrale nucléaire de Gentilly-2. Maintenant, il a enfin révisé sa position. On s'attend à ce que le Bloc fasse la même chose. Pas question! Selon le chef du Bloc québécois, le nucléaire, c'est provincial. Il n'est donc pas question que le Bloc joigne sa voix à celles des progressistes du Canada qui luttent contre le nucléaire comme étant non pérenne et non durable. Ce n'est pas une solution d'avenir. Le Bloc refuse de prendre position contre la reconstruction de Gentilly-2. C'est ça, avoir une idéologie qui empêche de participer au progrès.
Aujourd'hui, le NPD a eu toutes les réponses dont il avait besoin. On aurait été capables de travailler de concert avec le Bloc, s'il était capable de modifier sa motion pour dire que le but recherché est une critique constructive pour l'avenir. On blâme les conservateurs, ce qui n'enlèvera rien à une éventuelle critique des libéraux, notamment au sujet de l'harmonisation, mais le Bloc ne voulait rien savoir.
Afin que cela demeure dans le domaine public, je ferai une proposition d'amendement.
Je propose, appuyé par le député de Colombie-Britannique-Southern Interior, que la motion soit modifiée par l'adjonction après le mot « fédéralisme » des mots suivants: « tel que pratiqué notamment par les conservateurs ».