Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir au sujet du projet de loi. Vous aurez peut-être remarqué que les conservateurs sont de très bonne humeur ce soir. Ce n'est pas en raison du contenu du projet de loi, mais d'autres choses qui sont en train de se passer dans la province de l'Ontario.
Des voix: Quoi?
M. Garnett Genuis: Des députés me demandent de quoi je parle. Ils semblent ignorer que l'Ontario aura probablement un gouvernement progressiste-conservateur majoritaire. Je suis désolé d'annoncer la nouvelle à mes amis de l'autre côté de l'allée. Les libéraux conserveront peut-être leur statut de parti officiel. Voilà un présage de ce qui se produira dans un an et demi aux élections fédérales. Les libéraux fédéraux connaîtront un sort semblable dans un an et demi en raison notamment de leurs échecs concernant le système judiciaire.
Je passe maintenant à un sujet beaucoup moins réjouissant, c'est-à-dire le contenu du projet de loi C-75, un projet de loi omnibus sur la justice ou « l'injustice » . Il compte plus de 300 pages et apporte diverses modifications au cadre entourant la justice pénale. Certes, il y a des problèmes dans la façon dont les libéraux gèrent le système de justice et ces problèmes doivent être réglés, mais les propositions du gouvernement n'améliorent en rien la situation. Au contraire, elles la rendent bien pire.
Le projet de loi comporte de nombreux aspects distincts. Il importe de mentionner qu'il s'agit d'un projet de loi omnibus. Les libéraux ont promis pendant la dernière campagne électorale de ne pas présenter de projets de loi omnibus, car ils ont dit que ceux-ci limitent l'étude des éléments individuels et forcent les députés à voter du même coup sur toutes les dispositions, alors qu'ils peuvent estimer que certaines sont louables et que d'autres ne le sont pas.
Malgré cette promesse électorale, nous nous retrouvons, dans la présente législature, dans une situation où presque tous les projets de loi dont nous débattons sont des mesures omnibus. C'est intéressant, car nous avons été saisis d'autres projets de loi au cours de la présente législature qui ont inclus beaucoup des mêmes dispositions, et le gouvernement a ensuite décidé de les regrouper tous en un seul, énorme projet de loi omnibus. J'imagine que les libéraux ont estimé qu'ils n'arrivaient pas à faire progresser leur programme législatif aussi efficacement qu'ils auraient aimé, mais ce n'est qu'un autre exemple de promesse rompue. D'un côté, il y a l'engagement pris quant à la gestion du processus parlementaire, de l'autre, nous constatons que le gouvernement fait exactement le contraire.
Lorsqu'ils tentent de justifier leur décision de présenter un projet de loi omnibus, allant ainsi à l'encontre des engagements qu'ils ont pris auparavant, les libéraux disent, par exemple, que c'est un très bon projet de loi et qu'il contient nombre de bonnes mesures qu'ils veulent faire adopter. Or, c'est justement en le soumettant à un processus parlementaire rigoureux qu'on peut déterminer s'il est bon ou non. Voilà pourquoi il faut l'examiner comme il se doit. Nous aurons probablement l'occasion de citer toutes sortes de déclarations du député de Winnipeg-Nord et d'autres qui dénoncent des procédures qui sont maintenant employées sans retenue sous le gouvernement libéral.
Nous sommes saisis d'un projet de loi omnibus. J'aimerais discuter de divers aspects et, de façon plus générale, de l'incapacité du gouvernement à gérer efficacement le système de justice.
Les députés comprendront et sauront apprécier à quel point il est important que notre système de justice soit efficace, surtout dans un contexte où les tribunaux ont conclu que des causes peuvent maintenant être rejetées si elles ne sont pas jugées dans un délai donné. Nous avons vu des accusations très graves être rejetées simplement à cause des délais. Il est donc crucial de gérer le système de justice pénale de manière à éviter de tels délais et à ce que les accusés soient traduits en justice le plus rapidement possible afin de protéger la société et de veiller à ce que justice soit rendue pour les victimes, les criminels et toute la population.
Pourquoi le problème des délais est-il de plus en plus important? La cause la plus évidente — et le gouvernement s'entête à ne pas y remédier —, c'est l'incapacité du gouvernement à nommer des juges.
La réalité, c'est qu'il a fallu six mois à la ministre de la Justice pour nommer un seul juge. Le gouvernement se targue sur toutes les tribunes d'avoir nommé des juges. Je suis sûr que n'importe quel ministre de la Justice vanterait les mérites des candidats qu'il a choisis, mais il faut faire le travail. Il est essentiel pour l'efficacité du système de justice que des personnes qualifiées, en nombre suffisant, soient nommées pour que les dossiers avancent. La nomination de juges devrait être la partie facile du processus. Je ne crois pas qu'il manque de personnes qualifiées au Canada qui sont intéressées à devenir juge. Pourtant, le gouvernement avance à pas de tortue, ce qui cause des problèmes graves.
Ce n'est pas comme si personne n'essayait de pousser les libéraux à agir. Dieu merci, l'opposition est solide; le ministre et le ministre adjoint du cabinet fantôme chargés de la justice ont, dès le début, appelé le gouvernement à nommer rapidement des juges.
Je me souviens de mon collègue de St. Albert—Edmonton en train de demander à la ministre de la Justice quand elle fera enfin son travail et qu'elle commencera à nommer des juges. Jour après jour, pendant la période des questions, la ministre de la Justice répondait à ses questions, mais, malgré l'insistance des questions des conservateurs, rien n'a bougé.
Les retards qui s'accumulent dans le système judiciaire posent problème, et le gouvernement semble croire qu'il serait bon, pour régler ce problème, de réduire les sanctions afin qu'on puisse avoir recours aux déclarations de culpabilité par procédure sommaire. Cette stratégie a pour effet de réduire les peines associées à des crimes très graves. Le gouvernement présente cette façon de faire comme la solution à un problème qu'il a lui-même créé. Il serait préférable de s'inspirer du rasoir d'Ockham et d'adopter la solution la plus simple, c'est-à-dire que la ministre de la Justice fasse son travail et nomme le nombre de juges nécessaires pour éliminer les retards du système judiciaire.
Le gouvernement tente de se justifier et affirme qu'on aura recours aux déclarations de culpabilité par procédure sommaire dans l'espoir de régler le problème qu'il a créé. Les libéraux ne l'admettent pas, mais c'est ce qu'on peut lire entre les lignes. Ils proposent le recours aux déclarations de culpabilité par procédure sommaire, donc à des accusations réduites, pour toutes sortes de crimes très graves. Il m'apparaît important que la Chambre regarde de plus près les crimes pour lesquels le gouvernement propose des peines réduites. Sans en dresser la liste complète, je m'attarderai ici sur certains des crimes les plus importants.
Il y a entre autres la participation à une activité d'un groupe terroriste. Je ne me rappelle pas que quelqu'un m'ait déjà appelé à mon bureau pour me dire que nous devrions alléger les peines de ceux qui participent à des activités de groupes terroristes. Il est possible qu'il en soit autrement pour les députés d'en face. Toutefois, je doute fort, surtout dans le contexte actuel, que les Canadiens souhaitent ce type d'approche pour ceux qui sont impliqués dans un groupe terroriste.
Il y a également le fait de quitter le Canada pour participer aux activités d'un groupe terroriste. Il est maintenant possible que la décision de partir à l'étranger pour grossir les rangs d'une organisation terroriste comme Daech soit traitée par voie de procédure sommaire et ainsi sujette à des peines réduites. Beaucoup d'autres crimes graves sont inclus, mais je souligne ces deux infractions associées au terrorisme, qui sont à la tête de ma liste d'infractions pour lesquelles le projet de loi propose des peines moins sévères.
La dissimulation d'identité en prenant part à une émeute pourrait suivre la procédure sommaire, tout comme l'abus de confiance par un fonctionnaire public. L'idée d'imposer des peines moins sévères aux fonctionnaires coupables d'abus de confiance est intéressante. Pourquoi donc les libéraux proposeraient-ils des peines allégées pour ces cas? Je n'arrive pas à imaginer pourquoi les libéraux proposent des peines moins sévères pour les fonctionnaires coupables d'abus de confiance. Nous pourrions pontifier sur le sujet, mais je risquerais de m'aventurer en territoire non parlementaire.
Il y a la corruption municipale. Par exemple, si un ancien député élu maire de London était trouvé coupable de corruption municipale, il pourrait recevoir une peine plus légère.
Il y a l'achat ou la vente d'une charge. Je tiens à rassurer le ministre de l'Infrastructure et des Collectivités: il ne s'agit pas de la vente ou de l'achat de cahiers de charges. On parle ici de la vente ou de l'achat d'une charge, ce qui est un acte criminel. Cependant, on pourrait désormais procéder par déclaration sommaire de culpabilité dans de telles affaires.
Il y a aussi le fait d'influencer ou de négocier une nomination ou d'en faire commerce. Il est intéressant de constater que le projet de loi propose d'alléger les peines dans le cas d'un très grand nombre d'éléments touchant la corruption politique. C'est très intéressant, mais je n'ai aucune idée des raisons qui expliquent une telle situation.
Dans le cas des bris de prison, le projet de loi propose des peines moins lourdes. J'espère que l'infraction liée au fait d'aider un prisonnier de guerre à s'évader ne se produit pas trop souvent. Selon moi, une telle infraction ne devrait pas être passible d'une peine plus légère, mais la ministre de la Justice et le gouvernement, par l'entremise de ce projet de loi, proposent que ce soit le cas.
Je tiens à revenir au point portant portant sur le fait de gêner ou d'arrêter un ministre du culte, ou de lui faire violence. Cela relève de l'article 176 du Code criminel, dont nous avons déjà discuté à la Chambre. Le gouvernement a pris l'engagement de ne pas changer cet article, mais il est maintenant revenu sur ses promesses en essayant de reprendre cet article dans le projet de loi C-75. J'y reviendrai pour en discuter plus en détail dans quelques minutes.
Les peines proposées pour la tenue d'une maison de débauche et pour avoir causer des lésions corporelles par négligence criminelle ont été allégées.
Il y a trois infractions liées à la conduite avec les facultés affaiblies: la conduite avec facultés affaiblies causant des lésions corporelles; l'alcoolémie supérieure à la limite permise, avec lésions corporelles; et l'incapacité ou le refus de fournir un échantillon, avec lésions corporelles. Les Canadiens qui se préoccupent de lutter contre la conduite avec les facultés affaiblies par l'alcool et la drogue devraient être frustrés — et je crois qu'ils le sont — par tout ce va-et-vient que nous voyons de la part du gouvernement actuel. C'est frustrant pour moi de voir les positions adoptées par libéraux à l'égard de certaines choses, mais pas à l'égard de certaines autres choses.
Un membre du caucus conservateur a proposé un projet de loi d'initiative parlementaire très solide qui comprend un certain nombre de dispositions traitant de l'alcool au volant. Ce projet de loi a, je crois, été appuyé par tous les députés à l'étape de la deuxième lecture. Puis, il a été rejeté après l'étape de l'étude en comité. Pourtant, bien des dispositions très similaires à celles de ce projet de loi ont été incluses dans le projet de loi du gouvernement, le projet de loi C-46, que le gouvernement n'a pas réussi à faire adopter avant celui sur la marijuana. Les libéraux ont dit qu'il était essentiel que les dispositions régissant l'alcool au volant soient en place au moment de la légalisation de la marijuana, alors ils ont proposé le projet de loi C-46 en même temps que le projet de loi C-45. Or, les voilà prêts à adopter le projet de loi sur la légalisation de la marijuana avant celui sur la conduite avec facultés affaiblies par les drogues ou l'alcool.
Bon nombre des mêmes dispositions ont également été proposées dans le projet de loi d'initiative parlementaire d'un conservateur. Je me souviens du discours que le secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice a prononcé au sujet de ce projet de loi. Il ergotait sur des vétilles telles que la date d'entrée en vigueur. Les libéraux ont dit ne pas pouvoir adopter officiellement ce projet de loi contre l'alcool au volant par ce que la date d'entrée en vigueur était trop rapprochée. Ils auraient pu proposer un amendement pour modifier cela. En vérité, les libéraux souhaitaient s'attribuer le mérite pour certaines des dispositions. De plus, nous devons nous interroger sur la réponse du gouvernement à l'égard des questions entourant la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool car il crée des conditions pour que cela soit punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.
Je vais nommer d'autres infractions: bénéficier d'un avantage matériel lié à la traite de personnes; retenir ou détruire tout document lié à la traite de personnes; enlever une personne âgée de moins de 16 ans; enlever une personne âgée de moins de 14 ans; bénéficier d'un avantage matériel provenant de la prestation de services sexuels; le mariage forcé; la polygamie; le mariage de personnes de moins de 16 ans; l'encouragement au génocide; l'incendie criminel avec intention frauduleuse; la participation aux activités d'une organisation criminelle.
Nous avons beaucoup discuté du programme féministe du gouvernement. Pourtant, en ce qui concerne certains de ces crimes, comme le mariage forcé ou la polygamie, des crimes souvent liés à des situations où de jeunes femmes font l'objet de violence, le gouvernement choisit de réduire les peines à l'intention de ceux qui commettent ce genre de crimes. C'est dommage que le gouvernement parle de régler certains de ces problèmes, puis, lorsqu'il est question de justice pénale, il juge acceptable de proposer des peines plus légères dans ce genre de cas.
Pendant le temps qu'il me reste, je vais faire quelques observations de plus au sujet du projet de loi.
On propose dans le projet de loi d'abolir la récusation péremptoire. C'est une disposition que nous souhaitons étudier, mais je pense que, même si le motif de récusation n'est pas fondé dans certains cas, nous devons veiller à ne pas supprimer une disposition s'il pouvait y avoir d'autres conséquences négatives qui n'ont pas encore faire l'objet d'un débat.
Certaines des discussions au sujet de la récusation péremptoire laissent entendre, d'une part, que le processus peut être utilisé pour mettre à l'écart un juré en fonction d'un profilage racial. Essentiellement, une personne fait l'objet d'un profilage racial et est présumée penser d'une certaine façon, et c'est pourquoi elle est mise à l'écart au moyen du processus de récusation péremptoire.
Les gens ont réfuté les critiques en déclarant que, d'un autre côté, la récusation péremptoire pourrait être utilisée contre ceux qui expriment ou qui ont exprimé un point de vue extrême ou sectaire ou qui donne une indication qu'ils en ont un. Parfois, la loi doit reconnaître les autres répercussions que l'on ne peut pas prévoir totalement.
Nous croyons que la question de la récusation péremptoire vaut vraiment la peine d'être étudiée au comité, mais j'encourage les députés, dans un esprit de prudence législative avisée, à déterminer toutes les répercussions des changements apportés à la structure du système de jury et à en tenir compte, reconnaissant que, même si cette disposition entraîne des conséquences négatives dans des situations précises, l'élimination de la récusation péremptoire pourrait aussi causer d'autres conséquences négatives imprévues.
Je tiens à parler de l'article 176. Il s'agit d'un article très important du Code criminel qui vise expressément le fait de s'en prendre à des dirigeants religieux ou de troubler des offices religieux, des gestes qui, dans bien des cas, donnent probablement lieu à des accusations de toute façon, mais pas dans tous les cas. Cet article garantit que, si une personne tente de troubler un office religieux, elle sera traitée de façon proportionnelle. Voilà ce que fait l'article 176.
Le gouvernement a déjà tenté de se débarrasser de l'article 176 et de l'effacer du Code criminel. Ses motifs étaient plutôt faibles. Selon lui, l'expression « ministre du culte » renvoyait seulement au sexe masculin et à une seule religion. De nombreuses personnes ont toutefois fait valoir que, s'il est vrai que l'expression a quelque chose d'archaïque, il ne faisait aucun doute qu'elle s'appliquait aux deux sexes et à toutes les religions.
L'article a donc été récrit. Il n'y a rien de mal à rendre les choses plus claires, mais dans ce cas-ci, personne n'a jamais vraiment douté que cet article s'appliquait de manière très large et n'excluait personne.
C'est finalement sous la pression populaire — l'opposition et de nombreux groupes de la société civile ayant tiré la sonnette d'alarme — que le gouvernement a décidé de faire marche arrière et de renoncer à supprimer l'article 176. Voilà pourtant qu'il revient sur le tapis. Cette fois-ci, le gouvernement ne veut plus le supprimer, il veut simplement en faire une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, ce qui voudrait dire une peine allégée pour les inculpés.
La même question se pose que dans le cas de la conduite avec facultés affaiblies. Le gouvernement a beau essayer de nous leurrer avec ses nombreuses volte-faces, on voit tout de suite qu'il cherche à affaiblir les lois qui protègent les institutions religieuses et la pratique de la foi. Autant il n'hésite pas à annoncer certains de ses engagements tambour battant — pensons par exemple à l'islamophobie —, autant il essaie de se défiler, et deux fois plutôt qu'une, quand une disposition du Code criminel protège concrètement les personnes qui veulent pratiquer leur foi sans craindre d'être interrompues.
Il y a tellement de choses à dire au sujet du projet de loi C-75, qui fait plus de 300 pages, que je pourrais en parler pendant des heures, mais mon temps de parole est écoulé.